Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1761
1762
PALAMAS. L’ESSENCE DIVINE ET SES OPERATIONS


qu’elles sont toujours en acte, éternelles et immuables : IIcoç Se r, èvépyeioc IvOscopoujiÉvir) ziï> @sco çeôyei i"î)v aûvŒaiV 'EtciSt] [L6voç à.7ra0£CfTâ-T7jV sysi tt)v Ivspysiav, ÈvEpyœv jaovov, àXX' où^l xal Trâo^cov xax’aù-rrjv, oùSè yivou£voç, oùSè àXXotoû[i.£voç. » Capila theologica, 128, P. G., t. cl, col. 1212 A. En d’autres termes, d’après Pal amas, pour qu’il y ait composition vraie, il faut qu’il y ait séparabilité réelle, et non pas simplement séparabilité mentale, xa-r'èmvoiav, des éléments composants.

On a rapproché du platonisme, ou plutôt du néoplatonisme, la conception palamite de la divinité ; cf. Nicéphore Grégoras, Hist. byzant., t. XXXV, P. G., t. cxlix, col. 425-428. Il y a, en effet, quelque ressemblance lointaine entre les deux systèmes. Des deux côtés l’essence divine est considérée comme inaccessible, invisible et n’entrant pas par elle-même directement en contact avec les créatures. Mais, alors que les philosophes néo-platoniciens placent entre Dieu et le monde des êtres intermédiaires, idées abstraites, puissances mal définies (par exemple les Suvâ^eiç de PhiIon), ou bien éons, Palamas fait tout entrer en Dieu et nous parle de la Ôsôtyjç ÛTOpxeijjiivrj et des Gsôtyjteç ùcpe'.[i.éwL. Ce qu’on peut affirmer sans crainte de se tromper, c’est que le théologien hésychaste platonise sans le savoir. Il ne faut point voir en lui un philosophe. Bien au contraire, lui et les siens ont en horreur la sagesse profane et les syllogismes de Barlaam et de Grégoras. Pour se défendre contre leurs adversaires qui les attaquent au nom des principes de la raison, ils se posent en théologiens, et en appellent à l’autorité de l'Écriture et des Pères. La question qu’ils ont soulevée doit se résoudre selon eux, non d’après les principes de la philosophie, mais par ceux de la théologie, c’est-à-dire par voie d’autorité. Aussi voyonsnous Palamas, dès le début de la querelle sur la nature de la lumière thaborique, opposer à Barlaam une collection choisie de textes patristiques. Les citations des Pères reviennent continuellement dans les écrits palamites, et la controverse qu’ils ont suscitée a roulé presque tout entière sur l’exégèse de ces textes. Les antipalamites ont été obligés d’accepter la lutte sur ce terrain. C’est donc fausser la perspective de cette controverse que de la présenter, à la suite de quelques historiens, comme une lutte entre deux courants philosophiques : platonisme et aristotélisme ; ou encore : réalisme et nominalisme. La polémique a été essentiellement d’ordre religieux et théologique. Elle a surtout fait appel à des arguments d’ordre positif, empruntés à l'Écriture sainte et aux Pères ; et, si la scolastique spéculative y a eu sa part, elle a été introduite par les citations patristiques. Deux courants théologiques se sont affrontés : l’un aux allures novatrices, se présentant comme révélateur de secrets encore inconnus, ou mal éclaircis, contenus dans le dépôt révélé ; 1 autre conservateur, s’en tenant au symbole de la foi et aux définitions des anciens conciles et rejetant toute discussion sur des problèmes dogmatiques nouveaux. Le courant proprement philosophique n’a guère été représenté que par Barlaam, qui fut lâché par tout le monde, dès que le débat prit un caractère public, et par le hiéromoine Prochoros Cydonès, un traducteur et un disciple de saint Thomas d’Aquin, qui donna beaucoup de fil à retordre au patriarche Philothée.

Palamas avait-il donc si beau jeu sur le terrain de la théologie positive ? Non pas certes. Mais il pouvait y faire figure de combattant plus facilement que sur le terrain de la philosophie, où il était battu d’avance. Il pouvait d’abord, comme nous l’avons dit, se réfugier derrière les anthropomorphismes du langage courant, que les Pères, comme tout le monde, ont employés, sans toujours y mettre expressément les cor DICT. DE THÉOL. CATHOL.

rectifs qui s’imposent. Aussi, lui et les siens ont-ils pu composer des tlorilèges patristiques très nourris de passages vagues et sans portée, qu’ils ont tirés à eux par une exégèse sophistique et toute subjective. Ces florilèges n’ont aucune valeur probante pour le système qu’ils ont pour but d'étayer. On est étonné, en les parcourant, de la cécité exégétique de eurs auteurs et de l’aplomb avec lequel ils mettent en ligne quantité de textes qui n’ont rien à voir avec leurs théories. Sans doute, sur la lumière thaborique, certains Pères ont parlé d’une manière assez obscure. On trouve, par exemple, dans les homélies de saint Jean Damascène et de saint André de Crète, dans les écrits de saint Maxime, chez d’autres encore des expressions qui, à première vue, paraissent favoriser en quelque façon la théologie nouvelle ; mais ce n’est qu’une apparence, et les théologiens antipalamites n’ont pas eu beaucoup de peine à dissiper ces équivoques verbales. Ils ont pu, à leur tour, réunir bon nombre de passages où l’absolue simplicité de Dieu est expressément enseignée et les distinctions palamites explicitement condamnées. Signalons, par exemple, un extrait de saint Nicéphore, tiré du Premier Antirrhétique contre Constantin Copronyme, 41, P. G., t. c, col. 304-305, faussement attribué par les deux partis à saint Théodore Graptos, qui revient perpétuellement dans les écrits polémiques de l'époque et a mis à la torture Palamas et les siens ; plusieurs passages de saint Maxime, du pseudo-Denys et d’autres, que Nicéphore Grégoras a réunis dans sa discussion avec Nil Cabasilas, Hist. byzant., ]. XXII-XXIV.P. G., t. cxlviii, col. 1328-1433.

Palamas abuse spécialement de l’autorité des Pères, quand il cherche à établir la distinction réelle qu’il met entre l’essence divine et son opération par les passages où les Pères prouvent contre les hérétiques la distinction réelle des personnes divines entre elles. Pour lui, en effet, les deux distinctions vont de pair et sont de même ordre. Il raisonne de la manière suivante : si la simplicité de Dieu n’est pas détruite par la distinction réelle des personnes divines entre elles, elle n’est pas ruinée non plus par la distinction réelle entre l’essence divine et ses opérations et attributs. Ce raisonnement sous-entend une autre affirmation de notre théologien : c’est que non seulement les personnes diffèrent entre elles, mais chacune d’e.Ies diffère réellement de l’essence. Il y a entre l’essence et chaque personne la même distinction et différence qu’entre l’essence et l’opération ; cf. le dialogue Theophanes, P. G., t. cl, col. 929 A, et Capila theologica, 135, ibid., col. 1216 C : xcov ÛTroaTtiascov ÉxâaTrj LfTZ oùaîa èorl [irjTe croii.6e67.x6c ; cf. aussi sa Confession de foi, P. G., t. cli, col. 766 BC. D’après lui, de même qu’on dit : aXXo rj ouata xal aXXo rj EvÉpyEior, on doit dire aussi : aXXo 'r oùaîoc xal ôîXXo Y) ÙTtoaTaaiç. C’est faire la confusion de l’absolu et du re atif, et compromettre encore davantage la simplicité de l'être divin.

Le théologien hésychaste va également chercher chez les Pères les textes qui proclament l’incompréhensibilité de Dieu pour en conclure que l’essence divine est absolument invisible, inaccessible, imparticipable aux créatures, même déifiées par la grâce. Il oppose de même es textes scripturaires qui tantôt disent que personne n’a jamais vu Dieu, tantôt promettent sa vision face à face, tel qu’il est. Il déduit de là que Dieu est absolument invisible quant à l’essence, mais qu’il est visible quant à son opération. La vision de Dieu face à face doit s’entendre de la contemp ation de quelque chose qui sort de Dieu, non de l’essence de Dieu elle-même. Par cette doctrine, il satisfait les aspirations des mystiques et leur promet la vision de Dieu dès ici-bas, c’est-à-dire de sa lumière et de sa gloire, sans tomber dans le massa ianisme. De ces considérations il déduit la règle d’herméneutique

T.

XI

56