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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/282

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OXFORD (MOUVEMENT D*j. LA SCISSION


tique à celle des anglicans, la lecture d’un article de iseman, The anglican daims, dans la Revue de Dublin, août 1839, qui lui fit faire le même rapprochement entre les donatistes et les anglicans et qui lui donna l’obsession de cette parole de saint Augustin securus judicat orbis terrarum, tout cela l’avait troublé si fort qu’il émet, pour la première fois, devant des amis intimes, Rogers et H. Wilberforce, l’idée d’une conversion possible au catholicisme. Mais bientôt son trouble s’apaise : ses doutes ne sont-ils pas l’œuvre du démon ? Si c’est l’appel de Dieu, il se reproduira. On sent ce désir de se rassurer pleinement dans le sermon sur les appels divins, The divine calls, octobre 1839. Voir sur son état d’àme à cette époque sa réponse à Manning, le consultant sur le moyen de retenir une personne dans l’anglicanisme, dans Thureau-Dangin, op. cit., t. i. p. 184-180.

Le calme de sa conscience ne pouvait être que de peu île durée. En préparant son livre sur les ariens, en

1841, il aboutit à la même conclusion qu’à propos des înonophysites : les ariens purs sont les protestants, les semi-ariens les anglicans. Rome est toujours la même. « L’Église d’Angleterre a tort, dit-il à son vicaire Is. Williams, le devoir est de se joindre à elle. » Aulobiograpluj oj Is. Williams, p. 110. « Je crains, écrit-il à Hope, le 17 octobre 18 11. d’être obligé de dire que le seul moyen de garder l’Église d’Angleterre est d’envisager ouvertement la possibilité de la quitter et d’agir en conséquence. » Lett. and corr., t. ii, p 350.

De telles préoccupations intérieures lui rendaient pénible l’exercice de ses fonctions de curé de Sainte-Marie et délicate la direction du mouvement. Il avait interrompu les Tracts pour plaire à son évêque ; de lui-même il abandonne la direction du British critic, il met tin aux conférences théologiques qui se tenaient chez Pusey, il laisse l’administration de sa paroisse à son vicaire, Is. Williams, et se retire à Littlemore, emmenant avec lui sa bibliothèque théologique et patristique.

Des amis viennent le rejoindre dans sa retraite. N’était-ce pas le moment de réaliser le projet de restauration des ordres religieux, qu’il avait c ; ressé en 1810 ? Ce serait donner une arme nouvelle à ses adversaires : il y renonce. Néanmoins, c’est une véritable vie monastique que l’on mène à Littlemore, à partir de 1842 : office en commun, pendant quelque temps office de nuit, méditation, confession, communion fréquente, jeûnes et abstinence, étude… Au dehors on ne s’y trompe pas. L’évêque d’Oxford demande, en avril

1842, des explications sur cet essai de restauration monastique. Newman ne peut que se plaindre de la malice de ses adversaires qui ne cessent de le poursuivre de faux rapports, malgré le silence qu’il observe depuis le Tract ! /0.

Ce silence, il ne le rompra que pour rétracter, dans un article du Conservative journal d’Oxford, février

1843, ses anciennes attaques contre Rome : il rejette la responsabilité de ces dénigrements sur les théologiens du xvir siècle, qu’il a suivis aveuglément et qui l’ont trompé. Il considère dès lors la communion catholique comme la véritable Église des apôtres ; mais il retient toujours ses disciples, pressés de s’unir à Rome : c’est pour lui un devoir de loyauté envers l’anglicanisme, envers ceux qui lui ont confié leurs enfants ; il lonsidèrc également qu’il est de leur intérêt de ne pas agir avec précipitation. C’est ainsi qu’il retient Faber, fortement impressionné par l’audience qu’il vient d’obtenir de Grégoire XVI, et Ward, qui disait : ’Newman est mon pape, sans sa permission je ne puis remuer. » W. Ward, op. cit., p. 241.

Les conversions commençaient cependant. Newman avait reçu à Littlemore, en 1842, un jeune Écossais, Lockhard, arrivé à Oxford en 1839, gagné au mouve DICT. DE THÉO !, . CATH.

ment par les Remains de Froude, le tract de Pusey sur le baptême, les sermons de Sainte-Marie et le Tract 90. Il cloute du pouvoir d’absoudre des prêtres anglicans ; Newman ne peut lui répondre ; mais il obtient de lui l’engagement d’écarter toute idée de changement pendant trois ans. Au bout d’un an, après une retraite de trois jours, sous la direction d’un religieux rosminien, le P. Gentili, Lockhard abjure, août 1843. Pour dégager sa responsabilité, Newman écrit à son évêque, lui exposant comment Lockhard avait manqué à sa parole. Malgré tout, sa position dans l’anglicanisme devient intenable : il ne voit d’autre solution que la résignation de sa cure, car il prévoit d’autres défections, dont on le rendra responsable. Il s’en ouvre à Keble, Lett. and corr., t. ii, p. 422, à Pusey, à ses amis, à ses sœurs, qui combattent sa résolution. Lett. and corr., t. ii, p. 418-421. C’est en vain. Il est décidé, depuis quelque temps déjà. La conversion de Lockhard n’est que l’occasion. « Je ne suis pas, écrit-il à J.-B. Mozley, un assez bon fils de l’Église pour pouvoir garder en conscience le bénéfice que je tiens d’elle. J’aime trop l’Église de Rome. » Lett. and corr., t. ii, p. 423. Le 18 septembre 1843, il signait à Londres sa démission ; le 24, il donnait à Sainte-Marie son dernier sermon, sans aucune allusion à sa retraite ; le 25, il faisait à Littlemore ses adieux à ses auditeurs anglicans, traitant dans son sermon de la séparation des amis, terminant par « une plainte déchirante à l’adresse de l’Église qu’il a tant aimée et qui le rejette ». Thureau-Dangin, op. cit., t. i, p. 281. Newman rentrait dans la communion laïque.

2° Sur le parti : la scission. — La « séparation des amis » se faisait déjà dans le parti tractarien. Parmi ses adhérents, ceux du début continuaient à suivre l’ancienne voie. Très attachés à l’Église d’Angleterre et prévenus contre Rome, ils voulaient ramener leur Église à l’idéal des théologiens du xviie siècle Pt la fortifier ainsi contre Rome. Keble et leurs premiers partisans se montraient satisfaits de la position de l’Église anglicane : il y avait des anomalies dans toutes les Églises, mais pas plus dans la leur que dans les autres. On voyait dans Rome un système définitivement corrompu, avec quelques choses bonnes et catholiques : on était antiromain autant qu’antiérastien.

Les jeunes disciples, Ch. Seager, J.-B. Morris, Fr. Faber, Fr. Oakley, J.-D. Dalgairns, W.-G. Ward, n’avaient plus les mêmes idées. Dès le début de leur adhésion, ils regardèrent vers Rome. La situation est renversée. Ce n’est plus l’Église romaine qui est mise en jugement, mais celle d’Angleterre que l’on proclame déchue, dont la position est indéfendable. Il faut non plus l’élever comme une Église indépendante, mais la rapprocher de la catholicité parfaite de l’Église de Rome. L’expression d’un de ces ardents, rapportée. par Church, « combien je hais ces anglicans », op. cit., p. 242, est significative.

Les Remains de Froude avaient contribué à discréditer les réformateurs du xvie siècle. W.-G. Ward étale son amour pour l’Église romaine, pour ses théologiens, pour les maîtres de sa dévotion mystique et ascétique. Pour lui, l’anglicanisme n’est pas à corriger : c’est un système à conserver ou à rejeter ; il insiste sur la position dégradée de l’Église établie : elle ne peut qu’implorer humblement, aux pieds de Rome, son pardon et son relèvement. Les relations de Ward et d’Oakley avec des convertis catholiques, Pugin et Philipps, avec Wiseman qui se préoccupe des moyens de réaliser l’union des deux Églises, la visite qu’ils font enthousiasmés au monastère, cistercien de la Grâce-Dieu, près d’Oscott, exaltent leur romanisme, qu’ils exposent ouvertement dans le British critic. Cf. W. Ward, W.-G. Ward and the Oxford movement, p. 190-201 ; Li/e and tintes of card. Wiseman, t. i, p. 371 sq.

T.

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