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ORDRE. CHEZ LES LUTHERIENS


à remettre et à retenir les péchés et à administrer les sacrements. Mais ce pouvoir, déclare la Confession, s’exerce seulement docendo seu prxdicando verbum et porrigendo sacramentel… Par là, il faut séparer résolument le pouvoir ecclésiastique du pouvoir civil. Les évêques doivent, comme tels, demeurer sur le terrain religieux. D’après l'Évangile, ils n’ont, de droit divin, que le pouvoir de remettre les péchés, de prêcher la vraie doctrine, d'éliminer les doctrines fausses, et, sans employer la force humaine, de rejeter les impies de la communauté ecclésiastique. Sur ces points, on leur doit, de droit divin, l’obéissance. Les évêques n’ont le droit d’instituer des cérémonies, des lois, des ordres divers de ministres, que dans la mesure où cela est permis par l'Évangile. Et partant de ce principe, la Confession examine un certain nombre de cas concrets.

4. Défense de la Confession.

Mélanehthon s’explique plus complètement dans la Défense, a. 13, 14 et 28. — A l’art. 13, il répète ce que nous avons déjà lu dans les Loci communes, en y ajoutant quelques traits nouveaux. Nos adversaires, déclare-t-il, entendent le sacerdoce, non du ministère de la parole et des sacrements, mais du pouvoir d’offrir le sacrifice, comme s’il fallait, dans le Nouveau Testament, rétablir le sacerdoce lévitique chargé de sacrifier pour obtenir la rémission des péchés. Nous, au contraire, nous enseignons que le sacrifice du Christ mourant sur la croix a été suffisant pour la rémission des péchés du monde entier, et qu’il n’est plus besoin d’autre sacrifice pour la rémission des péchés. Les hommes sont justifiés uniquement par le sacrifice du Christ, si toutefois ils se croient rachetés par lui. Les prêtres sont donc prêtres, non pas pour sacrifier, mais pour prêcher la parole de Dieu et administrer les sacrements. Ce sacerdoce ne ressemble pas au sacerdoce lévitique. En l’entendant uniquement du ministère de la parole, on peut l’appeler sacrement. Car ce ministère de la parole procède du commandement divin, Rom., i, 16 ; Is., i.v, 11. En ce sens, on peut aussi appeler sacrement l’imposition des mains.

L’art. 14 envisage directement l’ordre ecclésiastique. On doit conserver l’ordonnance ecclésiastique et les différents degrés de l’ordre, bien que ce soient là des institutions purement humaines. Ce sont là des coutumes vénérables, qu’il importe de conserver pour le bien public et la discipline ecclésiastique. Les évêques catholiques veulent contraindre les ministres réformés à rejeter ce qu’ils croient être la vérité : de là ces antagonismes qui nous obligent à abandonner des coutumes que nous voudrions conserver. Notre volonté de sauvegarder la vérité sera notre excuse devant la postéririté, etc.

Mélanchton n’attaque pas directement, ainsi que Luther, l'épiscopat comme tel ; néanmoins sa doctrine aboutit logiquement à la destruction de toute autorité dans l'Église. Le « sacerdoce », pour lui comme pour Luther, prend sa source, non dans le rite sacramentel conféré par l'évêque, mais dans la délégation populaire. On trouve aussi chez lui l’affirmation d’une Église purement spirituelle, qui n’est pas, comme d’autres organisations, une société de biens externes et de rites, mais societas fidei et Spirilus sancti in cordibus, quu> tamen habet externas notas, ut agnosci possit, videlicet puram evangelii doctrinam et administrationem sacramentorum consentaneam evangelio Christi. Art. 7 et 8 ; cf. J. T. Miiller, Diesymbolischen Bûcher der evangelisch-lutherischen Kirche, Gùtersloh, 1898, p. 203, 205, 152.

C’est dans l’art. 28, que Mélanehthon envisage plus directement la puissance épiscopale, pour en parler cependant avec un certain ménagement. Nos adversaires, dit-il, insistent sur le pouvoir de gou vernement et de coercition que possèdent les évêques pour diriger leurs sujets vers la béatitude éternelle. Et au pouvoir de gouvernement ressortit le pouvoir de juger, de définir, de discerner, de régler tout ce qui est utile ou nécessaire à l’obtention de cette fin. A cela il oppose que l'évêque n’a pas le droit de faire quelque chose qui aille contre l'Évangile et qui charge les consciences de péchés inconnus à l'Évangile. Ce nonobstant, Mélanehthon accepte le double pouvoir d’ordre et de juridiction. « L'évêque, dit-il, a le pouvoir d’ordre, c’est-à-dire le ministère de la parole et des sacrements ; il a le pouvoir de juridiction, c’est-à-dire l’autorité pour excommunier les criminels publics et les réconcilier ensuite s’ils se convertissent et demandent l’absolution. Mais il n’a pas un pouvoir tyrannique… » On le voit, l’auteur, tout en maintenant le fond de l’erreur luthérienne parle avec une prudence consommée. Sa pensée est résumée à la fin de la défense : Non enim constitiut regnum episcopi extra evangelium. Nec debent episcopi traditiones contra evangelium condere, aut traditiones suas contra evangelium interpntari. Op. cit., p. 288-289.

5. Articles de Smalkalde.

On sait que le pape Paul III, sur les instances de Charles-Quint, avait, en 1535, envoyé son nonce Vergerio pour traiter avec les réformés de la question du concile. Vergerio avait même eu une entrevue avec Luther. La négociation semblait avoir abouti et le concile fut convoqué à Mantoue à la date du 23 mai 1537. Pour arrêter leur ligne de conduite en cette conjoncture, les chefs du protestantisme se réunirent en février à Smalkalde. Luther y proposa une nouvelle confession, les vingtsept articles de Smalkalde.

Dans ces articles, il est question, à trois reprises, de l’ordre. — Part. III, a. 10, De initiatione, ordine et vocationc : si les évêques remplissaient leurs fonctions conformément aux enseignements de l'Évangile, les ministres réformés pourraient aller leur demander l’imposition des mains. Mais, puisque les évêques ne veulent pas abandonner toutes les comédies, singeries et pompes empruntées au paganisme, qu’ils ne veulent pas être de vrais évêques, mais entendent agir en politiciens, qui ni ne prêchent, ni ne baptisent, ni n’administrent la Cène, ni ne remplissent aucune fonction ecclésiastique, se contentant de persécuter et de condamner ceux qui se sentent appelés à remplir ces fonctions, force est bien à ceux-ci d’en revenir à la pratique de l'Église primitive, et notamment à la pratique de l'Église d’Alexandrie, telle que saint Jérôme la rapporte, où, sans évêques, sans prêtres ni ministres, la communauté se gouvernait elle-même. Aussi, nous ordonnons nous-mêmes ceux qui sont appelés au ministère. Mùller, op. cit., p. 323.

Tract, de potestate et primalu papa'. — Le pouvoir des clefs, promis et conféré à Pierre (Matth., xvi, 18 sq. ; Joa., xxi, 15), en réalité n’appartient pas à une personne déterminée, mais à toute l'Église. C’est pourquoi appartient à l'Église le droit d’appeler ses ministres. Super hanc petram wdificabo. se rapporte au ministère et non à la personne de Pierre. Or, ce ministère dans le Nouveau Testament n’est pas, comme autrefois le ministère lévitique, attaché à des lieux et à des personnes déterminées ; mais il est dispersé dans tout l’univers, et il est là où Dieu répand ses dons et suscite ses apôtres, ses prophètes, ses pasteurs, ses docteurs. Ce ministère a de la valeur, non en raison de l’autorité d’une personne, mais en raison de la prédication de la parole de Dieu. Mùller, op. cit., p. 333. De ces principes, les théologiens protestants tirent les conclusions les plus subversives de l’autorité pontificale.

Ces conclusions s’appliquent aussi au pouvoir cl la juridiction des évêques, dont les théologiens pro-