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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/116

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PÉCHÉ. EFFETS : LA PEINE


inter culpam et poenam, ex eo quod propter culpam aliquis ad pœnam obligatur, ideo nomen medii transumitur ad extrema, ut inlerdum ipsa culpa vel eliam pœna reatus dicitur. In II am Sent., dist. XLII, q. i, a. 2. Que le péché entraîne un châtiment, la pensée chrétienne, en sa forme la plus élaborée comme en son expression la plus commune, le tient pour indubitable. Le théologien tente ici de donner une exacte notion de cette vérité reconnue, et que des dogmes solennels ont au surplus, par bien des points, consacrée.

Existence.

On justifie d’abord que le péché ait

cet effet. Saint Thomas y procède de la manière la plus convaincante et découvre dans cette réalité morale la vérification d’une loi universelle. Car nous observons dans l’ordre de la nature que l’intervention d’un contraire détermine de la part de l’autre une action plus énergique : Aristote disait que le froid gèle davantage une eau chauffée (/ Meleor., 348 b, 30-349 a, 9) ; mais on signale par là le phénomène universel de la réaction, où s’exprime la tendance de tout être à se conserver dans son être. Par une dérivation de cette loi, nous observons en outre que les hommes sont naturellement enclins à riposter aux attaques, jusqu'à abattre leurs adversaires.

Il n’y a pas lieu de limiter cette loi aux individus : tout ordre lésé exerce pour son compte une répression. Et, comme le péché est un acte désordonné, il faut attendre que l’ordre atteint par lui le réprime. La peine n’est pas autre chose que cette répression même. On déterminera en quoi elle consiste si l’on connaît l’ordre lésé. Or, le péché lèse l’ordre de la raison, directrice naturelle des actes humains : la répression de la raison consiste dans le remords de la conscience. Il lèse l’ordre du gouvernement divin, dont la répression s’exprime en la peine infligée par Dieu. Il lèse l’ordre de la société humaine, civile, domestique, ecclésiastique, professionnelle, etc., non que tout péché lèse cet ordre-là, et la société civile elle-même comme la société ecclésiastique qui sont, chacune en son ordre, des sociétés parfaites, ne châtient point absolument tous les péchés ; mais, quand un péché commet cette atteinte, la répression joue et la peine correspondante est encourue.

De ce raisonnement ressort la notion essentielle de la peine du péché. Elle ne se réfère en rien à la réparation du péché ; mais elle est du péché la contre-partie. Le péché étant posé, une peine y répond. Au désordre accompli est infligé une réplique par quoi le désordre est équilibré, mais non pas réparé. La réparation du désordre — nous voulons dire sa destruction — relève de la pénitence et de la satisfaction : par elles, le péché est anéanti, et il appartient au théologien d’en définir les voies (voir Justification, Pénitence). Mais cette fonction n’est en rien celle de la peine proprement dite. Telle que nous l’avons présentée, elle répond à cette préoccupation de maintenir, à rencontre de la perturbation du péché, le triomphe de l’ordre. Sans la peine, le pécheur a raison de l’ordre des choses ; il ne se peut que l’on concède cette victoire à son caprice ; la peine y pourvoit. Elle est la forme que prend l’ordre, définitivement inviolable, une fois posé le péché. Ne disons même point la peine, car il se peut qu’elle tarde et il ne faut pas que le péché se flatte d’un triomphe même éphémère ; disons précisément l’obligation à la peine, laquelle est seule, aussi bien, l’effet propre et direct du péché. Aussitôt le péché commis, e » 1 encourue de la part du pécheur cette nécessité où se marque la permanence non compromise de l’ordre. Il suit du péché même quelque chose on l’avoue la défaite du péché. Grâce au reatus pœnee, l’ordre du monde est sauf, que le péché n’a pu rompre.

il j a plus qu’une parenté entre cette notion essen tielle de la peine que propose talnl Thomas et les

belles considérations où saint Augustin annonce le châtiment nécessaire et imminent du pécheur : ne vel punclo lemporis universalis pulchritudo turpetur, ulsit in ea peccati dedecus sine décore vindictæ.De lib. arb., III, xv, 44, P. L., t. xxxii, col. 1293 ; sur cette conception d’Augustin, voir Mausbach, op. cit., t. i, p. 119-122. Dès lors, il apparaît que la peine essentiellement est contraire à la volonté. Saint Thomas revendique communément pour elle ce caractère : en quoi il ne propose pas une description psychologique, mais définit la nature même de la peine en rapport avec sa fonction spécifique. On ne nie point pour autant que la peine ne puisse devenir médicinale, ordonnée à la correction du délinquant ou des autres hommes, ou satisfactoire, concourant à la totale réparation du péché : mais ces caractères sont ultérieurs à celui-là où s’exprime son essence, où se révèle, si l’on peut dire, sa pure beauté. la-II^, q. lxxxvii, a. 1.

Les commentateurs ont poursuivi la formule exacte de cette réalité du reatus. Tenons, avec les Salmanticenses, disp. XVII, dist. i, spécialement n. 6, qu’il n’est ni une relation réelle ni de raison, ni quoi que ce soit que l’on puisse réellement distinguer du péché habituel, ni le péché habituel lui-même en son concept essentiel et primaire, mais comme un concept secondaire du péché habituel, virtuellement distinct et dérivé. Qu’il demeure quand la faute est remise, cette condition ne porte point préjudice à la correction de leur formule. Ibid.. n. 14-20.

2° Le péché est-il peine du péché? — Avant de considérer quelques conditions remarquables de la peine due au péché, informons-nous si cette peine peut consister dans le péché même.

Une certaine tradition semble le soutenir. Ainsi saint Augustin dans les Confessions, I, xii, 19, P. L., t. xxxii, col. 670 : Jussisti, Domine, et sic est, ut pœna sua sibi sit omnis inordinatus animus ; ainsi saint Grégoire, In Ezech., t. I, hom. ii, n. 23-24, P. L., t. lxxvi, col. 914-916 ; Moralia, t. XXV, c. ix, P. L., t. lxxvi, col. 334-336 : Omne quippe peccalum, quod tamen citius pœnilendo non tergitur, aut peccatum est et causa peccati, aut peccatum et pœna peccati… Plcrumque vero unum alque idem peccatum et peccatum est ut et pœna et causa peccati. Ces textes et d’autres avaient été retenus par Pierre Lombard, qui a consacré à cette question une distinction entière. // Sent., dist. XXXVI. Saint Thomas, comme tous les théologiens scolastiques, l’a débattue. Sa théologie introduit en ceci des distinctions qui. faisant droit aux données traditionnelles, sauvegarde cependant les exigences de la raison.

1. De soi, le péché d’aucune façon ne peut être la peine du péché, car il procède de la volonté. La peine est. de sa nature, contraire à la volonté. La distinction du mal de faute et du mal de peine est irrécusable. D’aucune façon, le péché en sa nature même n’est la peine du péché.

Ainsi raisonne saint Thomas dans la Somme théologique ; et nous avons à dessein traduit le nullo modo qu’il écrit deux fois dans ces quelques lignes. La démonstration semble décisive. Néanmoins, s’il est vrai que le péché, en sa conversion, procède de la volonté et à ce titre contredit la peine, le désordre accompagnant cette conversion, et d’où le péché reçoit sa raison de mal, n’est pas également voulu. Le pécheur s’en passerait ; il le subit connue une nécessit I Saint Bon aventure, par exemple, tenait que le péché, en ce qu’il a d’essentiel, est peine du péché : In //um Sent., dist. XXXVI, a. 1, q. i. Saint Thomas luimême, dans son premier ouvrage, In 1 1 " m Sent.. dist. XXXVI, a. 3, semble admettre que le p rattone i/isius actua deformis, possède un carat pénal ; il le dit expressément dans la question disputée Demalo, < a. i. ad 2° n : Ipseactu » non utoolilut