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ORDALIES


I) Alexandre III († 1181), écrivant à Richard, évêque de Cantorbéry, se contente d’interdire au clergé d’exiger des taxes pour la bénédiction de l’eau qui doit servir à l’épreuve. Jaffé, n. 14 315. Loin d’autoriser les ordalies, le même pontife, écrivant à l’évêque d’Upsal, les interdit expressément, tout au moins en ce qui concerne leur emploi par les clercs. Il rappelle que les clercs ne doivent pas subir les jugements des laïques et être soumis aux épreuves des ordalies, qu’il appelle prohibitum et exsecrabile judicium. Et il termine par cette déclaration qui a été insérée au Corpus /iiris, Décret. Greg. IX, De cler. pug. in duello, V, xiv, 1 :

Fervent ls vero aquæ vel Quant au jugement de

candentls ferri judicium, slve l’eau bouillante ou du fer

iliK’Ilimi, quod monomachia rouge, ou quant au duel,

dicitur, catholica Ecclesia l’Église catholique ne l’ad contra quemlibet etiam, nemet (comme preuve) contre

duin contra episcopuni, non personne, à plus forte raison

admittit. P. L., t. ce, col. contre un évêque. 858.

Et Alexandre rappelle ici les décrets d’Etienne V et de Nicolas I er. Voir ci-dessus.

g) Sans insister sur l’intervention de Lucius III, contestant l’efficacité des ordalies et opposant aux peregrina judicia la purgatio canonica, seule indispensable, cf. Patetta, op. cit., p. 365, il est temps d’arriver au canon 18 du IVe concile du Latran, qui fixe l’attitude de l’Église en ces matières : nous le citons ici en entier, bien que seule la finale se rapporte aux ordalies :

Sententiam sanguinis nullus clericus dictet aut proférât : sed nec sanguinis vindictam exerceat, aut ubi exercetur intersit. Si quis autem hujusmodi occasione statut !, ecclesiis, vel personis ecclesiasticisaliquodprœsumpserit inferre dispendium, per censuram ecclesiasticam compescatur. Nec quisquam clericus litteras scribat aut dictet pro vindicte sanguinis destinandas. Unde in curiis principum hsec solliciludo non clericis, sed laicis committatur.

Nullus quoque clericus rottariis, aut balistariis, aut hujusmodi viris sanguinum pneponatur, nec illam chirurgiae partem subdiaconus, diaconus, vel sacerdos exerceant, quæ ad ustionem vel Lncisionem inducit. Nec quisquam purgationi aquæ ferventis vel frigidse, seu ferri candentis, ritum cujuslibet benedictionis aut consecrationis lmpendat : sal vis nihilominusprohibitionibus de monomachiis sive duellis antea promulgatis. Hefele-I.eclercq, t. v, p. 1348.

L’esprit qui inspire ce canon est clair. Tout ce qui touche au sang versé ou aux mutilations doit être, de près ou de loin, évité par les clercs. C’est à ce titre que les ordalies leur sont interdites.

II. ATTITUDE DE L’ÉGLISE A L’ÉGARD DUDl’EL

judiciaire. — Le duel judiciaire mérite qu’on lui consacre une attention particulière. Nous résumerons brièvement ce qu’il en faut penser au point de vue où nous nous sommes placé, la question ayant été suffisamment traitée dans le Dictionnaire apologétique de la loi catholique, t. i, col. 1196 sq.

1° L’origine germanique et païenne ne fait aucun doute. Si autem unus fuerit testis. dit la loi bavaroise,

Aucun clerc ne doit dicter ou porter une sentence de mort, ni exécuter une peine de mort, ni assister à l’exécution. Si, à l’occasion de ce statut, quelqu’un veut imposer aux Églises ou aux gens d’Église quelque amende pécuniaire, il sera frappé d’une censure ecclésiastique. Qu’aucun clerc ne compose ou ne dicte un écrit tendant à infliger une sentence de mort. Aussi, dans les administrations des princes, ce soin doit être laissé non aux clercs, mais aux laïques.

Qu’aucun clerc ne serve de chef aux rotarii, aux archers, ni à d’autres hommes de sang. Qu’aucun sous-diacre, diacre ou prêtre, n’exerce cette partie de la chirurgie qui consiste à couper ou à brûler. Qu’aucun n’accorde le rite de la bénédiction ou de la consécration à l’épreuve de l’eau bouillante ou froide, ou du fer rouge, les anciennes défenses concernant le duel conservant toute leur vigueur.

et ille alter negaverit, tune Dei accipiant judicium… exeant in cumpo, et cui Deus dederit victoriam, illi crédite. Mon. Germ. hist., Leg., sect. i, t. v b, p. 292. Les lois allemande et burgonde renferment des formules analogues. Au vi c siècle, la loi Gambette statue qu’au cas où l’accusateur refuse d’admettre la justification de son adversaire, « les deux parties sont tenues de se présenter dans le plus bref délai devant nous, pour vider leur querelle par le jugement de Dieu. » Ibid., t. u a, p. 49 ; cf. t. v, p. 225, 241, 248, etc. On retrouve le duel judiciaire chez les Slaves, les Lombards, les Francs, sous les rois Carolingiens ; cf. Capitulaires de Charlemagnc, de Louis le Débonnaire, de Lothaire, Mon. Germ. hist., Leg., sect. ii, t. i, p. 117, 268, 331. Si plusieurs rois et empereurs, notamment Canut de Danemark, Frédéric II de Germanie, Louis IX en France, s’opposèrent au duel judiciaire, ce fut en vain.

2° L’opposition de l’Église au duel judiciaire est un fait qui s’impose, mais qui doit être entendu avec la nuance qu’apporte l’esprit qui a présidé à la rédaction du 18° canon du IV « concile du Latran.

1. Il faut reconnaître, d’une part, qu’un certain nombre de conciles particuliers ont ou admis ou toléré l’épreuve du duel judiciaire. Rappelons ceux, au vine siècle, de Dingolfingen, Neuching, Riesbach. Voir ci-dessus. Au ixe siècle, ceux de Seligenstadt, de Burgos et Tolède. Mansi, Concil., t. xix, col. 397 ; t. xx„ col. 514. Au concile de Reims de 1119, présidé par Calixte II, on cite également un décret sur la trêve de Dieu, qui aurait sanctionné la coutume du duel. Nous avons également entendu Hincmar, Yves de Chartres, qui le tolèrent ou l’acceptent. Mais tout ce qu’on a dit plus haut montre qu’il ne faut pas exagérer les conclusions à tirer de ces faits. Hincmar n’engage que son autorité personnelle. Yves de Chartres, est beaucoup plus réservé. Si parfois, il semble favorable au duel, Epist., lxxiv, clxxxiii, ccxlvii, cclxxx, P. L., t. clxii, col. 95, 184, 254, 281, ailleurs il le traite de tentation de Dieu et déclare qu’il n’est pas. une preuve infaillible ; il ne l’admet que sur l’ordre de l’autorité légitime (l’autorité civile), et le regarde comme une sorte de pis-aller. Epist., cev, ccxlix, cclii, col. 210, 255, 258. Quant aux synodes invoqués, ce ne sont « que des synodes locaux, ordinairement sans importance, parfois, comme celui de Neuching, plutôt assemblées de seigneurs que synodes d’évêques. ► Dict. apol. de la foi cath., art. Duel, col. 1200. Quant au décret du concile de Reims, on a déjà vu que son authenticité était très contestable. D’autre part, nous avons l’autorité d’Agobard, fermement opposé au duel, et celle du concile de Valence qui a subi son influence. Voir plus haut.

2. Quant aux papes, on ne peut rien arguer de leur silence avant Nicolas I er. On ne les a sans doute pas consultés. Les duels étant affaire des princes temporels, ils ne pensaient pas avoir à s’en mêler. Les papes n’ont parlé que lorsqu’on les a consultés au sujet de cette coutume. On cite cependant, en faveur du duel, la réponse de Nicolas I er à Charles le Chauve, en 867, au sujet du duel que proposait le roi Lothaire pour prouver la culpabilité de Teutberge. Les expressions legatum inire conflictum, legitimum controversiæ subire certamen, ont été entendues du duel judiciaire. Mais rien n’est moins sûr que ce sens. Voir Patetta, op. cit., p. 358-359. D’ailleurs, nous avons la pensée authentique de Nicolas I er dans le décret Monomachiam. Voir ci-dessus.

On dira que ce décret et les décrets portés par les. papes postérieurs, Etienne V, Alexandre II, Innocent II, ne réprouvent le duel que dans les causes ecclésiastiques. C’est vrai, et c’est bien là la position de l’Église dans la question générale des ordalies. Ce-