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ORDRE. CHEZ LES RÉFORMÉS


Dans la primitive Église, apôtres, évangélistes, prophètes, pasteurs, docteurs, qu’on appelait parfois évêques, d’autres fois diacres, d’autres fois prêtres, appartenaient au ministère de l'Évangile. Les apôtres, les prophètes, les évangélistes n’exercèrent qu’un ministère passager, n. 13. — Les pasteurs sont dits posséder le pouvoir des clefs, parce que, par la prédication et l’administration des sacrements, ils nous ouvrent les portes du royaume des cieux, n. 15. — Pasteurs et docteurs ne sont, dans la prédication, que les canaux dont Dieu se sert pour accomplir son œuvre, n. 16. — Les vrais prêtres (ministres) sont ceux qui sont appelés par Dieu et sont choisis officiellement (rite) par l'Église. Ceux qui sont notoirement indignes ne peuvent être considérés comme de vrais ministres, n. 17. — Les n os suivants, 18-24, traitent des ordres, tels que l’histoire de l'Église nous les fait connaître, depuis les ordres mineurs jusqu’au sacerdoce. Mais l’office du prêtre est de prêcher l'Évangile et d’administrer les sacrements ; il n’est pas question de sacrifice. Enfin, le n. 25 traite de la confirmation des élus aux ministères ecclésiastiques. En vue de cette consécration, il y avait autrefois l’imposition des mains, avec des prières, ces prières étant ajoutées, ne inane symbolum videretur. Peu à peu, on ajouta des rites empruntés soit à la synagogue, soit aux cérémonies païennes, insigni profecto Satanæ fraude. Ces cérémonies surajoutées doivent être rejetées. Voir E. F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche…, Leipzig, 1903, p. 433 sq. Tous ces n°s sont empruntés à Bèze.

Des déclarations de ce synode, il faut rapprocher la Confession des frères de Bohème, 1609, qui contient, c. ix, des affirmations analogues. Elle reconnaît, n. 1, que les ministres de l'Église sont les principaux membres et les vicaires du Christ. Elle déclare, n. 2, que les ministres de l'Église doivent accéder légitimement aux offices publics. Cette accession légitime se fait par la vocation de l’ordination, conformément à l’exemple du Christ et des apôtres. Cette ordination est faite avec la prière per manuum impositionem. Le pouvoir de prêcher l'évangile et d’administrer les sacrements doit être conféré de cette manière par les évêques et les prêtres. L’office du ministre, n. 4, est de prêcher la parole de Dieu et d’administrer les sacrements : il n’est pas question de sacrifice. E. F. Karl Müller, op. cit., p. 474 sq.

3. Zwingle.

Dans les thèses présentées par Zwingle au colloque de Bâle (29 janvier 1523), les tendances radicales du réformateur suisse s’affirment à l'égard du sacerdoce dans la thèse xxvii principalement, laquelle soutient que « tous les chrétiens sont frères dans le Christ, et que parmi eux aucune paternité spirituelle ne doit exister sur terre. Par là sont supprimés les ordres, les sectes, les castes. » Voir aussi, xxxiv, xxxv, xxxvii : le prétendu pouvoir spirituel n’a aucun fondement dans l’enseignement du Christ. Le pouvoir temporel est fondé sur l’enseignement du Christ. Tous les chrétiens doivent être soumis au pouvoir temporel ; cf. E. F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, p. 4 sq. A quoi se réduit donc pour Zwingle l’imposition des mains ? Il nous le dit dans son commentaire De vera et falsa religione : Ordo sacer, quem perhibent animie characterem quemdam, velut ungue, infligere, humanum figmentum est. Quod autem de impositione manuum ex Actis et I Tim., iv, 14, adducunt, frivolum est. Exterior hœc consignatio fuit qua cos nolabant in quos linguarum donum erat venturum, aut quos ad verbi ministerium erant emissuri. Quid hoc ad characteris figmentum facit ? Functio est, non dignitas episcopalus, hoc est verbi ministerium. Qui ergo administrat verbum, episcopus est ; qui minus, tam non est episcopus, quam non

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

est consul vel magislratus qui non fungitur. Dans Opéra, Zurich, 1832, t. iii, p. 274. Donc, pas de sacerdoce, pas d'épiscopat, pas de sacrement ; une simple consignation par un rite tout extérieur et tout humain. D’ailleurs Zwingle nie le pouvoir des clefs, même en tant que prédication de la parole de Dieu, (.'est simplement l'Évangile qui ouvre aux hommes la porte du ciel. Id., p. 215.

4° Conclusion : accord fondamental des différentes confessions. — Bien qu’il y ait entre protestants de différentes confessions des différences assez accusées au sujet de l’ordre, — au point qu’on a pu écrire « qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent », RealEncyklopädie für protest. Theologie., 2e édit., t. xi, 1883, p. 76 — il n’en est pas moins vrai qu’entre luthériens, calvinistes et zwingliens, un accord fondamental subsiste pour nier l’existence de l’ordre comme sacrement, pour nier la collation d’un pouvoir spirituel dans le sacrement de l’ordre, la supériorité de l'épiscopat sur le simple sacerdoce et le pouvoir des évêques de conférer par l’ordination un véritable pouvoir avec la grâce pour en exercer les fonctions. Tous sont unanimes à conserver l’imposition des mains comme une coutume humaine, légitimement introduite, pour assurer dans l'Église le bon fonctionnement de la prédication et de l’administration des sacrements. Et, d’après eux, l’imposition des mains redevient, ce qu’elle était dans la primitive Église, « une simple consécration ou mise à part pour le service de Dieu, un rite initiateur précédé du jeûne (Act., xii, 3) et accompagné de ferventes prières, pour appeler, sur ceux qui en étaient l’objet, des grâces précieuses du Saint-Esprit, la reconnaissance publique et le sceau de la double vocation du chef de l'Église et de ses rachetés. » Guers, L’imposition de mains, Genève, 1864, p. 8. « Dans son Appel à la noblesse allemande, et dans sa Captivité de Babylone, Luther se prononce d’abord avec force contre toute idée d’ordination, à cause des abus qu’avait entraînés cet acte prétendu sacramentel dans l'Église, mais il se convainquit bientôt du danger que ces théories extrêmes faisaient courir à la Réforme, et il s’efforça de réorganiser le ministère d’après les principes de l'Église primitive. Les États évangéliques répondirent dans la Confession d’Augsbourg à l’accusation qui leur était faite de désorganiser l'Église, et établirent la légitimité du ministère, art. 7, 8, 14 ; Apologie, a. 7 ; articles de Smalkalde, part. III, a. 10. L'Église réformée proclama les mêmes principes dans ses diverses confessions. Confessio helvetica, I, a. 18 ; II, 16 ; Confessio gallicana, a. 19, 23 ; Confessio anglicana, a. 23, 36 ; Confessio belgica, a. 30, 32 ; Confessio tetrapolitana, a. 3. » Ruffet, art. Consécration, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. iii, p. 370.

Le fait que certaines Églises luthériennes aient gardé un épiscopat de façade (tomme dans les pays scandinaves) n’atteint en rien la théorie fondamentale du protestantisme. Cet épiscopat n’a été maintenu que pour des raisons, tout à fait étrangères à la doctrine et ne comporte que des prérogatives d’honneur, sans pouvoirs supérieurs.

La théologie catholique contre les novateurs.


La question de l’ordre n’occupe qu’une place fort restreinte dans les négations luthériennes et calvinistes. Aussi ne doit-on pas être étonné que les théologiens catholiques, dans leurs polémiques anti-protestantes, l’aient abordé rarement et subsidiairement. Les thèses qu’ils défendent concernent surtout la messe, la justification, l’autorité du pape, l'Église. On trouvera néanmoins les thèses catholiques de l’ordre rétablies dans de nombreux ouvrages polémiques. Voir surtout Jean Eck, Enchiridion locorum

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