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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/74

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NESTORIUS. EPILOGUE DE LA CRISE


fond de son exil, Nestorius les a connues et qu’il a exprimé sur elles un Jugement dont il convient de tenir compte.

Nous pouvons passer rapidement sur l’agitation de ees moines arméniens dont parle I.ibératus, Breviar. , c. x. P. L., t. î.xviii, col. 991 C. Sectateurs plus ou moins larvés d’Apollinaire, ils s’étaient beaucoup agités pour faire condamner « les traités de Théodore de Mopsueste et d’autres saints Pères, qui, en leur temps, avaient écrit contre celui-ci ». Libératus nous les représente circulant à travers tout l’Orient, dans les cités et les monastères, terrorisant par leurs menaces clercs, laïques et moines, et répétant à qui voulait les entendre : « Si Nestorius a été justement condamné, que l’on condamne aussi tous ces textes et leurs auteurs. » Ils le faisaient pour affermir la doctrine d’Apollinaire, qui, par ce mot d’unique nature, enseignait que le Christ ne nous était pas eonsubstantiel, qui per imam naturam Christian nobis consubstantialem non exposuil. C’est à leur action que I.ibératus attribue les agissements de Proclus, dont nous avons parlé, col. 131.

Mais ceci n’était rien en comparaison de ce qui se passait en certains couvents de Constantinople. C’est en ces milieux monastiques que Nestorius avait cru apercevoir dès son arrivée dans la capitale une doctrine suspecte. Les événements ultérieurs semblent bien avoir quelque peu donné raison à son diagnostic. Eutychès, dont les excès de parole allaient troubler l’Église, n’était à tout prendre que le représentant de la grande famille monacale qui avait soutenu saint Cyrille dans sa lutte contre Nestorius. Il est vrai que le vieil higoumène dépassait, et de beaucoup, les alignements de la théologie cyrillienne. Non seulement il se réclamaii avec énergie de « l’unique nature », de « l’union physique » et de la doctrine générale des anathématismes ; mais, chose que Cyrille n’avait jamais faite et contre quoi même il avait protesté, Eutychès déclarait que l’humanité prise par le Sauveur n’était pas de même nature que la nôtre. Toute pénétrée par la divinité, formant avec elle une sorte de mixte, cette humanité ne nous était pas consubstantielle.

Cité finalement au tribunal de Flavien par ce même Eusèfee de Doryléc qui, en 429, avait affiché le premier placard contre Nestorius, Eutychès, malgré les puissantes protections dont il se prévalait, avait été condamné, sur son refus de souscrire à la doctrine des deux natures. Le pape saint Léon avait approuvé cette condamnation et, comme la cour avait convoqué, pour août 4-19, un grand concile à Éphèse, il avait adressé à cette occasion à l’archevêque Flavien son fameux Tomos. Avec la précision d’un juriste et la netteté d’un théologien, très conscient de son rôle de juge de la doctrine, il avait exprimé le dogme des deux natures, parfaites, complètes, agissantes. Ces deux natures, ce n’était pas seulement par une vue de l’esprit qu’il convenait de les distinguer : chacune avait ses opérations propres, et l’Evangile montrait assez le départ qu’il y avait à faire entre celles qui ressorlissaient à l’humanité, et celles qui étaient de la divinité. La foi catholique devait sauvegarder l’le caractère propre des deux natures, des deux substances, réunies en une seule personne. » Salva igitur proprielale utriiisque naturm et substantiæ (on remarquera que la traduction grecque a laissé tomber le mot substantiel qui, régulièrement, aurait dû se traduire par ÛTTÔa-aotç) el in imam cœunte personam. Sur cette unité de personne, le pape insistait pour terminer, montrant comment elle justifiait ce que l’on appellera plus tard la communication des idiomes, comment elle autorisait des formules telles que celle-ci : le Fils de Dieu a été crucifié. Mais, si l’o’n songe que,

dans le début de sa lettre, il faisait allusion à la demeure que la Sagesse divine s’élail édiliée au sein de la Vierge, à la nature humaine qu’elle avait prise de la « mère du Seigneur », l’on devra reconnaître que la pensée et l’expression du pape rencontraient fort exactement celles de l’Acte d’union, autant dire le symbole rédigé par les Orientaux en leur réunion d’Éphèse. Voir col. 122.

Au fond de l’Oasis, Nestorius eut connaissance de ce tome de Léon. « Pour moi, écrit-il, lorsque j’eus trouvé et lu cet écrit, je rendis grâces à Dieu de ce que l’Église de Rome avait une confession de foi orthodoxe et irréprochable, bien qu’elle eût été disposée autrement à mon égard. » Héraclide, p. 298. En somme, il se reconnaissait dans la doctrine proposée par Léon : « Il y a peut-être là, remarque finement L. Duchesne, une certaine dose d’illusion, pardonnable à un proscrit qui, au jour où le vengeur arrive, n’est pas porté à le chicaner sur des nuances. » Hist. anc, t. iii, p. 452. De cet accord entre sadoctrine et celle de Nestorius, le pape saint Léon, d’ailleurs, était fort loin de se douter. Sur le compte de l’archevêque déposé il s’en tenait, il s’en tiendrait toujours, substantiellement, aux appréciations que lui avait fournies Cassien ; en condamnant Eutychès, il ne lui venait pas à la pensée de réhabiliter Nestorius. Cf. Jafîé, n. 479, 499, 500, 542.

Comment le Tome de Léon, au lieu de s’imposer au IL concile d’Éphèse, n’y fut pas cité, comment Dioscore, renouvelant des procédés qui avaient déjà réussi, parvint à se débarrasser de Flavien, comment ce « brigandage » parut être le triomphe du mnnophysisme, ce n’est pas ici le lieu de le rappeler. L’in juste déposition du nouvel archevêque de Constantinople, Nestorius l’apprit aussi et il ne put s’empêcher de comparer le sort de Flavien au sien propre, la procédure employée par Dioscore à celle que, dix-neuf ans plus tôt, avait mise en œuvre Cyrille. Voir Héraclide, p. 294 sq., 302 sq., 307 sq. Vécut-il assez pour connaître la revanche que le concile de Chalcédoine devait apporter, deux ans plus tard, à la mémoire de Flavien et à la doctrine dyophysite ? On ne peut en être assuré. Les dernières pages du Livre d’Héraclide parlent des malheurs de Dioscore, p. 327 au bas : est-ce de malheurs déjà arrivés ou de calamités à craindre ? Si, comme le pense F. Nau (note à ce passage), le texte veut dire non pas que Dioscore a été exilé, mais qu’il est en danger de l’être, on doit rapporter la rédaction de cette phrase à une période antérieure à Chalcédoine : aussitôt après l’avènement de Marcien, il devenait évident que la situation de Dioscore était fortement ébranlée. On ne peut doncen tirer aucune preuve pour la survivance de Nestorius jusqu’après le concile de 451.

Le bruit courut plus tard, au moins parmi les jacobites, que l’exilé aurait été invité, par les soins du gouvernement impérial, à assister à cette assemblée. Philoxène, évêque jacobite de Mabboug entre 485 et 523, le dit expressément dans une lettre aux moines de Senoun. Texte dans F. Nau, Le livre d’Héraclide, append. ni, p. 370 ; autres allusions dans les Plérophories de Jean de Maïouma, Pair. Or., t. viii, fasc. 1, p. 76, 83-85. Mais ce pourrait bien être une invention des jacobites pour déconsidérer le concile maudit », qu’ils accusaient d’avoir réhabilité la doctrine nestorienne. Tous les auteurs jacobites, d’ailleurs, s’accordent pour dire que Nestorius ne put répondre à l’invitation et que la Providence le fit mourir, d’une mort atroce et digne de ses blasphèmes, au moment même où il se disposait à partir. Toute cette histoire semble bien remontera Timothée.Flure dont la bonne foi n’est pas, il s’en faut, au-dessus de tout soupçon.

Ce qui paraît certain, c’est qu’ordre avait été