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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/674

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PAUL (SAINT). LE CHRIST, FILS DE DIEU


souffrances et sa mort, et il communique pour toujours la force de sa vie à ceux qui vont à Dieu par lui.

Ainsi, ce qui faisait, aux yeux des Juifs, la faiblesse de l’Évangile, c’est-à-dire « l’opprobre » d’un Messie crucifié, apparaît ici comme sa force. La mort et l’intercession du Fils de Dieu prennent la place des sacrifices de l’ancienne Loi. Le « Fils de l’homme », dans son humanité, a triomphé du péché et de la mort. Ainsi, sa propre mort devient intelligible et acceptable en elle-même, et l’on n’a pas besoin d’en effacer le souvenir pénible par l’espoir d’un retour glorieux et immédiat. Le « paradoxe » des souffrances du Fils de Dieu se résout dans le sens de sa propre gloire.

En saisissant le rôle de l’Ancien Testament, les Juifs comprenaient du même coup le caractère universel et parfait de l’Évangile, fis devaient y voir non point une nouveauté religieuse heurtant leur particularisme, mais un couronnement de l’économie ancienne, une œuvre du Messie, souffrant et mourant afin de rendre accessible à tous le salut par la foi, puis continuant d’exercer son action à titre de Christ glorieux et éternel.

Cette majesté sereine du triomphe spirituel de Jésus était bien de nature à rendre courage aux judéochrétiens, au milieu des persécutions, quelques années sans doute avant la ruine de Jérusalem. Cf. Eusèbe, H. E., IV, xxii, P. C, t. xx, col. 380 ; S. Jérôme, De vir. UL, ii, P. L., t. xxiii, col. 613.

Ainsi, l’épître aux Hébreux qui était avant tout, dans l’intention de son auteur, un remède aux épreuves d’un moment, une simple « parole d’exhortation », X6yoç ttjç TOXpaxXYjæcoç, xiii, 22, est maintenant pour l’Église, un exposé de la religion, du culte. du sacerdoce, ayant pour centre la personne du Christ glorifié. La forme de l’exposé est souvent celle de l’exégèse judéo-hellénistique ; mais la doctrine marque une étape nouvelle dans la révélation, et elle aura une influence considérable sur le développement de la théologie chrétienne.

Avant d’exposer les doctrines essentielles de l’épître, il n’est pas inutile d’en préciser le caractère littéraire. L’épître a la forme d’un traité, non d’une lettre. Seul l’épilogue, xiii, 18-25, à la manière des autres épîtres pauliniennes, contient des notes personnelles et trahit un écrit destiné à une communauté déterminée de judéo-chrétiens.

De plus, le développement doctrinal est interrompu fréquemment par des exhortations dans le genre « haggadique » ou homélitique, et qui ne sont point dans la ligne du thème principal. Parmi ces digressions, il faut noter principalement : ni, 7-iv, 13, sur l’incrédulité et la colère de Dieu ; vi, 4-20, et x, 25-39, sur les dangers de l’incrédulité et de l’apostasie ; xi, 1-40, sur la nature de la foi et son rôle chez les patriarches. Dans plusieurs de ces passages, l’usage de l’Ancien Testament appartient nettement au genre haggadique, par exemple, ni, 7 sq., cf. Talm. Bab., Sanhédrin, 98 a ; et xi, 1-40, cf. Mcchilta, dans Ugolini, Thésaurus antiquit. sacrarum, t. xiv, col. 201-202 ; dans Sap., x, 2 sq., et Eccli., xliv, 1 sq., le rôle de la « sagesse », de la justice, de la fidélité est analogue à celui de la foi dans l’épître aux Hébreux.

Plusieurs critiques ont regardé ces.exhortations homélitiques comme des interpolations, et en ont conclu que l’épître, dans sa forme actuelle, était une oeuvre composite, formée d’un « traité théologique » auquel on aurait ajouté des développements et des exhortations dans le genre > midrasch ». Cf. P. Wendland, Die urchristliche Literaturformen, p. 372 sq. ; Torrey, Journal of biblical literature, 1911, p. 137-156.

Cette opinion est excessive. L’alternance du genre didactique et de l’exhortation ne suffît pas à la justilier ; c’était, au contraire, un procédé classique dans

l’enseignement de la philosophie morale. Cf. Bull manu, Dcr Stil der paulinischen Predigt und die kynisch-stoische Diatribe, p. 18. Le SiSâoxaXoç qui a été le rédacteur de l’épître a su mêler les deux genres littéraires de. telle façon que son exposé soit vraiment un Xôyoç TtapaxXrjascoç. Cf. xiii. 22. Seulement, son procédé nous invite à ne point chercher dans ses développements oratoires ou parénétiques la même rigueur théologique que dans son exposé doctrinal.

Les développements homélitiques sur V incrédulité et la foi mis à part, toute la doctrine de l’épître se rattache à l’idée suivante : La supériorité de la non velle alliance est fondée sur la dignité du Fils de Dieu et sur l’excellence de son sacerdoce.

1° Le Fils de Dieu est supérieur aux anges ; supérieur à Moïse. — Dans un exorde christologique, i, 1-4, l’auteur présente l’alliance nouvelle ayant le Fils comme médiateur. A l’ancienne révélation donnée par l’intermédiaire des prophètes, succède une révélation définitive faite dans les derniers temps par le Fils de Dieu. Cette notion de Fils de Dieu se retrouve, m, 6 ; v, 8 ; vii, 28 ; cf. Rom., i, 4 ; Joa., v, 26 ; x, 36. Elle a ses origines lointaines dans la révélation de l’Ancien Testament, cf. Ps. ii, 7-8 ; mais elle a été enseignée plus clairement par Jésus lui-même, cf. Matth., xi, 25-30 ; Luc, x, 21-24 ; Joa., x, 34 sq. ; i, 18 ; xx, 30-31 ; cf. Gal., i, 16 ; Phil., ii, 9 sq. ; Col. i, 13-20 ; n, 9 sq.

Le Fils de Dieu est l’héritier « de toutes choses » ou de l’univers ; il est agent de la création : « par lui Dieu a fait les mondes ». Il est « rayonnement de la gloire, à.Tza(>y ! xc ! [ia xîjç 86 ?, -i)ç, et empreinte de la substance ou de l’être de Dieu, yapaxxr)p xtjç ûnooTiæwc aùxoù » ; il porte « l’univers, xà Tràvxa, par la parole de sa puissance, xco pï)[i.ax(, t% SuvâjiEcoç aùxoû ».

Ainsi est décrit l’être et le rôle du Fils avant l’incarnation, son existence éternelle, cov, qsspcov. L’idée du Fils héritier des choses apparaît dans Ps. ii, 8 ; Marc, xii, 6 sq. ; Gal., iv, 1, 7 ; Rom., viii, 17, « cohéritiers » ; cf. Col., i, 18 ; Eph., i, 10-Il La notion du Fils agent de In création se trouve déjà dans I Cor., viii, 6 ; Col., i, 16. Cf. Philon, De cherubim, 125, 127 : mais, dans Philon.le Verbe n’est pas cause, il est instrument : oxt. ô @eôç ocïxiov oùx Ôpyocvov, … Ôpyocvov Se Xôyov @soû oY ou xaxsaxeuâa 6r). Le Fils est « rayonnement de la gloire » divine ; cf. Sap., vii, 25-26 : la sagesse est une « pure émanation, à-rcoppeta EiXixpivïiç, de la gloire du Tout-puissant », le « rayonnement de la lumière éternelle », 7.Traùyaa(J.a cpioxôç oHSiov ; cf. Col., i, 14-20, et concile de Nicée : cptoç èx cpcoxôç. Ainsi le Fils participe à la nature divine ; bien plus, étant i l’empreinte » de l’essence divine (de l’être divin), il est lui-même une réalité subsistante.

Les mots àTOcoyoca^oc et /apaxxv]p sont des termes de la philosophie alexandrine employés dans des sens divers par Philon ; par exemple, De planlatione, 50 : les créatures ont reçu en elles-mêmes « le reflet, àrcaûyaau, a, des choses divines, l’effigie, fAÎu, T)p, a, de l’arché-I pe » ; ou encore, Quod deterius potiori insidiari soleat, 83 : l’esprit humain est « une représentation, xôttov, et une image, ’/apaxxîjpa, de la puissance divine ». Ces passages n’éclairent point la doctrine de l’épître aux Hébreux ; d’ailleurs, le Aôyoç de Philon est un intermédiaire, un être inférieur à Dieu. L’auteur de l’épître. en se servant des termes de la philosophie alexan drine n’en adopte point les idées ; mais il exprime une doctrine déjà fixée dans ses lignes essentielles par la révélation antérieure.

Enfin, le Fils « porte toutes choses par la parole de sa puissance ». Le mot çspsiv ne semble point avoir le sens philonien comme dans ô xà u/rj ôvxa çépcov xal xà toxvxoc yevvwv, Quis rerum divinarum hxres sit, 36 ; car il ne s’agit point du fiât créateur qui a fait passer les