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    1. ORIGÈNE##


ORIGÈNE. COSMOLOGIE

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Père connaît, en raison de sa richesse, de sa sagesse et de sa science, et prétend, pour glorifier le Père, que le Fils ignore certaines choses que le Père seul connaît, parce que la science du Père égale les perceptions de l’inengendré, il faut savoir que notre Sauveur, par cela seul qu’il est la vérité, n’ignore rien de ce qui est vrai, et que, s’il est la vérité parfaite, il doit tout savoir : sans quoi la vérité serait défectueuse, puisqu’il serait privé de ces choses qu’il ne connaît pas, selon quelques-uns, parce qu’elles se trouvent dans le Père seul, ou bien qu’on nous montre qu’il y a des choses connues qui ne rentrent pas dans la vérité, mais qui soient au dessus d’elles. » In Joan., i, 27. Et cela est clair. Puisque le Verbe est la vérité, il doit connaître le Père comme il en est connu.

Mais nous nous rappelons qu’Origène a fait des distinctions entre la vérité absolue et la vérité relative. Si bien que nous n'éprouvons pas un très grand étonnement à lire dans le De principiis des formules qui s’accordent mal avec les précédentes. « Si le Père comprend en soi toutes choses et si le Fils fait partie de ce tout, il est évident que le Père le comprend aussi. Un autre demandera s’il est vrai que le Père n’est connu de lui-même que de la même manière qu’il est connu par le Fils et se rappelant ce qui est écrit : « Le Père qui m’a envoyé est plus grand que moi, » il soutiendra que cela est vrai en tout ; de sorte que, sous le rapport aussi du penser, le Père est connu par lui-même plus complètement, plus clairement, plus parfaitement que par le Fils. » De princ, IV, iv, 8 (35). Rufin abrège ce texte et en adoucit les formules, mais nous en avons encore l’original dans une citation de Justinien, et la traduction de saint Jérôme nous en a été conservée, de sorte que nous sommes assurés de sa signification. Origène ne dit évidemment pas qu’il adopte la solution proposée par le curiosus lector, et selon son habitude, il ne la propose qu'à titre d’hypothèse. On voit d’ailleurs que cette hypothèse a ses préférences, et l’on ne s'étonne pas que, dans le livre XXXII du commentaire sur saint Jean, il écrive : « Je demande si, outre la gloire qu’il a dans le Fils, le Père ne peut pas en posséder une plus grande, étant glorifié en lui-même, lorsqu’il se tient dans la haute pensée de soi, connaissance et contemplation plus grandes que celles qui sont dans le Fils. » In Joan., xxxii, 18, P. G., t. xiv, col. 821.

Il ne faut pas chercher à résoudre toutes les contradictions que pourraient nous offrir les textes d’Origène. Un aussi bon juge que J. Tixeront a écrit naguère : « On n’appuiera pas sur eux (les passages difficiles) un jugement trop sévère pour l’orthodoxie trinitaire d’Origène, si l’on remarque que plusieurs peuvent très bien s’expliquer, et sans beaucoup d’efforts, d’une façon acceptable, que l’incorrection des autres vient plutôt des termes employés qu’elle ne tient à la pensée de l’auteur, qu’il est juste enfin, dans le doute, de le faire bénéficier de ses déclarations fermes et précises formulées ailleurs. » La théologie antinicéenne, 9e édit., p. 309.

Je ne prendrais peut-être pas à mon compte ces explications ; mais j’insisterais plutôt sur la distinction que j’ai déjà rappelée entre Origène philosophe et Origène croyant. Le premier se laisse guider par la logique de son système et, pour sauvegarder pleinement le monothéisme, il subordonne le Verbe à Dieu. Le second insiste sur les attributs divins du Sauveur et se retrouve ainsi en communion avec les plus humbles de ses frères en même temps qu’avec les autorités légitimes de l'Église. C’est le premier qui écrit ces lignes : ô u.èv ©sôç xal IlaT/jp auvéjfwv Ta îràvra cpOàvei. eEç exaaTOv twv Ôvtcùv, uxtocSiSoùç ÉkccCTtp à.nb xoù tSîou tô eïvai ÔTtep èar'.v, èXaxTOVGjç 8è

71apà tôv LTaTÉpa ô Tîôç cpOâvcov ètuI ii, 6va Ta Xoyixà (SeuTE-poç yàp èazi toù LTaTpôç), éxi Se tjttovwç tô IIv£ij[J.a tô ayiov ènl u.6vouç toûç âyîooç Siïxvoûuxvov, coaxs xaTa toûto ii, sî£cùv ï) 8ùvau.iç toû IlaTpôç Trapà tôv Tlôv xai tô IIvcG[jt.a tô aytov, tcXsuov Se t) toù YioG noepà tô Tlvsû[i.a tô ayiov, xal 7râ>.t.v Siaçépouaa u.àXXov toû àyîou IIvspti.aTOç ?) 8ôvau, iç rcapà T à âXXa ayoa. » De princ, I, ni, 5. Impossible de méconnaître dans ce passage, où se pressent les termes philosophiques, les expressions techniques, une doctrine de la subordination. Au Père l’empire universel ; au Fils les êtres raisonnables ; à l’Esprit les saints. Origène admet sans doute que la puissance de l’Esprit reste incomparablement supérieure à celle des créatures saintes ; il reste que, dans la sphère de la divinité, elle est inférieure à celle du Père et du Fils. Il est vrai, comme le remarque J. Denis, que « cette formule, en apparence si précise, n’est même pas exacte au point de vue du système d’Origène. Si l’on fait réflexion qu’il n’y a en réalité que des natures rationnelles (car toutes les autres n’ont qu’une apparence d'être qui doit un jour s'évanouir) et que toutes les natures rationnelles sont destinées à la sainteté, tout cet échafaudage de paroles si industrieusement construit se détruit de lui-même et l’action du Père, du Fils et du Saint-Esprit relativement aux créatures, a juste la même extension. » De la philosophie d’Origène^. 121-122.

V. Cosmologie. —

Dieu seul est l'être parfait. Seul il existe par lui même. Mais il ne reste pas seul, car il crée le monde. Sur le fait de la création, Origène est extrêmement précis : « Si quelqu’un, écrivait-il dans son Commentaire sur la Genèse, comparant Dieu à des ouvriers humains, tombe dans cette erreur de croire qu’il ne peut pas faire le monde sans avoir sous la main une matière incréée (àyévvTjTov), parce que le statuaire ne peut accomplir son œuvre sans l’airain, ni le charpentier sans le bois, ni l’architecte sans la pierre, il faut lui demander si Dieu peut exécuter ce qu’il lui plaît, dès qu’il le veut, sans effort et sans que sa volonté trouve d’obstacle. Car, par la même raison, que, en vertu de sa puissance et de sa sagesse ineffables, il produit comme il le veut, pour l’ornement de l’univers, les qualités qui n’avaient aucun être auparavant — et c’est ce qu’admettent tous ceux qui croient à la Providence — sa volonté est capable d’amener à l’existence les êtres qu’il veut. Nous demanderons à ceux qui soutiennent qu’il n’en peut être ainsi, s’il n’est pas conséquent à leur opinion que Dieu ait eu vraiment une belle chance de trouver une matière éternelle, sans la rencontre de laquelle il n’eût pu faire aucun ouvrage et serait resté privé des titres de créateur, de père, de bienfaiteur, de bon, en un mot, de tous les titres qu’on a raison de lui attribuer. Comment donc aurait été exactement mesurée la quantité de cette matière pour suffire à la substance d’un tel monde ? Il faudrait supposer je ne sais quelle Providence plus ancienne que Dieu, qui lui aurait fourni la matière, pourvoyant à ce que l’art qu’il possédait ne demeurât pas inutile, faute de cette matière dont la rencontre lui a permis de taire la merveilleuse beauté de l’univers. D’où cette matière tenait-elle la capacité de recevoir les qualités que Dieu voudrait lui imprimer, s’il ne l’avait pas lui-même créée pour lui, en telle et telle quantité qu’il voulait l’avoir ? Mais, admettant, par impossible, que la matière soit incréée, nous demandons à ceux qui ont cette opinion : dans le cas où cette matière, sans avoir été mise sous la main de Dieu par je ne sais quelle Providence, aurait été par elle-même capable de ces qualités, qu’est-ce que la Providence, si elle l’avait créée, aurait fait de plus que le hasard ? Et si Dieu eût décidé de créer et de façonner cette ma-