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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/455

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OCCAM. LE PROCÈS DE 1326


de grouper ces articles de manière logique ; l’on verra ainsi, du premier coup d’œil, les points de l’ôccamisme qui ont excité d’abord les soupçons, et l’appréciation que, dès le principe, portèrent sur elles des théologiens qui n’étaient pas sans valeur. Nous modifions quelque peu le classement donné par A. Pelzer, loc. cit., p. 242 ; nous étudierons d’abord les propositions se rapportant à la philosophie, puis celles qui ont trait à la théologie dogmatique et morale.

1. Propositions relatives à la philosophie.

Elles portent sur un procédé dialectique (39) ; le mouvement (50) ; l’espace (47, 48) ; la connaissance (10, 13, 30, 31, 34, 38) ; les rapports de l’âme et du corps (49 ;. En exprimant leur jugement, les censeurs font remarquer qu’il s’agit là d’opinions qui ne touchent ni la foi, ni les mœurs, mais qui, en certains cas, pourraient, si l’on en tirait des déductions théologiques, conduire à l’erreur.

Le procédé dialectique, signalé à l’article 39, est simplement qualifié ridiculosum nec dignum improbatione ; l’article 50, qui ramène tout mouvement au mouvement local, provoque cette remarque : est mère philosophicus et conclusionem credimus esse jalsam ; les art. 47, 48, relatifs à la possibilité pour une substance corporelle d’être à la fois en plusieurs lieux (per potentiam divinam et non virilité propria), et inversement pour plusieurs corps d’être à la fois dans le même lieu, amènent ce jugement : repulamus falsum et impossibile et est mère philosophicum. — Les questions relatives à la théorie de la connaissance soulèvent des problèmes plus délicats ; les censeurs se rendent plus ou moins compte des conséquences agnostiques de certaines propositions d’Occam sur le caractère subjectif de l’intuition (art. 10), sur le caractère notionnel et non réel de la science (art. 13). De la première ils disent qu’elle est simplieiter falsa, periculosa eterronea ; de la seconde qu’elle est stmpliciter sophistica continens multa falsa quæ sunt expresse contra philosophiam et applicata ad aliqua theologica essent hærelica. — Les art. 30 et 31, cꝟ. 43, sur la nature des idées (idea est ipsamet res singularis cognita ) et la distinction réelle entre les facultés sensitives sont appréciées de manière plus bénigne : Reputamus simpliciter falsos. Sed quia sunt mère philosophai, non reputamus eos continere aliquid erroneum contra fidem aut bonos mores. — L’art. 34 : aliquis potest habere fidem circa principium et noticiam evidentem circa conclusionem, est simplement déclaré falsus, isla tamen falsitas non est contra fidem vel bonos mores.

— L’art. 38 n’est pas réprouvé pour lui-même, car sa doctrine est correcte : pour saisir l’évidence d’une proposition, il faut avoir la connaissance intuitive (voir col. 753) d’un des termes au moins de la proposition. Dès lors, dans l’état de voie, il est des vérités contingentes qui ne peuvent être connues avec évidence : l’incarnation, par exemple, ou la résurrection future. Mais, comme l’article se termine par un doute : Utrum aliquis intuitive videns essentiam divinam possit eas (veritates) evidenter cognoscere dubium est, c’est contre ce doute que s’élèvent les censeurs, en qualifiant d’hérétique semblable supposition. — L’art. 49, relatif au caractère naturel de la résurrection, qu’Occam d’ailleurs ne tranchait pas, amène ce jugement : Dicimus quod animam posse reunire se corpori per se ipsam naturaliter est falsum. — Mais, comme le lecteur l’a déjà remarqué, nous sommes passés, avec ces derniers articles, du domaine de la philosophie dans celui de la théologie.

2. Propositions relatives à Dieu et à la connaissance que nous en pouvons avoir (cf. col. 755 sq., et 779 sq.).

Que sur Dieu nous ne puissions rien énoncer, comme le déduisent les art. Il et 12, c’est contre quoi s’élèvent les censeurs. Cet agnosticisme leur apparaît faux, ridicule, périlleux, car nous avons par les créatures

une certaine connaissance de Dieu et sur lui nous formons des propositions qui sont vraies. Quant à une supposition d’Occam, d’ailleurs d’ordre purement logique (de virtute sermonis) à savoir que ex puris naturalibus potest ita bene cognosci trinitas personarum sicut essenlia divina, elle est qualifiée d’error apertus, et même d’hérésie, quia irinitatem personarum tenemus sola fide. Deum autem esse est demonstralum a philosophis et in Sacra Scriptura leslatur. L’agnosticisme occamiste est également réprouvé dans les art. 14-18. La censure de l’art. 14 se réfère d’ailleurs à celle de l’art. 11, mais elle est plus sévère encore : dicere quod essentia divina non possit cognosci in via nisi ipsa prius prœcognoscatur hæreticum reputamus. Quant aux art. 15-18, qui sont examinés ensemble, les censeurs estiment qu’ils se ramènent à ceci : « Notre connaissance de Dieu se termine exclusivement au concept que nous nous formons de Dieu. » C’est là, déclarent-ils, une hérésie manifeste. Erreur aussi de prétendre, art. 29, que les idées dans la pensée divine ne sont pas réellement l’essence divine (cf. col. 7(50) : Asserere essentiam nullo modo habere ralionem ideie respectu creaturarum est erroneum ; cf. art. 43.

Occam, on l’a dit (col. 757), est amené par sa critique de la distinction de raison à nier toute distinction des attributs divins, art. 25, 26, 45. A quoi les censeurs répliquent : Negare attributa divina differre ratione est falsum in philosophia et in theologia et clare contra dicta sanctorum. Quant au mode d’argumentation qui permet à Occam de jouer sur des propositions comme celle-ci : intellectus divinus est divina essenlia et non est divina essentia, ils affirment que de telles subtilités dialectiques sont subversives, tout autant de la philosophie que de la théologie.

Plus graves encore sont les conséquences relatives au dogme trinitaire qui résultent, chez Occam, de la critique des idées de relation et de distinction (cf. col. 776 sq.). Cette critique est examinée dans les art. 27, 28, 37, 41, 42, 44. Notons d’abord l’examen, art. 28 (cf. art. 42, 2e partie), d’une assertion d’Occam, selon laquelle on peut mettre exactement sur le même pied le concept d’une nature finie, numériquement une et multipliée en trois personnes, et le concept de la nature infinie semblablement multipliée ; simple jeu de logique, auquel les censeurs n’attachent pas une capitale importance. Mais ils maintiennent avec fermeté, à l’art. 27 (cf. art. 44), la valeur et l’utilité des formules réduplicatives employées pour distinguer l’essence divine, suivant qu’elle est envisagée dans le Père ou dans le Fils. De même, tout en réservant les discussions d’école, ils maintiennent la valeur de la distinction entre les quatre relations dans la Trinité, art. 37 : Negare quatuor relationes inter se diffère in divinis est falsum et erroneum. La concession faite par Occam que tout concept vrai de l’essence est également vrai de la personne, art. 41, est jugée fausse et erronée, car, disent les censeurs : aliqui conceptus de essentia sicut communicabile, indistinctum et simililer [sunt incompossi biles personse] et quidam conceptus de persona sunt incompossibiles essentise sicut incommunicabile, distinctum et quidam alii. L’assimilation, tentée par Occam entre le rapport de l’essence aux attributs et le rapport de l’essence aux relations personnelles, est également critiquée, art. 42, Ve partie. — Un seul des articles examinés touche immédiatement la christologie, n. 24. Une expression ambiguë d’Occam laissait croire qu’il concédait l’existence dans l’humanité du Christ, à quelque degré, de la fomes peccati, au moins sous la forme d’inclination cum rcbellione et aliqua inobedienlia ad rationcm ; pareille supposition est qualifiée d’erronée. On en rapprochera l’art. 36, bien caractéristique de la manière d’Occam : Deus posset peccare si assumerei naturam humanam sine donis ali-