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ORDRE. LES GRANDS SCOLASTIQUES


nation sacerdotale l’imposition des mains. Il est suivi par Pierre de la Palu et Thomas de Strasbourg.

9. La tonsure cléricale.

Rompant avec l’ordre de Pierre Lombard que suivent cependant la plupart des Sententiaires, saint Thomas traite ici, dist. XXIV, q. iii, a. 1 ; cf. Suppl., q. xl, a. 1-3, la question de la tonsure ; il justifie ce procédé, parce qu’après avoir parlé du sacrement de l’ordre, il aborde quædam quiv sunt ordinibus annexa. La tonsure est en forme de couronne, pour marquer la royauté de ceux qui appartiennent à la cléricature ; saint Bonaventure leur applique I Pet., ii, 9, dist. XXIV, part. I, a. 1, q. 1 ; cf. Richard de Médiavilla, q. i, a. 1 ; Pierre de Tarentaise, q. i. Saint Thomas accepte la même idée, sans y ajouter le texte de saint Pierre. Tous les auteurs marquent aussi dans la tonsure le symbole du renoncement au monde. Les trois auteurs qu’on a cités expliquent longuement en quoi consiste cette renonciation aux choses terrestres. Voir également Albert le Grand, a. 15. Ce symbolisme est loin d'être exclu par les origines historiques de la tonsure ; cf. Ph. Gobillot, Sur la tonsure chrétienne et ses prétendues origines païennes, dans Revue d’hist. eccl., 1925, p. 399-454. Il s’agit d’une renonciation affective plutôt qu’effective, non quantum ad possessionem, sed quantum ad affectionem. Saint Bonaventure, q. ni ; Richard, a. 1, q. ni ; Pierre de Tarentaise, q. m. Bien plus, saint Bonaventure, q. iv, et Pierre de Tarentaise, q. vi, exposent que l'évêque doit la subsistance aux clercs indigents.

10. L'épiscopat et la simple prêtrise. — Vient ensuite, chez saint Thomas, la question si importante et qui, dans la suite, ' sera si discutée, de la différence entre le simple sacerdoce et l'épiscopat. L’art. 2 est ainsi présenté : Utrum supra sacerdotalem ordinem debeat esse aliqua potestas episcopalis. Et très logiquement, l’article se divise en trois paragraphes : Audessus de l’ordre sacerdotal, doit-il exister une puissance épiscopale ? L'épiscopat est-il un ordre ? Au-dessus des évêques, peut-il y avoir une puissance supérieure dans l'Église ? La même subdivision se retrouve dans le Supplément, q. xl, a. 4, 5, G.

a) En ce qui concerne le pouvoir sacerdotal sur le corps réel de Jésus-Christ, saint Thomas pose en principe que le simple prêtre n’a pas d’autre supérieur que Dieu. C’est en ce qui concerne le pouvoir sacerdotal sur le corps mystique du Christ, c’est-àdire sur les fidèles, qu’il est chargé de disposer à à recevoir l’eucharistie, que le simple prêtre doit avoir un supérieur humain : « car toute puissance qui ne peut s’exercer sans certaines dispositions préalables, dépend de la puissance qui établit ces dispositions. Or, le prêtre ne peut lier et délier qu’autant qu’il a préalablement la juridiction d’autorité par laquelle lui sont soumis ceux qu’il absout, tandis qu’il peut consacrer toute matière déterminée par le Christ. » Sol. 1. Toutefois, même en dehors de la juridiction, l'évêque est supérieur au prêtre par la puissance de l’ordre par rapport à quelques sacrements. Sol. 2, et ad 2um.

b) Les Sententiaires, jusqu'à Scot et surtout Durand de Saint-Pourçain, tiennent que l'épiscopat n’est pas, à proprement parler, un ordre. Ils s’appuient sur l’autorité d’Hugues de Saint-Victor, qui ne compte que sept ordres, l'épiscopat étant une dignité dans l’ordre du sacerdoce. De sacramentis, t. II, part. 111, c. vi. Quant à la raison théologique de cette doctrine, elle est exposée par saint Thomas en ces termes : « Un bon ordre ne dépend pas d’un autre ordre précédent quant à la nécessité du sacrement ; or, la puissance épiscopale dépend de la puissance sacerdotale, puisqu’il faut d’abord être prêtre pour recevoir validement l'épiscopat. » Et maintenant l’expli cation : « L’ordre, en tant qu’il se réfère au sacrement de l’eucharistie est un sacrement, imprimant un caractère. Mais, précisément, l'épiscopat, en tant qu’il est supérieur à la simple prêtrise, ne se rapporte pas à l’eucharistie ; il n’est qu’une puissance spirituelle à l'égard d’autres sacrements. » S. Thomas, sol. 2 et ad 2um ; Suppl., q. xl, a. 5 ; S. Bonaventure, dist. XXIV, part. II, a. 2, q. m ; Richard, a. 5, q. n ; Albert le Grand, a. 39.

Le raisonnement est faible ; les prémisses sont contestables. Rien d'étonnant que l’opinion ait été de plus en plus contredite. Scot, dans les Reportala, t. IV, n. 9, déclare nettement que l'épiscopat est un ordre hiérarchique distinct, précisément en raison des pouvoirs spéciaux qu’il confère : episcopatus est specialis gradus et ordo in Ecclesia, cujus est ordines omnes conferre et per consequens omnes in istis eminentibus conslituere. Durand de Saint-Pourçain, appuyé sur l’autorité de l’Aréopagite, enseigne que l'épiscopat doit être considéré comme un ordre et comme un sacrement complétant le presbytérat. In IVum Sent., dist. XXIV, q. vi, n. 4. On doit également citer les noms de Pierre de La Palu, q. vi, a. 3 ; de Gabriel Biel, de Jean Major et, précédemment, de Guillaume d’Auxerre, Summa, t. IV, tr. viii, et de Guillaume de Paris, De sacramento ordinis, c. xiii, etc. On ne peut nier toutefois, qu'à l'époque que nous étudions (xme -xve), l’immense majorité des auteurs tenait pour la non-distinction de l'épiscopat et du simple sacerdoce quant à l’ordre et au caractère sacramentel ; cf. R. Capisucchi, O. P., Controv. theol. sélect., Rome, 1670, controv. xxviii, de episcopatu, § 2. L’opinion de Scot et de Durand a pris de plus en plus de force à partir de Bellarmin (voir plus loin). Toutefois la supériorité de l'épiscopat sur la simple prêtrise est fondée sur le droit divin. Cette doctrine affirmée sans ambages chez saint Thomas, saint Bonaventure et la plupart des auteurs, est aussi celle de Duns Scot, dist., XXIV, q. i, schol. 2, et de Durand de Saint-Pourçain, id., q. v, a. 9, nonobstant quelques expressions équivoques.

c) La dernière question est relative au pape, dont les auteurs justifient la puissance, supérieure même à la puissance épiscopale : « Au-dessus du pouvoir directif qui se propose un bien particulier, il faut qu’il y ait un pouvoir universel qui se rapporte au bien général. Puisque l'Église entière ne fait qu’un corps, il faut, pour conserver cette unité, qu’il y ait, par rapport à l'Église entière, une puissance directive placée au-dessus de la puissance épiscopale qui doit régir chaque Église particulière. Telle est la puissance du pape. » Sol. 3. Mais, quant au pouvoir d’ordre, l'évêque est égal au pape. Cette dernière question est spécialement traitée par saint Thomas, loc. cit.

Pareillement, dans l’a. 3, le même théologien expose les raisons de convenance des vêtements et ornements propres à chaque ordre.

11. Le ministre de l’ordination. — C’est la question posée dès le début de la distinction XXV. Tous les commentateurs affirment unanimement, avec la tradition catholique, que l'évêque est le seul ministre de l’ordination. Les prêtres qui imposent avec lui les mains sur les ordinands, l’archidiacre qui, au cours de la cérémonie, présente divers objets, ne confèrent aucun ordre. Ce sont des rites symboliques, mais de soi inefficaces quant à la transmission des pouvoirs. S. Thomas, dist. XXV, q. i, a. 1 ; cf. Suppl., q. xxxviii, a. 1 ; S. Bonaventure, dist. XXV, a. 1, q. i ; Richard, n. 1, q. i ; Thomas de Strasbourg, q. i, a. 1 ; Fr. de Mayronis, q. m ; Pierre de Tarentaise, q. i. Tous ces théologiens reconnaissent d’ailleurs que le pape peut déléguer à un simple prêtre