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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), SOTÉRIOLOGIE


apporte à tenir compte de tous les textes scripturaires qui peuvent dirimer la question : Quod « descendit Spirilus et mansit super eum », testatur Seriptura (Matth., m, 16), et quod « proficiebat et confortabatur a Spiritu » (Luc, ii, 40), etiam affirmât ; et ex illo : « crescebat statura sua » (Luc., ii, 40), etiam itlud « proficiebat in sapientia sua et gratia » (Luc, ii, 52) verum invenitur et non falsum. Quod si hœc falsi sunt, mentitiv sunt Scripturæ, quia Scripturæ id dicunt. Est-ce à dire pourtant que « l’union » aurait été, au cours de la vie humaine du Christ, se resserrant, se perfectionnant, pour ne devenir indissoluble qu’après la résurrection ? Babaï repousse avec indignation ces concepts blasphématoires. Nous avons dit ci-dessus la précision avec laquelle il aflirme que l’union a eu lieu dès le premier instant de la conception. Mais cette union n’exclut pas l’existence dans l’humanité du Sauveur des « passions », au sens philosophique du mot. Les scolastiques latins ont essayé de faire une discrimination entre les « passions » qu’il est convenable de laisser dans le Sauveur, et celles qu’il y aurait injure à lui attribuer. Cette distinction Babaï ne la fait pas explicitement, quoique les énumérations faites par-lui soient, à coup sûr, révélatrices de sa pensée. Mais il affirme que ces « passions » ne subsistent plus dans le Christ glorieux et ressuscité, et que le baptême (c’est le point curieux de sa théorie) attribue au Christ les arrhes de cette « impassibilité » et de cette « immutabilité ».

Quamvis unio facta sit ab utero et per Spiritum Sanctum formatum sit principium vitæ nostræ id est, homo Domini nostri qui est Adam novus, tam ?n non in initio formationis suse perfectus est in sapientia et immorlalitate propterunionera sibi factam cum Deo Verbo, qui eum ad personam suam assumpsit ut esset habitaculum divinitatis. Ita enim non dicimus quod homo Domini noslri ab initio formationis su » omnino perfeclus est et fuit non indigens sicut posl resurrectionem. Quomodo enim ? Ecce esurivit, et sitivit, et fatigatus est, et dormivit, et turbatus est, et timuit, et confortatus est, et fuit in dolore animi et corporis, et dixit se tristem esse, et passus est, et mortuusest, et sepultus est, et resurrexit, et pertulit omnia, et tandem perfectus est, ut supra ostensum est. Trad., p. 119.

Et après un développement où notre théologien montre la part de manifestation extérieure, destinée à notre instruction, qu’il faut reconnaître dans la scène du baptême, Babaï d’ajouter :

Verumtamen hæ actiones œconomine apud hominem Domini nostri in baptismo facta ? sunt, ut agnosceretur quod ipse baptismum accepit, tanquam in primitiis gratiam Spirilus in arrliam immortalitatis et immutabilitatis. Ibid., p. 210.

Et Timothée, dont nous avons cité plus haut des textes si étrangement monénergistes, est aussi affirmatif que Babaï quand il s’agit des « passions » du Christ, avec une nuance pourtant, qui n’est pas sans intérêt.

Omnes passiones naturales et irreprehensibiles, prseter peccatum, tulit… Sicut enim mortem vohinlarie tulit cum omnino non mori posset (renvoi à Joa., x, 18), ita etiam omnes passiones naturales et irreprehensibiles volunlarie pro nobis tulit salvator noster, ut passiones nostras in sua passione et mortem nostram in sua morte solveret et destrueret.

En définitive, la christologie nestorienne nous apparaît, à plus ample examen, beaucoup moins aberrante de la christologie chalcédonienne qu’elle n’en a la réputation. Fondée sur des définitions de la nature, de l’hypostase, de la personne, passablement différente de celles qui ont finalement prévalu dans la théologie « occidentale », elle propose du « mode de l’union » un concept qui, sans doute, n’est pas immédiatement superposable à celui de Chalcédoine ; mais peut -être des traductions opportunes pourraient-elles ramener ce concept à celui de l’orthodoxie catholique. Les divers

problèmes que soulèvent les conséquences de l’union sont résolus en théologie nestorienne, comme en théologie chalcédonienne, sensiblement de la même manière, sauf sur des points de détail. Jusqu'à quel point cette théologie a-t-elle éliminé, pour se constituer en l'état où on la trouve à sa plus belle période, certaines audaces ou certaines maladresses d’expressions des docteurs antiochiens, c’est ce qu’il est bien difficile de dire, dans l'état si imparfait de nos connaissances sur l'œuvre d’un Diodore, d’un Théodore ou même d’un Nestorius.

/II. AUTRES QUESTIONS THÉOLOGIQUES. — 1° Rédemption, péché originel, grâce. — Que l’incarnation ait eu pour fin (principale ou exclusive) la rédemption de l’humanité, c’est ce que les professions de foi affirment, sans d’ailleurs y insister autrement. « En lui (dans le Fils unique, Dieu et homme), dit le synode d'Ézéchiel, 576, fut renouvelée la vieillesse de notre nature ; dans l’enveloppe de son humanité, il a payé la dette de notre race par l’acceptation de la passion et de la mort de la croix. « Synod. orient., p. 113, trad., p. 372. Et le synode de Georges I er, 680 : « Comment notre dette pourrait-elle être acquittée, si le Christ n'était pas consubstantiel à nous dans son humanité ? lui qui, par la promptitude de sa volonté, par la distinction de ses œuvres, par l’opération de Dieu qui était en lui, était pur de tout péché… Par sa sainteté, nous avons été libérés de notre dette, par sa justice nous avons été justifiés du péché ! » lbid., p. 237, trad., p. 503. C’est, comme on le voit, très clairement exprimée, l’idée de la satisfactio vicaria, et presque dans les termes scripturaires.

Mais par quoi est constituée cette dette collective de l’humanité? Les expressions synodales ne le précisent pas. Il peut s’agir simplement des fautes accumulées par les diverses volontés personnelles des hommes, bien que les phrases très générales des professions de foi n’excluent pas un état morbide et coupable, commun à tous les fils d’Adam, même à ceux « qui n’ont pas péché (personnellement) à la manière dont Adam a péché lui-même. » Mais ici encore sur la théologie nestorienne a pesé la tradition antiochienne. Celle-ci n’est pas favorable, même en ses représentants les plus orthodoxes, à la doctrine du péché originel, telle du moins que l’ont précisée dans l’Occident latin les querelles du début du ve siècle. Théodore de Mopsueste semble bien l’avoir délibérément combattue ; il a été suivi, à peu d’exception près, par les théologiens de l'Église nestorienne. Si Hënânâ d’Adiabène a soulevé tant de réprobation parmi eux, c’est tout autant à cause de sa doctrine sur le péché originel qu'à cause de ses « étrangetés » christologiques. Et il nous paraît bien que l’accusation de « fatalisme » que l’on a lancée contre lui, vise, en définitive, une doctrine de la concupiscence mal comprise par ses contradicteurs.

En tout cas, les déclarations officielles entendirent mettre bon ordre à ces « aberrations ». Le synode de Sabriso' I er, 596, vise probablement les partisans de Hënânâ, quand il s’exprime ainsi : « Certains hommes, revêtus de l’habit religieux, doutent dans leur esprit au sujet de la foi vraie et orthodoxe, s'élèvent contre les docteurs véritables de l'Église, répandent des doctrines hérétiques et pervertissent l’esprit des simples. Parfois ils disent que le péché est placé dans la nature ; quelques-uns disent que la nature d’Adam avait été créée immortelle dès l’origine, etc. » Synod. orient., p. 196. trad., p. 456. Contre eux, le synode déclare solennellement : « Nous repoussons et éloignons de toute participation avec nous quiconque admet et dit que le péché est placé dans la nature, et que l’homme pèche involontairement, et quiconque dit que la nature d’Adam a été créée immortelle dès l’origine. » lbid., p. 198-919, trad., p. 459. Et, pour citer encore Babaï,