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ORDRE. LE DÉCRET DE FLORENCE


sacrement de l’ordre, par le P. J. Périnelle, O. P., dans Revue des sciences phil. et théol., 1930, p. 236.


V. Les enseignements du concile de Florence DANS LE DÉCRET PRO ARMENIS ET LA CONTROVERSE THÉOLOGIQUE SUR L’ESSENCE DU SACREMENT DE L*ORdre. —

La théologie du sacrement de l’ordre, telle que l’avaient conçue les maîtres de la seolastique et notamment saint Thomas, eut un couronnement assez inattendu au concile de Florence.

Invité à se rendre au concile par Eugène IV dès 1434, le patriarche arménien Constantin V avait envoyé à Florence, en 1438, quatre députés pour qu’ils y scellassent, en son nom, l’union telle qu’elle avait autrefois existé. Malheureusement, ils arrivèrent en Italie au moment où les Grecs allaient en partir. Ce ne fut que le 22 novembre 1439 que les Pères purent lire et solennellement adopter en séance publique le décret spécial qui consacrait l’union des Arméniens avec Rome. Ce décret forme un ensemble complexe, dont les parties peuvent être distribuées en trois groupes : 1° Des formules de foi antérieures, symboles de Nicée et de saint Athanase, définition de Chalcédoine sur les deux natures, définition de Constantinople sur les deux volontés ; 2° des décisions d’ordre disciplinaires : 3° un exposé sacramentaire. Or, cet exposé reproduit dans ses grandes lignes, arrangé à l’usage des Arméniens, un opuscule de saint Thomas, le De (idei articulis et septem sacramentis. Sur le sacrement de l’ordre, comme sur les autres sacrements, c’est donc la doctrine de saint Thomas qui se trouve ainsi, en quelque façon, canonisée.

On s’en rendra compte par la juxtaposition suivante :

Décret. Texte de saint Thomas.

Nova ? Legis septem sunt Sunt autem sacramenta

sacramenta : videlicet bapLegis Novæ septem, scilicet

tismus, confirmatio, euchabaptismus, confirmatio, eu ristia, pænitentia, extremacharistia, psenitentia, extre unctio, ordo et matrimoma-unctio, ordo et matri nium… monium…

Per ordinem vero EcclePer ordinem Ecclesia gu sia gubernatur et multiplibernatur et multiplicatur

catur spiritualiter… spiritualiter…

Inter hæc sacramenta tria Quædani horum impiï sunt : baptismus, conflrmunt characterem, id est,

matio et ordo qiue charactespirituale quoddam signum

rem, id est, spirituale quoddistinctivum a eeteris, sicut

dam signum a eeteris disin sacramento ordinis vel

tinctivum, iniprimunt in sacramento baptismi et in

anima indélébile. Unde in sacramento confirmationis :

eadem persona non reiteet talia sacramenta nun rantur… quam iterantur super eamdem personam…

Sextum sacramentum est Sextum est sacramentum

ordinis cujus materia est ilordinis… Materia autem hu lud, per cujus traditionemconjus sacramenti est illud ma fertur ordo ; sicut presbyterateriale, per cujus traditio tus traditur per ealicis cum nem confertur ordo ; sicut

vino et patente cum pane porpresbyteratus traditur per

rectionem. Diaconaius vero collationem ealicis, et qui per libri Eoangeliorum dalibet ordo per collationem

tionein. Subdiaconatus vero hujus rei quæ prsecipue per per ealicis vacui cum patena tinet ad ministerium illius

vacua superposita traditioordinis. nem ; et similiter de aliis per rerum ad ministeria sua pertinentium assignationem.

Forma sacerdolii talis est : Forma autem hujus sa « Accipe potestatem offecramenti est talis : « Accipe

rendi sacrificium in Ecclesia potestatem offerendi sacri pro vivis et mortuis, in nolicium in Ecclesia pro vivis

mine Patris et Filii et Spiet mortuis ; » et idem est di ritus sancti. » Et sic de aliocendum in consimilibus ordi rum ordinum formis, prout nibus. in Pontificali romano late continetur.

Ordinarius minister hujus Minister lui jus sacramenti

sacramenti est episcopus. Efest episeopus, qui confert

lectus augmentum gratiæ ut quis sit idoneus minister.

(Denz.-Bannw., 701.)

695 ;

ordines ; effectus autem hujus sacramenti est augmentum gratiæ ad hoc quod aliquis sit idoneus minister Christi.

(Opuscula, édit. P. Mandonnet, t. iii, Paris, 1927, p. 13 ; 17-18.)

On peut le constater : le texte de saint Thomas sert de base au concile qui, pour ainsi dire, le suit pas à pas. Toutefois, dans le texte du théologien, le concile supprime, ajoute, remanie. Ainsi, tout en utilisant l’opuscule de saint Thomas, il fait une œuvre propre, où son autorité est engagée. De telle sorte que l’exposé sacramentaire du décret Pro Armenis ne saurait, de prime abord, être assimilé complètement aux formules de foi précédemment rappelées. Ces formules de foi sont simplement reproduites de documents dogmatiques antérieurs ; l’exposé sacramentaire est un document original qui, par luimême, n’a que l’autorité qu’a voulu lui conférer le concile. Cette remarque est à retenir ; cf. Ami du clergé, 1925, p. 173.

Le décret pose la question, si ardemment controversée en théologie sacramentaire, de l’essence du sacrement de l’ordre. C’est pourquoi nous l’y rattachons.

Tandis que l’histoire du sacrement de l’ordre montre que, dans les neuf premiers siècles, la porrection des instruments fut totalement inconnue dans le rite de l’ordination (voir ci-dessus, col. 1235-1257), le Décret d’Eugène IV en fait le rite essentiel, sinon unique, de l’ordre. D’autre part, des actes pontificaux nous font connaître que Rome accepte comme valides les ordinations orientales, faites sans la porrection des instruments : Clément VIII, Instruction Presbgteri grseci, du 31 août 1595, exige qu’un évêque de rite grec soit présent à Rome, pour conférer aux étudiants de sa nation l’ordination selon le rite grec. Magnum bullarium romanum, t. iii, p. 53a, § 7. Cette décision fut confirmée par Urbain VIII, bref Universalis Ecclesi : v, 23 nov. 1624, id., t. iv, p. 172a sq. De plus, dans la bulle Etui pastoralis, 26 mai 1742, pour les Italo-Grecs, Benoît XIV déclare expressément : Episcopi grxci in ordinibus conferendis ritum proprium græcum in Euchologio descriptum servent. Et, dans la constitution Demandalam ctelitus, du 24 déc. 1743, il interdit qu’on fît le moindre changement aux rites des Grecs ; cf. Benedicti XIV bullarium, Malines, t. i, p. 342 sq ; t. ii, p. 148 sq. ; Magnum bullarium, t. xvi, p. 99a sq. ; 1666 sq. Enfin, Léon XIII, dans la bulle Orientalium dignitas Ecclesiarum, 30 nov. 1894, a confirmé cette constitution de Benoît XIV, Acia S. Sedis, t. xxvii, p. 257 ; Acla I.eonis XIII, Bruges-Lille, t. v, p. 303. En conséquence, il semble qu’on doive aboutir à ces deux « énormités dogmatiques > « : le sacrement de l’ordre est autre dans l'Église d’Orient que dans l'Église d’Occident ; dans l'Église d’Occident, le sacrement n’est pas resté identique à lui-même ; cf. A. d’Alès, Dict. apolog., art. Ordination, t. iii, col. 1154.

Pour résoudre ces difficultés, les théologiens envisagent d’abord l’autorité qu’il convient d’attribuer au décret dans sa partie sacramentaire ; ensuite l’application qu’il faut faire au sacrement de l’ordre de la doctrine proposée par le décret quant au rite essentiel de l’ordination.

Autorité du Décret guant à sa partie sacramentaire.

 Nous avons dit plus haut pourquoi l’autorité du décret dans la partie sacramentaire n'était

pas nécessairement de même nature que celle qui concerne les formules dogmatiques de la première partie.