Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
1219
1220
ORDRE. HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE, ÉVÈQUES


d’une famille pour lui confier le service divin et la direction du culte. Clément fait donc le récit de la verge d’Aaron, fleurissant et portant des fruits dans le tabernacle, tandis que les verges des autres tribus demeuraient stériles. Par le choix divin de la tiibu de Lévi et de la famille d’Aaron, Dieu voulut prévenir tout désordre en Israël. « Ainsi, conclut Clément, nos Apôtres savaient par Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’il y aurait lutte au sujet de la dignité de la surveillance, TÎjç èmaxoKTjÇ. C’est pourquoi, doués d’une prescience parfaite, ils instituèrent les susdits (surveillants et ministres), et ensuite ils établirent la règle qu'à leur mort d’autres hommes éprouvés reprissent leur ministère (ttjv XsiTOupyîav). En conséquence, ceux qui furent établis par eux, ou ensuite par les autres hommes illustres, avec l’assentiment de toute l'Église, et qui ont accompli sans reproche leur fonction (Xsitoupy^cocvTaç) près du troupeau du Christ, modestement, paisiblement et dignement, et qui depuis longtemps ont reçu de tous un excellent témoignage, ceux-là, à notre jugement, il n’est pas juste de les destituer de leur fonction (-rîjç XôiToupyîaç). Oui, nous commettrions un grand péché, en destituant de leur charge, èr.iG-aOTZTjÇ, ceux qui ont offert les dons d’une manière irréprochable et sainte… » xliv, 1-4.

Ces nouvelles observations de Clément s’expliquent par le fait qu'à Corinthe, devant l’insubordination de certains fidèles, il était nécessaire de rappeler la légitimité des pasteurs établis depuis la mort des apôtres, de telle sorte que les « surveillants » de création récente ont la même autorité que ceux qui furent établis par les apôtres eux-mêmes. Clément déclare donc que les apôtres ont établi dans les églises des « surveillants » et des « ministres » ;. qu’ils ont voulu qu'à leur mort, d’autres hommes éprouvés leur succédassent dans leur ministère apostolique. Ayant recueilli leur pouvoir, ces successeurs des apôtres ont, à leur tour, établi des surveillants et des diacres dans les églises. Ainsi se trouve réalisé le dessein des apôtres de ne point laisser l'Église veuve de pasteurs, même après leur mort. A cette mort des apôtres, on attache une importance exceptionnelle, car elle eût tari dans sa source même le gouvernement des âmes, si une loi de succession et de transmission de ce pouvoir n’avait été établie. Ce pouvoir de transmission est ici nettement affirmé par Clément.

Mais la lettre de Clément permet de déterminer une des fonctions des « surveillants ». Jusqu’ici, nous avons constaté qu’ils étaient pasteurs d'âmes, que le ministère de l’enseignement leur appartenait normalement. Mais voici une nouvelle expression bien caractéristique de leur ministère : ils remplissent une XeiToupyîa (le mot revient à trois reprises dans le texte cité), et cette liturgie consiste à « présenter les dons », TrpoævsY^wfsç rà Stopa, c’est-à-dire, sans aucun doute possible, les dons eucharistiques. Le terme îrpocscpépeiv se rattache à l’idée de sacrifice ; cf. xl, 2, 4, le substantif 7tpoa<popà et, xli, 2, trois fois le verbe -npoocpépeiv sont employés pour désigner les sacrifices du temple.

Ainsi donc, dans l'épîlre de Clément, on trouve l’affirmation de l’institution divine d’un pouvoir communiqué par les apôtres aux « surveillants », pouvoir qu’il est impossible, vu son origine divine, d’enlever aux dits surveillants ; et, de plus, l’affirmation que ce pouvoir a pour objet, non seulement d’une manière générale le gouvernement du troupeau du Christ, mais d’une manière spéciale l’offrande du sacrifice eucharistique, pour le bien de ce troupeau.

6. La Didachè.

Cette précieuse affirmation se retrouve dans la Didachè, xiv, xv : « Le jour du Seigneur, réunissez-vous, rompez le pain (eucharistique) après avoir confessé vos péchés, afin que votre sacri fice soit pur… Car le Seigneur a dit : « Qu’en tout « lieu et en tout temps, un sacrifice pur me soit « offert, parce que je suis un grand roi, dit le Sei « gneur, et mon nom est admirable parmi les nations « (Malæh., i, 11). » Élisez-vous donc des surveillants et des diacres dignes du Seigneur, des hommes doux, désintéressés, vrais et éprouvés : car ils accomplissent pour vous, eux aussi, le ministère des prophètes et des docteurs. Ne les méprisez donc pas, car ils sont vos dignitaires avec les prophètes et les docteurs. »

Il est bien évident, tout d’abord, que l’auteur de la Didachè établit une étroite relation entre l’oblation eucharistique et la fonction des « surveillants ». La connexion des idées est exprimée par oôv. De plus, l’oblation eucharistique est un véritable sacrifice, impliquant en celui qui l’offre, une participation au sacerdoce de Jésus-Christ. La citation de Malachie est significative à ce sujet. D’ailleurs, l’auteur de la Didachè connaît l’eucharistie, ix, 1, 5, et aux c. ix et x, il a déjà parlé de la manière de la célébrer dignement. Ces exhortations concernaient les simples fidèles. Pourquoi, au c. xv, demander, en vue de la célébration eucharistique des surveillants et des ministres, doués de toutes les qualités morales dont parlent les Pastorales, sinon en raison des rapports intimes qu’ils doivent avoir, par suite de leurs fonctions mêmes, avec l’eucharistie ? Un document du iie siècle nous éclairera sur ce point, complétant les renseignements que nous avait déjà fournis l'épître clémentine aux Corinthiens. D’après saint Justin, en effet, le président des frères (le surveillant, vraisemblablement) consacre le pain et le viii, et la distribution des éléments eucharistiques se fait au peuple par les diacres. Apol., i, 65, P. G., t. iv, col. 428 (voir col. 1227).

D’ailleurs, la Didachè nous représente surveillants et diacres comme des ministres de la prédication, puisqu’ils accomplissent eux aussi pour les fidèles l’office des prophètes et des docteurs. Prophètes et docteurs appartenaient à la hiérarchie itinérante ; surveillants et diacres sont des dignitaires de la hiérarchie stable.

Conclusion. — Nous faisons nôtre, la conclusion de M. Michiels, op. cit., p. 209, dont nous avons résumé la pensée en tout ce qui précède. Cet auteur conclut « en faisant la synthèse des données fournies par les sources du i er siècle sur le caractère des surveillants. La fonction existe dans toutes les Églises au témoignage de l'épître de saint Clément ; elle consiste dans la célébration de l’eucharistie, le service de la parole de Dieu et le ministère pastoral. Son institution est apostolique et divine : les premiers surveillants furent institués par les apôtres ; depuis la mort des apôtres ils sont établis par leurs successeurs. La Didachè assigne aux surveillants le même office. Les Actes et les Pastorales sans parler de l’eucharistie, attestent que les surveillants sont les lieutenants de Dieu, les représentants du Christ, les pasteurs des églises, les ministres de la parole divine. Il y a des surveillants dans les Églises de la Didachè, à Philippes, à Éphèse, à Rome, à Corinthe, et en général dans toutes les Églises fondées par saint Pierre, saint Paul et les autres apôtres. Il n’y a aucun motif de supposer que certaines communautés en soient dépourvues, ni que leurs attributions aient changé de nature. Ils sont les recteurs, les préfets ecclésiastiques, gouvernant en corps leur troupeau, sous l’autorité supérieure des apôtres, de leurs délégués ou de leurs successeurs. »

Autres personnages revêtus d’un pouvoir sacré.


Une phrase de la Didachè donne lieu à une remarque importante : « Élisez-vous des surveillants et des diacres dignes du Seigneur…, car ils accomplissent