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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.1.djvu/88

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NESTORIENNE (L'ÉGLISE), LES ORIGINES

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limitent aux Indes la prédication de l’apôtre. L’auteur

est un Syrien, qui sait reconnaître en Thomas » un

surnom, to’mo, qui signifie » jumeau » ; aussi a-t-il conserve le nom personnel, Judas, qui était celui de Thomas-Didyme suivant l’ancienne version syriaque, témoignant par ce détail qu’il écrivait dans un temps où l’ancienne version des évangiles n’avait pas encore été remplacée par la PeSitto. La date des Actes n’est pas certaine, mais il est liés vraisemblable qu’ils ont été composés vers le début du nr siècle, soit à Édesse (on a proposé de les attribuer à Bardesane), soit ailleurs en Haute-Mésopotamie. Peu après, saint Éphrem, dans Bickell, Curmina Nisibena, Leipzig, 1886, carm. 42, et saint Grégoire de Nazianze, or. xxxiii, n. 11, P. G., t. xxxvi.col. 228, attestent aussi que Thomas a prêché aux Indes. Entre les deux traditions, Indes et Parthie, l’opposition n’est pas aussi complète qu’il pourrait sembler. Ainsi qu’on l’a universellement reconnu depuis les observations de A. von Gutschmid, Bheinisches Muséum, Keue Folge, t. xix, 1864, p. 161-170, dans les Actes de Thomas le fond du tableau est parthe ; et c’est justice, puisque des princes parthes ont régné alors, pendant plusieurs siècles, sur l’Afghanistan et le nord-ouest de l’Hindoustan. Entre l’Inde gouvernée par des princes pari lies et la Parthie elle-même, on comprend que la tradition n’ait pas su distinguer.

Quelle qu’ait pu être d’ailleurs la zone d'évangclisation parcourue par saint Thomas, aucune liste de succession épiscopale ne remonte jusqu'à lui, et ce n’est même pas à lui que se rattachent les chefs de l'Église nestorienne dans leur litulature officielle, car ils se disent « assis sur le trône de l’apôtre Thaddée ». Thaddée l’apôtre, ou mieux Addaï, l’un des soixantedouze disciples, nous ramène à un autre courant légendaire, édessénien lui aussi. Mais les Actes de Thaddée ne font aller l’apôtre que jusqu'à Amid (Diarbékir), et la Doctrine d’Aadaï arrête celui-ci à Édesse. C’est Aggaï, disciple et successeur d’Addaï, qui ordonne des évêques s pour toute la Perse des Assyriens, Arméniens, Mèdes et des contrées voisines de Babylone, pour les Huzites, les Gèles, jusqu’aux confins de l’Inde et jusqu’au pays de Gog et de Magog. » J. fixeront, Les origines de l'Église d'Édesse et la légende d’Abgar, Paris, 1888, p. 69 sq.

Dans le texte le plus développé du cycle, Acta S. Maris apostoli, édit. J.-B. Abbeloos, dans Analecta bollandiana, t. IV, 1885, p. 43-138, c’est Mari, autre disciple d’Addaï et compagnon d’Aggaï, qui parcourt pour l'évangéliser la Mésopotamie orientale. Il prêche d’abord dans le triangle situé entre le Tigre et le Petit Zab, ayant Arbèles comme centre, puis il descend par la route qui longe les contreforts du plateau de l’Iran, traverse le Beit Garmaï, descend entre la Diyala et l’Adhem, fonde le siège de Kaskar dans la Basse-Mésopotamie, remonte en Susiane, évangélise la capitale, Séleucie-Ctésiphon, où il n’avait pu d’abord pénétrer, enfin se rend à Doura d’Qoni, où il meurt après avoir désigné pour lui succéder son disciple Pâpâ. Les Actes de Mari n’ont aucune couleur historique : leur auteur paraît uniquement préoccupé de démontrer l’origine quasi-apostolique des principales Églises dépendant de Séleucie. Leur faiblesse éclate en ce qu’ils donnent pour successeur immédiat

'i Mari ce Pâpâ, que nous trouverons sur le siège de

Séleucie dans la deuxième moitié du nr siècle seulement et le premier quart du iv". Les chroniqueurs Mari, Amr et Slibâ sont plus avisés en insérant après Mari, au début de leur liste patriarcale : Abrès (90107), Abraham (130-152), Jacques, son fils (172-190), Ahadabûhi (205-220), §ahlûpâ (223-244), séparés, comme on le voit, par d’assez longues vacances. Mais il faut avouer que l’authenticité de ces personnages

DICT. DE THÉOL. CATH.

est fortement suspecte, surtout celle des trois premiers, donnés comme parents de Notre-Seigneur par saint Joseph. M.G. West pb al, Untersuchungen ûberdie Quellen und die Glaubwùrdigkeit der Patriarchenchroniken des Mari ibn Sulaiman… l Abschnitt, Kircbhain, 1901, p. M, cité par Labourt, Le christianisme dans l’empire perse, p. 17, n. 2, conserverait les noms d’Abrès, Ahadabûhi et Sahlùpâ, sans doute parce que ce sont des noms, le premier persan, les autres syriaques, tandis qu’Abraham et Jacques sont des noms courants et communs.

Au total, il n’y a guère qu’un fait à retenir des documents relatifs aux disciples d’Addaï, c’est que l'évangélisatlon de l’empire parthe s’est faite à partir d'Édesse, où le christianisme était religion d'État dès avant le début du nie siècle. Il est certain également que cette évangélisalion était commencée avant que la ruine de l’empire arsacide fût consommée par la victoire d’Ardasir I" (226). Les témoignages de Terlullien, Adversus Judœos, 1, P. L., t. ii, col. 649 sq., et de Philippe, disciple de Bardesane, dans le Livre des lois des pays, Palrologia syriaca, part. I, t. ii, col. 607 sq., prouvent qu’il y avait alors des chrétiens en Perse, mais nous ne pouvons savoir quel était leur degré d’organisation. M. Labourt a écrit : « Tout nous porte à croire qu’avant l’avènement de la dynastie sassanide, l’empire perse ne contenait pas de communautés chrétiennes organisées », op. cit., p. 17 ; mais M. A. von Harnack trouve M. Labourt trop radical, Die Mission und Ausbreilung des Christenlhums in den ersten drei Jarhhundcrten. 3e édit.. I. ii, Leipzig, 1915, p. 148 et n. 3.

Un document, publié après le livre de M. Labourt, inclinerait à juger plus favorablement encore la question du développement du christianisme en Perse, au temps des Arsacides. C’est une chronique de l'Église d’Adiabène, retrouvée par M. Alphonse Mingana dans un manuscrit provenant de l'Église d’Eqrour, dans le Kourdistan. M. Mingana a publié et trad.it en français le texte de cette chronique, mutilée aux deux extrémités, sous le nom de Msihâ-zkâ, écrit dans une marge, qui serait à identifier avec l’auteur d’une « histoire ecclésiastique » mentionnée par Ébedjésus. Sources syriaques, t. i, Mossoul, 1907, texte, p. 1-75, traduction, p. 76-168. Cette chronique a eu la bonne fortune de trouver un répondant en Europe dans la personne de M. E. Sachau, qui en a publié une traduction allemande avec une intéressante introduction et des notes, Die Chronik von Arbela. Ein Beitrag zur Kenntnis des allés (en Christentums im Orient, dans Abhandlungen der kgl. preuss. Akademie der Wissenschaften, 1915, phil.-hist. Klasse, n. 6. Depuis lors, la plus grande autorité a été accordée à ce texte, en particulier par M. von Harnack, qui s’en est servi pour la quatrième édition de Mission und Ausbreilung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten, Leipzig, t. ii, 1924, p. 683-691. Le P. Peeters, cependant, étudiant le témoignage de la Chronique d' Arbèles dans les récits hagiographiques, où d’autres textes donnent des moyens de contrôle, a présenté un certain nombre d’observations, qui nous engagent à user de la plus grande prudence dans l’utilisation de ses données. Le « passionnaire d' Adiabène », dans Analecla bollandiana, t. xliii, 1925, p. 261-304, en particulier p. 263 et 303 sq.

L’auteur de la Chronique, qui aurait écrit un peu après le milieu du vr siècle, mentionne sept évêques d’Arbèles avant la chute de la dynastie arsacide, dont le premier, Pëqïdà, aurait été disciple d’Addaï, ordonné par lui au début du n c siècle, en 104, d’après la chronologie restituée par M. Mingana, en 100 exactement d’après M. Sachau, p. 13. Les Juifs étaient nombreux en Adiabène et cela facilitait sans doute la

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