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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), THÉOLOGIE SACHA ME NT AI RE


des arèles extrêmement vives. Sa lettre II, citée cidessus, est un petit traité de l'âme ou sont soulevés les divers problèmes qui se posent à son sujet. Les c. iv, v, vi. répondent aux questions suivantes : Quelles connaissances demeurent dans les âmes séparées ? Savent-elles quelque chose du bien ou du mal qu’elles ont fait durant qu’elles habitaient le corps ? Peuvent-elles éprouver quelque soulagement du mémento que l’on fait d’elles à l’autel du Seigneur ? Trad., p. 32-36.

Et voici, en résumé, les réponses qu'à ces questions un peu indiscrètes fait notre théologien : Dans l'âme séparée il subsiste « actuellement » la vitalité et le mouvement ; la liberté et la raison n’y demeurent plus que virtuellement, mais non actuellement. Les choses se passent un peu comme durant la vie intrautérine ou bien encore durant le sommeil, où nous sommes vraiment sur terre sans y être. Car la mort frappe toute notre nature, âme et corps ; dans le corps, elle amène la dissolution, dans l'âme, le silence des actes et des facultés. Dès lors l'âme ne sait plus ce qu’elle a fait dans le corps : « Si elle savait tout ce qu’elle a fait dans le corps, elle saurait aussi la rétribution qui est due à ces actions-là : le sachant, s’il s’agit d’une âme juste, elle habiterait déjà dans la félicité du royaume des cieux, s’il s’agit d’une âme impie, la connaissance des tourments qui l’attendent la mettrait déjà dans les tourments. » Mais alors il y aurait injustice, car le corps, associé jadis à l'âme pour la justice ou pour l’iniquité, ne peut rien sentir ; des deux compagnons, ou des deux complices le sort serait totalement différent ( !). Sans compter que, si l’on met dans l'âme séparée connaissance et liberté, elle sera capable de mérite ou de démérite, et pourra se procurer un sort différent de celui que s’est acquis son compagnon d’ici-bas. « Pour éviter toutes ces absurdités, que nul donc ne dise ou ne croie que l'âme séparée du corps a une connaissance actuelle, soit de ce qu’elle a fait durant son union au corps, soit de ce qui lui arrivera au jour du jugement, soit de ce que devient présentement son corps. »

Que signifie dès lors la pratique traditionnelle de l'Église (voir Badger, op. cit., t. ii, p. 130-131) d’offrir pour le « soulagement » des morts le sacrifice eucharistique ? L’efficacité de cette pratique, Timothée I er ne songe pas à la contester, et il rappelle, à ce sujet, l’exemple si connu de Judas Machabée, faisant offrir une oblation solennelle pour ses soldats tombés dans la bataille. Combien plus ne doit pas profiter aux âmes chrétiennes le « sacrifice du Fils de Dieu ». « Mais, continue-t-il, le fruit de ce sacrifice ne vient point actuellement à la connaissance de l'âme ; il ne lui sera connu qu’après la résurrection générale. Alors seulement, quand la mesure de ses fautes lui sera pleinement dévoilée, elle connaîtra aussi la mesure de la miséricorde divine qui lui est accordée à cause du sacrifice du Fils de Dieu. Bien que les péchés n’en soient point totalement expiés — puisque, dans l’hypothèse, l'âme n’a pas eu recours aux larmes et à la pénitence à l'époque où elle avait la jouissance de sa libre volonté — du moins une grande miséricorde lui en vient-elle, en sorte que sur elle aussi se manifeste la multiforme miséricorde de Dieu…. Ainsi il est souverainement utile que soit sans cesse immolé pour nous l’Agneau de Dieu. » Trad., p. 36. Par ces citations, on voit qu’il n’est pas facile de concilier la doctrine nestorienne avec le dogme catholique du purgatoire.

On verra dans le Livre de l’abeille de Salomon de Bassorah un exposé très populaire du sort des âmes séparées. L’auteur y atténue sensiblement ce qu’avait d’un peu rigide la conception de Timothée : « Sans doute, dit-il, les âmes ne reçoivent ni châtiment ni récompense avant la résurrection ; mais elles connais sent ce qu’elles ont fait de bien ou de mal. » Et il énumère les diverses opinions qui ont été émises sur les séjours possibles de ces âmes et leur état. La théorie du « sommeil des âmes » n’est comptée par lui que comme une hypothèse, et il ne s’y rallie pas entièrement. D’autant qu’il se rend fort bien compte qu’elle porterait un coup fatal à la pratique traditionnelle de l’invocation des saints. Op. cit., c. i.vi, trad., p. 131-133.

Sur la résurrection générale et ses suites, l’enseignement de l'Église nestorienne est à peu près l’enseignement commun. Babaï polémique, non sans injustice, contre les tendances origénisles de certains docteurs (des partisans de Hënânâ, sans doute) qui refusent d’attribuer aux ressuscites un corps analogue à celui que nous avons sur cette terre. Trad., p. 151 sq. Ces protestations reviennent de temps à autre chez divers théologiens. Mais il est une autre infiltration origéniste contre laquelle il ne semble pas que l’on se soit toujours mis en garde : une tendance à repréfenter comme métaphoriques les peines de l’enfer, et à en enseigner la mitigation graduelle. Cette tendance se manifeste clairement dans Joseph Hazzâyâ, voir l’art, cité d’A. Scher, p. 58, dans Salomon de Bassorah, c. ux et lx, trad., p. 137-142. Pour être moins populaires les expressions d'Ébedjésus n’en sont que plus révélatrices : « Les bons, écrit-il, monteront au royaume céleste, avec leur Seigneur, ils entreront dans les demeures de la région supérieure ; illuminés par les contemplations, les révélations de la lumière divine, ils jouiront d’une vie bienheureuse, d’une souveraine et ineffable joie. C’est la vraie béatitude. Quant aux méchants, ils demeureront sur la terre, plongés en d'épaisses ténèbres, brûlés par le feu de la douleur et de la pénitence, au souvenir de leurs œuvres passées, songeant à la façon dont ils ont échangé, étrange marché, l'éternel bonheur pour une joie imaginaire et momentanée. Yoilà le véritable enfer dont le feu ne s'éteint pas dont le ver ne meurt pas. » Livre de la perle, tract. V, c. vii, trad., p. 365. — Sur ces divers points de l’eschatologie, les confessions de foi proposées aux nestoriens venant à l’unité ont précisé l’enseignement catholique.

Les moyens de salut.

1. L'Église. — Il va de soi

que la théologie nestorienne considère l’institution ecclésiastique comme le moyen divinement établi pour conduire les hommes à leur fin dernière, tant par son enseignement, que par sa législation et ses sacrements. Tout cela est implicitement supposé, quelquefois clairement exprimé, dans les décisici s synodales que nous avons signalées.

Quant à la constitution même de l'Église, il ne semble pas que les théologiens aient beaucoup spéculé sur elle, et les démonstrations que l’on a voulu donner de leur croyauce à la primauté de Pierre et de ses successeurs, les pontifes romains, ne sont pas également solides dans toute leurs parties. C’est le cas de la dissertation de Mgr Khayyatt, Syri orientales scu Chalderi nestoriani et romanorum pontificum primalvs Borne, 1870, et aussi de la préface de Giamil, Bêlationes, p. xx sq. ; cf. aussi dom Emmanuel, O. S. B.. Doctrine de l'Église chaldéenne sur la primauté de saint Pierre, dans lievue de l’Orient chrétien, 1896, 1. 1, p. 137148. En face des textes plus ou moins poétiques que l’on trouvera rassemblés dans ces recueils, et qui, bien entendu, ne sont pas sans valeur, il faut mettre, pour les ramener à leur juste valeur, les textes officiels de l'Église nestorienne. Voici comme s’exprime, en 585, le synode d’Iso’yahb I er dans son canon 29, intitulé : « Des ordres et des degrés du ministère ecclésiastique », où il s’agit de régler la situation du catholicos dans l'Église orientale. Après avoir rappelé comment Notre-Seigneur a pour ainsi dire ordonné patriarches les Douze, « pour tenir d’une manière générale le