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PATRIE (PIÉTÉ ENVERS LA). AMOUR


l’organisation d’une paix garantie par des institutions qui disent et défendent le droit.

Malheureusement, le monde n’était pas guéri et Léon XIII, un peu avant sa mort, gémissait en ces termes : « Peu à peu a prévalu un système d’égoïsme jaloux, par suite duquel les nations se regardent mutuellement, sinon toujours avec haine, du moins, certainement avec la défiance qui anime les rivaux. » On oublie ainsi « les grands principes de moralité et de justice, et la protection des faibles et des opprimés ». On ne regarde plus « que l’opportunité des circonstances, l’utilité de la réussite et la tentante fortune des faits accomplis », non « le droit et le respect qui lui est dû ». La force matérielle devient la loi du monde : d’où « accroissement progressif et sans mesure des préparatifs militaires, paix armée, comparable aux plus désastreux effets de la guerre ». Lettre sur le devoir des catholiques.

Animé des mêmes préoccupations. Pie X exprimait le souhait que Dieu maintînt la paix, assez de fléaux, sans la guerre, désolant déjà le monde. Alloc. consist.. 27 mars 1905. Aussi, consentait-il à être arbitre entre le Brésil, la Bolivie et le Pérou. Bien plus, louant et encourageant une fondation d’origine protestante, la Dotation Carnegie pour la paix, Pie X, dans une lettre au délégué apostolique aux États-Unis, déclarait approuver les efforts faits pour empêcher des luttes entre les peuples, l’entreprise lui paraissait « très noble, glorieuse pour ceux qui la tentaient, utile pour le bien public, surtout dans un temps où le nombre des soldats, la puissance des instruments de destruclion et le progrès de la science militaire, rendent la guerre si terriblement redoutable pour les plus puissants chefs d’État ». Lettre Libenter abs te, du Il juin 1911, Acta ap. Sed., t. iii, p. 473.

Le 25 mai 1914, deux mois avant la grande guerre, Pie X, dans sa dernière allocution consistoriale, exprimait sa douleur de voir entre les classes de citoyens, entre les divers peuples « les conflits devenir toujours plus aigus, pour dégénérer souvent et tout d’un coup en luttes épouvantables ». Il louait les hommes éminents et soucieux tant du bien des États que de celui de la société humaine qui se concertent pour élaborer des moyens « d’empêcher les troubles et leurs calamités, les guerres et leurs carnages, afin de ménager, au dedans et au dehors des frontières, les bienfaits perpétuels d’une paix féconde ». Mais, continuait-il, non sans mélancolie, « ces efforts n’obtiendront pas grand résultat si on ne s’efforce en même temps de faire pénétrer profondément dans les esprits les principes chrétiens de justice et de charité ». Acta ap. Sed.. t. vi, p. 254.

0. C’est un semblable appel que les papes firent entendre pendant la guerre. Tout d’abord, ils exhortèrent les peuples à cesser la lutte. Pie X invita les fidèles « à se tourner vers le Christ, prince de la paix », à demander que Dieu « éloigne au plus tôt les lorches de la guerre » ; il suggère aux chefs d’État des pensées de concorde et non d’affliction. Exhortation à tous les catholiques de l’univers. 2 août 1914, ibid., t. vi, p. 373.

Aussitôt promu au souverain pontificat, Benoît XV tint le même langage. Il déclara qu’il tenterait tout ce qui était en son pouvoir pour essayer de mettre fin à la guerre. Il invita tous les fils de l’Église — et surtout le clergé - à solliciter de Dieu la réconciliation des peuples. Il pria et conjura très instamment les hommes qui présidaient aux destinées des nations d’engager au plus tôt des pourparlers afin d’arriver à la paix. Exhortation à lous les catholiques de l’univers, 8 septembre 1914, Acta ap. Sed., t. VI, p. 501-502.

La première encyclique du pape insista longuement mu ces conseils. La guerre est si horrible et si meur trière. Elle met aux prises des hommes qui sont tous frères les uns des autres. Elle cause non seulement aux soldats, mais à tant de personnes, de familles, et de cités, ruines, souffrances et deuils. On pourrait, d’autre part, découvrir des moyens pacifiques de régler tous les différends, de réparer tous les torts et d’imposer à tous le respect du droit. C’est ce qu’il n’est pas permis aux chrétiens d’oublier, puisqu’ils connaissent les leçons et les exemples de leur Maître divin, Jésus. Encycl. Ad beatissimi apostolorum, 1 er novembre 1914, ibid., t. vi, p. 566 sq.

Quelques mois après, le pape ordonnait la récitation d’une prière qui demandait à Dieu d’inspirer « aux gouvernements et aux peuples des conseils de douceur, de résoudre les conflits qui déchirent les nations, de faire que les hommes se donnent de nouveau le baiser de la paix ». Décret du 10 janvier 1915, ibid., t. vii, p. 9-10. Peu après, Benoît XV dénonça la guerre comme « un fléau » ; elle est douloureuse et terrible, accompagnée d’offenses contre les lois de l’humanité et du droit international. Aussi exhorta-t-il encore peuples et gouvernements à la paix. Lettre Era noslro proposito du 25 mars 1915, ibid.. t. vii, p. 253255.

De nouveau, la même année, le pape pressa les peuples belligérants à se réconcilier. Au nom de Dieu et par le sang du Christ, il supplia les chefs responsables des nations de mettre un terme aux luttes fratricides qui déshonoraient, ruinaient et dépeuplaient l’Europe. Il montra quels ravages et quels deuils la continuation de la guerre causait aujourd’hui ; quel triste héritage de haine et de vengeance elle laisserait pour l’avenir. Exhortation apostol. aux peuples belligérants et à leurs chefs, 28 juillet 1915, ibid., t. vii, p. 369-371. Le pape ne se lassa pas de jeter ce cri de paix. Exhortation Dès le début, 1 er août 1917, ibid., t. ix, p. 419.

Cette paix d’ailleurs doit être, comme il le déclara, une ctuvre de justice, lettre Usèrent animo, 30 août 1915, ibid., t. vii, p. 459 ; — « une œuvre de justice et qui s’accorde avec la dignité des peuples, » lettre Fuldw, sicut vobis, du 6 septembre. 1915, ibid., t. vii, p. 461 ; — une paix qui soit juste et stable, et non pas seulement favorabfe à une seule des deux parties, alloc. consist. du 6 décembre 1915, ibid., t. vii, p. 510 ; - — -une paix qui tienne compte, dans la mesure du possible, des droits et des justes aspirations des peuples, exhortation apostolique aux peuples belligérants et à leurs chefs, ibid., t. vii, p. 370-371 ; — une paix qui s’appuie « sur le fondement de la justice et de l’équité », lettre Legenti vestras. 8 septembre 1916, ibid., t. Vin, p. 357 ;

— « une paix qui, à la force matérielle des armes substitue celle du droit ».

Et le souverain pontife soumit aux belligérants des propositions : A des diplomates il appartient d’en examiner le texte. Le moraliste en constate l’esprit, et recherche quels principes les inspire. Le pape se préoccupe de ce qu’exigent justice et équité, s’efforce de coordonner et veut que l’on coordonne les intérêts particuliers au bien général de la société humaine, demande qu’il soit tenu compte, dans la mesure du possible, des justes aspirations des peuples, présente, comme une compensation pour les sacrifices consentis aujourd’hui, l’avantage de la cessation de la guerre et les profits économiques à prévoir pour l’avenir. En plus du règlement des questions territoriales et pécuniaires, Benoît XV propose des institutions qui intéressent la morale autant que le droit international : « la diminution simultanée et réciproque des armements, selon des règles et des garanties à établir, dans la mesure nécessaire et suffisante au maintien de l’ordre public en chaque État ; …l’institution de l’arbitrage avec sa haute fonction pacificatrice, selon des