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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/510

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PASCAL. SA THEOLOGIE


y prenne garde. « Ils s’attaquent par là à toutes les puissances », et ils sont des hommes, et « le cœur des hommes est étrangement penchant à la légèreté, au changement, aux promesses, aux biens ». Que l’un d’eux se soit laissé tenter ou, « qui plus est », qu’il ait été vaincu « par les prisons, par les tortures et par la mort, ils étaient perdus. Qu’on suive cela. » Ibid.

Ils réussissent malgré les obstacles les plus puissants, comme les prophètes l’avaient annoncé. « A cela ^’opposent tous les hommes par l’opposition naturelle de la concupiscence, et tout ce qu’il y a de plus grand s’unit : les savants, les sages, les rois. Les uns écrivent, les autres condamnent, les autres tuent. Et nonobstant toutes ces oppositions, ces gens simples et sans force résistent à toutes ces puissances et se soumettent même ces rois, ces savants, ces sages, et ôtent l’idolâtrie de toute la terre. » Gomment cela s’est-il fait ? Mais « par la force qui l’avait prédit ». Fr. 783.

j) La sainteté, la hauteur et l’humilité d’une âme chrétienne, ou l’action de Jésus-Christ sur les âmes. — « Le merveilleux chrétien est une âme chrétienne ». a dit Faguet, Le XIXe siècle, Paris, 1890, Chateaubriand, p. 41. « La vraie vertu et la vraie religion sont choses dont la connaissance est inséparable », a dit Pascal. Fr. 442. « Il n’y a ni véritable vertu, ni droiture du cœur, sans l’amour de Jésus-Christ ; il n’y a non plus ni hauteur d’intelligence, ni délicatesse de sentiment sans la connaissance de Jésus-Christ », lui fait dire l’illeau, loc. cit.

Et, en effet, tandis que « les philosophes inspiraient des mouvements de grandeur pure, et ce n’est pas l’état de l’homme, ou des mouvements de bassesse pure, et ce n’est pas l’état de l’homme », fr. 525, tandis que les religions font de même, Jésus-Christ « ordonne à l’homme de reconnaître qu’il est vil et même abominable et lui ordonne de vouloir être semblable à Dieu ». Fr. 537, cf. fr. 539. Sans Jésus-Christ, « il faut que l’homme soit dans le vice et dans la misère ; avec Jésus-Christ, l’homme est exempt de vice et de misère ». Fr. 546. Mais aucun commentaire ne vaut cet exposé que Pascal fait de ses propres sentiments : il a entendu Jésus-Christ lui dire : « Je te suis présent, par ma parole dans l’Écriture, par mon esprit dans l’Église et par les inspirations, par ma puissance dans les prêtres, par ma prière dans les fidèles. Je te suis plus un ami que tel ou. tel, car ils ne souffriraient pas ce que j’ai souffert pour toi. » Pascal a répondu : i Seigneur, je vous donne tout. Je vois mon abîme d’orgueil, de curiosité, de concupiscence. » Fr. 553, Le mystère de Jésus. Et alors il peut dire : « J’aime la pauvreté, parce qu’il l’a aimée. J’aime les biens, parce qu’ils donnent le moyen d’assister les misérables. Je ne rends pas le mal à ceux qui m’en font. J’essaie d’être juste, véritable, sincère et fidèle à tous les hommes ; j’ai en toutes mes actions la vue de Dieu qui doit les juger. Voilà quels sont mes sentiments et je bénis tous les jours mon Rédempteur qui les a mis en moi et qui, d’un homme plein de faiblesse, de misère, de concupiscence, d’orgueil et d’ambtion la fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa ^ràce, à laquelle toute la gloire en est due n’ayant de moi que la misère et l’erreur. » Fr. 550, cf. fr. 737 :

Ainsi je tends les bras à mon Libérateur. »

k) La transcendance de la religion chrétienne par rapport aux autres religions. — Pascal n’a pas fait, à la laçon contemporaine, une étude comparée des religions pour conclure à la transcendance de la chrétienne. Toutefois, il n’oublie pas de signaleren passant combien Jésus-Christ l’emporte, non seulement sur les philosophes païens qui parlent au nom de la raison, mais à tous égards sur les fondateurs de religion tels que Mahomet, et combien la religion chrétienne l’emporte sur les autres, religions égyptienne, gréco romaine, mahométane, connues au xviie siècle, cl religion de la Chine que les récits des voyageurs commencent à populariser et où déjà les incrédules puisent des arguments nouveaux.

Aucune conclusion à tirer contre la religion chrétienne de ce qu’elle n’est pas l’unique : « Au contraire, c’est ce qui fait voir qu’elle est la véritable. » Fr. 589. Et, en effet, au milieu « des foisons de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps », non seulement elle est la seule qui explique à l’homme l’énigme de sa nature et de sa destinée et qui lui indique et lui fournisse le remède à sa misère, mais les autres religions « n’ont, dit Pascal, ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter et ainsi j’aurais refusé également et la religion de Mahomet, et celle de la Chine, et celle des anciens Romains, et celle des Égyptiens. » Fr. 019. « Dieu défie les autres religions de produire de telles marques. » Fr. 592.

Pascal n’insiste guère que sur Mahomet et sa religion. « Différence entre Jésus-Christ et Mahomet : Mahomet non prédit ; Jésus-Christ prédit. Mahomet en tuant ; Jésus-Christ en faisant tuer les siens. » Fr. 599. « Tout homme peut faire ce qu’a fait Mahomet, car il n’a point fait de miracles, il n’a point été prédit ; nul homme ne peut faire ce qu’a fait Jésus-Christ. » Fr. 600. « Qui rend témoignage de Mahomet ? Luimême. Jésus-Christ veut que son témoignage ne soit rien. » Fr. 596. Ainsi, « Mahomet est sans autorité. Il faudrait donc que ses raisons fussent bien puissantes, n’ayant que leur propre force. Que dit-il donc ? Qu’il faut le croire ! » Fr. 595. Que l’on ne compare pas le Coran à l’Écriture. Là où il est clair, « son paradis et le reste, il est ridicule », et ses obscurités ne peuvent en conséquence prendre aucun sens. Fr. 598.

Dans l’histoire de la Chine, une seule chose paraît l’inquiéter, c’est le démenti qu’elle semble apporter à l’interprétation reçue alors de la Rible. Il met en doute l’authenticité de ces récits : « Je ne crois, dit-il, que les histoires dont les témoins se feraient égorger. » Fr. 593. « Il ne faut que voir, du reste, comment cela est né. Ces historiens fabuleux ne sont pas contemporains des choses dont ils écrivent. » Fr. 628. « Lequel est donc le plus croyable des deux, Moïse ou la Chine ? » Fr. 593. Mais ces questions créent de l’obscurité ? Pascal répond : En toutes ces choses « il y a de quoi aveugler et de quoi éclairer. La Chine obscurcit, mais il y a de la clarté à trouver ; cherchez-la. » Cette question de la Chine « sert et ne nuit pas ». Ibid.

IV. La théologie de Pascal.

De la première des Provinciales à la dernière en date des Pensées, en passant par les Lettres à Mlle de Roannez et les Écrits et fragments sur la grâce, la théologie de Pascal est celle de Port-Royal et ne varie pas. Il entend rester dans cette voie où « les disciples de saint Augustin ont la prétention de représenter la Tradition et de s’opposer aux disciples de Luther ou de Calvin et aux disciples de Molina, « ces restes des pélagiens ». C’est là le plan de ses deux Écrits sur la grâce et, dans les Pensées, il dit « l’Église a toujours été combattue par des erreurs contraires ». Fr. 862. Comme Port-Royal, dans la théologie, il s’occupe surtout de la question de la grâce, c’est-à-dire de la destinée surnaturelle de l’homme, du péché originel, des secours surnaturels que Dieu accorde à l’humanité en raison de la rédemption. Mais ce n’est pas le côté spéculatif de ces questions qui le tente : « Nous ne concevons ni l’état glorieux d’Adam, ni la nature de son péché, ni la transmission qui s’est faite en nous. Tout cela, d’ailleurs, nous est inutile à savoir pour en sortir, et tout ce qu il nous importe de connaître est que nous sommes misérables, corrompus, séparés de Dieu, mais rachetés par Jésus-Christ. » Fr. 560.