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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/220

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ORIGÉNISME. CONTROVERSES DU VIe SIÈCLE


h. 7. où le docteur alexandrin aurait attesté l’exinanition du Christ par rapport à son âme préexistante, e. xiv. Elle critique vivement le passage du Péri Archôn, IV. iv. 4, où Origène dit que l'âme du Christ et le Fils sont un comme le Père et le Fils sont un, c. xvi. Enfin. Théophile reproche à Origène d’avoir dit que Dieu a créé autant de créatures qu’il en pouvait gouverner, c. xvii. P. L., t. xxii, col. 792 sq. La lettre festale de 404 ne contient en fait de polémique antiorigéniste qu’une allusion à la doctrine de la préexistence des âmes et de l’origine des corps, c.xii, P. L., t. xxii, col. 813 sq.

Entre temps, Théophile avait brutalement expulsé du désert de Nitrie les Longs Frères, le prêtre Isidore et tous les moines à sentiments origénistes. Les principaux d’entre eux se réfugièrent à Constantinople pour y demander la protection de Jean Chrysostome. Dans une lettre à Jérôme, Théophile se plaignit que l'évêque de Constantinople eût reçu avec bonté les origénistes, et en eût même promu quelques-uns au sacerdoce ; cf. lettre de Théophile à Jérôme, traduite par celui-ci, Epist., lxxxix ; de Théophile à Épiphane', également traduite par Jérôme, Epist., xc ; de Théophile à Jérôme, traduite par le destinataire, Epist., cxiii. P. L., t. xxii, col. 756, 757 sq., 931. On sait que cette affaire des origénistes d’Egypte fut un des points du litige entre Théophile et Jean Chrysostome. Voir ce mot, t. vii, col. 660 sq.

Il semble qu’après la chute de Chrysostome, Théophile se soit réconcilié avec les Longs Frères, Isidore étant mort sur ces entrefaites. Socrates raconte que, rentré à Alexandrie, Théophile faisait volontiers ses délices de la lecture d’Origène. A ceux qui s’en étonnaient, il répondait : « Les œuvres d’Origène sont comme un pré, où il y a de belles fleurs et quelques mauvaises herbes ; le tout est de choisir. » Socrates, H. E., VI, xvii, col. 716. C'était revenir à l’opinion de saint Basile, de saint Athanase et de tous les saints docteurs qui avaient parlé avec admiration d’Origène. Rufln avait toujours été de cet avis ainsi que Jérôme lui-même avant sa volte-face.

Y eut-il à cette époque des partisans des erreurs reprochées à Origène par Épiphane et Théophile ? F.Cavallera le nie. Selon lui. « il est impossible de trouver, dans la littérature de cette époque, trace notable d’erreurs origénistes exposées ou défendues systématiquement. » Cavallera, op. cit., t. i, p. 204. Sans doute Évagre du Pont passe pour avoir enseigné la préexistence des âmes ainsi que l’apocatastase, mais rien de semblable ne s l est conservé dans ce qui reste de ses écrits. Une apologie anonyme pour Origène, que Photius a encore lue, essaie de prouver la préexistence des âmes par des textes scripturaires et patristiques. Mais comme les textes patristiques allégués s’arrêtent à Eusèbe de Césarée, il semblerait que l’auteur de cette apologie a écrit dans la première moitié du ive siècle, de sorte que cette pièce ne prouverait rien pour l'époque qui nous occupe. D’autre part, quelques-unes des objections contre lesquelles l’auteur défend Origène semblent appartenir à une phase postérieure des controverses origénistes, par exemple celle qui reproche à Origène d’avoir enseigné que les chérubins sont des pensées du Fils. Aussi G. Bardy estime-t-il que « le résumé donné par Photius est trop bref pour que l’on puisse beaucoup préciser, » en ce qui concerne la date de cet écrit. Recherches sur l’histoire du texte et des versions latines du De principiis d’Origène, Paris, 1923, p. 29. Cette apologie n'étant pas de la fin du ive siècle, nous ne pouvons que nous rallier à l’opinion de Cavallera. Nous n’avons pas fait état en cette étude d’une lettre de saint Jérôme à Avitus, P. L., t. xxii, col. 1060 sq., parce que cette lettre est postérieure de dix ans à la querelle dont il est question.

En outre, elle n’est importante que pour la traduction hiéronymienne du Péri Archôn et pour ses rapports avec celle de Rufin. Notons cependant l’opinion de G. Bardy sur les citations du Péri Archôn qu’elle contient : « Le florilège hiéronymien (de textes du Péri Archôn cités dans la lettre à Avitus), est donc conçu dans le même esprit qui animera encore au vi c siècle les rédacteurs du florilège de Justinien : un esprit de partialité qui pousse le rédacteur à ne signaler que ce qui est mauvais et à omettre tout ce qui peut être bon ; à forcer les couleurs violentes ; à exagérer les contrastes, mais à dissimuler les nuances ; à donner comme des affirmations absolues et sans réserves ce qui, dans l’esprit de l’auteur primitif, était proposé sous forme d’hypothèse et écrit comme la présentation de simples possibilités. Ce n’est pas autre chose qu’un catalogue d’hérésies, une liste de monstruosités. On n’a jamais le droit d’oublier, en lisant de tels recueils d’extraits, pour quel but ils ont été fabriqués, et les sentiments qui animaient les collectionneurs de fragments. Nous n’accuserons pas évidemment saint Jérôme d’avoir fabriqué les textes ; il veut citer Origène et il le cite, mais c’est dans un esprit d’opposition qu’il le fait. » Op. cit., p. 181.

Ce jugement sur les citations d’Origène par saint Jérôme vaut aussi pour les citations d'Épiphane et de Théophile.

III. Les controverses origénistes du vie siècle. — 1° La condamnation d’Origène au concile de Menas, en 543. — Les controverses chiïstologiques du v siècle avaient fait quelque peu oublier Origène. Néanmoins, il conserva des admirateurs et des détracteurs. L’historien Socrates ne doutait pas de son orthodoxie, même en ce qui concerne la Trinité, et il jugeait sévèrement les adversaires d’Origène : Méthode, Apollinaire, Épiphane et Théophile, auxquels il oppose l’opinion de saint Athanase. Voir plus haut, col. 1566 ; cf. Socrates, H. E., VI, xin ; VII, vi, P. G., t. lxvii, col. 701, 749. Par contre, Théodore de Mopsueste, dans son De allegoria ethistoria, aujourd’hui perdu, semble avoir combattu Origène au moins pour son exégèse allégorisante. Antipater, évêque de Bostra, en Arabie, depuis 455, a écrit contre Origène, un livre fort prisé des antiorigénistes du vie siècle, mais qui ne nous a pas été conservé. Un renseignement donné par Cyrille de Scythopolis, dans la vie de l’abbé Euthyme, nous apprend qu’au milieu du ve siècle il y avait des sectateurs d’Origène en Palestine. D’après Cyrille, cet abbé Euthyme aurait refusé d’admettre dans son couvent quelques moines originaires des environs de Césarée, parce qu’ils professaient les erreurs d’Origène. Cyrille, Vita Euthymii, p. 52, dans l'édition Montfaucon, Analecta graca, t. i, Paris, 1688. Toutefois, ce n’est qu’au vie siècle que la question d’Origène prit un regain d’actualité.

Nous avons la bonne fortune d’avoir des renseignements de première main sur cette dernière phase des controverses origénistes, dans la vie de saint Sabas, écrite par Cyrille de Scythopolis. Cet auteur a dû s’intéresser particulièrement à l’origénisme, car, bien que son héros soit mort en 532, il expose les différentes phases de la controverse origéniste jusqu'à son dénouement, après le Ve concile général. Cette vie de saint Sabas a été éditée par Cotelier, dans Ecclesiæ grsecæ monumenta, t. iii, p. 220 sq. Dans son mémoire intitulé Die origenistischen Streitigkeiten im sechsten Jahrhundert und das fiïnfte allgemeine Concil, Munsteren-W., 1898, p. 5 sq., Diekamp a bien débrouillé les questions chronologiques concernant la vie de Sabas et la controverse origéniste du vie siècle. Nous suivons ici la chronologie qu’il a proposée.

1. L’occasion du conflit.

En 514, un certain Nonnus et ses trois compagnons furent admis à la