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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/141

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PÉCHÉ PHILOSOPHIQUE. HISTOIRE ULTÉRIEURE


méconnaissance du caractère déraisonnable de l’offense divine, comme si l’on offensait Dieu dans un ordre étranger à la constitution naturelle des choses cl sans que la raison y fût intéressée. D’une part donc, un péché positivement laïque ; de l’autre, une offense de Dieu surérogatoire ; au total, la rupture navrante d’un accord qui avait été le chef-d'œuvre de la théologie chrétienne. Du même coup, plusieurs des points de la synthèse élaborée étaient compromis : le péché d’ignorance, le péché d’habitus, l’endurcissement des pécheurs, le péché mortel de la raison inférieure, le péché des enfants ; il n’est rien de tout cela que n’atteigne le péché philosophique. Il n’y a de vrai, dans les revendications comprises en cette notion, que la gravité plus grande du péché commis dans la connaissance expresse de l’offense de Dieu qu’il comporte : car on trahit alors une volonté plus attachée à l’objet déréglé. Mais, pour ce bénéfice que nous enregistrons, combien de ravages I La condamnation de 1690 les a heureusement limités.

/II. histoire ultérieure. — 1° Premières réactions. — Le décret d’Alexandre VIII n’a point cependant arrêté d’un coup cette histoire. Et le péché philosophique engageait trop de choses pour qu’il cédât soudain.

Beaucoup, et qui n'étaient point jansénistes, reçurent le décret avec joie. Nous avons dit déjà le sentiment du cardinal d’Aguirre. De Mabillon, on a une lettre à Sergardi : Decretum de peccato philosophico ad nos maximo bonorum plausu perlatum est, fremeniibus

licet itlis quorum intererat (Lud. Seryardii orationes

dans Dôllinger-Reusch, op. cit., t. i, p. 79, n. 1). Mais une littérature polémique et des incidents divers se produisent sans retard. Aux Véritables sentiments des jésuites… dont nous avons parlé, le P. le Tellier oppose des Réflexions sur le libelle intitulé « Véritables sentiments des jésuites touchant le péché philosophique », adressées à l’auteur même de ce libelle, La Haye, 1691. Voir Scriptores ord. preed., t. iii, p. 633. A la Récrimination des jésuites dont nous avons aussi parlé, le P. Bouhours riposte en faisant paraître pour la troisième fois sa Lettre à un seigneur de la cour, dont la première édition est de 1668 ; il la fait précéder d’un avertissement où la querelle est portée sur le plan des disputes jansénistes ; quant au péché philosophique, l’auteur le présente en passant comme une « proposition métaphysique qui n’a rien de commun avec le fond de la religion ». il s’attire aussitôt une réplique : Le Père Bouhours, convaincu de nouveau de ses anciennes impostures, faussetés ou calomnies… au sujet du péché philosophique, Cologne, 1691. En butte à des attaques, Arnauld avait conçu le dessein d’un écrit auquel il se proposait de donner pour titre : La contravention des jésuites au décret du Saint-Siège qui a condamné la doctrine du péché philosophique dénoncer à l'Église. Préf. hist., p. xv-xvi. Il n’y donna pas suite. Mais, comme il avait reproduit, à la fin de sa Cinquième dénonciation, des propositions du P. Beon, jésuite, tirées d'écrits dictés à Marseille en 1689, on publia à ce sujet, en 1692, un écrit intitulé : Le philosophisme des jésuites de Marseille en deux parties, où l’on critiquait cette allégation que les partisans du péché philosophique ne voulaient défendre qu’une hypothèse sans préjuger rien de sa vérification réelle. La même année, un théologien de Louvain fait paraître Triplex hærcsis in moralibus, Mater peccati philosophici denunciata ; dans le sens contraire, le P. Segcrs, jésuite flamand, publie une Apologia pro jesuilis belgis. Voir Préf. hist., p. xvi-xvii.

A Rome même, la Première dénonciation d 'Arnauld, [Jour la condamnation de laquelle le cardinal d’Estrées avait agi, fut retournée sans jugement par l’Inquisition en avril 1693. Cf. Préf. hist., p. xiii ; Œuvres,

d Arnauld, t. iii, p. 640 ; Heusch. Index…, t. ii, p. 539. Le 1er juillet de la même année étaient mis a L’Index : 1. Le dénonciateur du péché philosophique convaincu de méchants principes dans la morale, par M. du Pont, théologien, Cologne, 1090 ; 2. Diatriba thrologica de peccato philosophico cum expositione decreti Inquis. Rom. éd. 24 aug. 1600, sans lieu ni date (, 1'auteur en était le jésuite Robert Mansfeld, du collège anglais de Liège, Préf. hist., p. xiv ; Reusch, Index…, t. ii, p. 5 C’est vers le même temps sans doute que le maître du Sacré-Palais, Ferrari, composa son écrit : Disputai io adversus commentum probabilismi et ejus legilimum fatum peccalum philosophicum, que l’on trouva dan papiers, avec un écrit contre Terillus, mais qui ne fut pas imprimé. Concina, De vita et gestis card. Ferrarii, p. 109. Voir Dôllinger-Reusch, op. cit.. t. i, p. 196, n. 3 ; Script, ord. pried., t. iii, p. 247.

Parmi l’abondance de la littérature de circonstance engendrée en ces années par l’afiaire du péché philosophique, il y a lieu de distinguer l’ouvrage doctrinal du P. Norbert d’Elbecque, O. P., intitulé Dissertatio theologica de adverlentia requisita ad peccandum fornwliter, Liège, 1695. Ce titre indique sous quel angle l’auteur aborde la critique du péché philosophique. Voir Préf. hist., p. xix ; Script, ord. preed., t. iii, p. 197.

Interventions des évêques de France.

Un nouveau débat s'éleva en 1696-1697 à l’occasion d’un mandement de l’archevêque de Rouen. On y recommandait au clergé du diocèse certains ouvrages de théologie morale, entre autres ceux du P. Noël Alexandre, O. P. Sur quoi parut bientôt un écrit anonyme : Difficulté proposées à M. l’archevêque de Rouen par un ecclésiastique de son diocèse sur divers endroits des livres et surtout de la théologie dogmatique du P. Alexandre dont il recommande la lecture à ses curés. Le P. Bufïier. jésuite, fut convaincu d’en être l’auteur. L’archevêque requit de lui l’adhésion à dix propositions, dont deux concernaient le péché philosophique : 2. Au sujet du péché philosophique, je condamne ce qu’Alexandre VIII a condamné le 24 août 1690 et reconnais ce que les jésuites ont déjà reconnu dans leurs Sentiments sur le péché philosophique, savoir qu’il est faux de dire qu’une advertance actuelle de la malice de l’action soit requise pour que l’action soit un péché. 3. Les pécheurs aveuglés et endurcis qui commettent des meurtres, des adultères et autres crimes sans remords, ne pensant pas qu’ils offensent Dieu en les commettant, ni que ces crimes sont contraires à la loi naturelle, ne laissent pas de mériter les peines de l’enfer : leur inapplication actuelle à la malice de l’action ne les excusant pas de péché mortel. » On voit à quels principes est ici liée la notion du péché philosophique. Après toute sorte de complications, l’affaire se termina par l’exil du P. Buffier à Quimper-Corentin. Entre temps, une seconde lettre pastorale de l’archevêque répliquait aux Difficultés et mettait au point la question : Lettre pastorale de M. l’archevêque de Rouen au sujet d’une lettre publiée dans son diocèse, intitulée : Difficultés, etc., 1697. Le P. Alexandre, pris à partie comme on l’a vu. était intervenu par des Éclaircissements des prétendues difficultés proposées à Mgr l’archevêque de Rouen sur plusieurs points importants de la morale de J.-C, 1697. Voir Script, ord. preed., t. iii, p. 389. L’affaire de Rouen est racontée tout au long dans Dôllinger-Reusch, t. i, p. 617-623 ; et t. ii, p. 359-360. Cf. Préf. hist.. p. xvii XVIII.

Dans une lettre collective du 23 février 1697, cinq évêques français, parmi lesquels Bossuet, dénonçaient au pape Innocent XII plusieurs des doctrines soutenues dans l’ouvrage posthume du cardinal Sfondrati, intitulé Nodus prædestinationis… dissolulus. L’une d’elles regarde le péché philosophique' Cet auteur estime, en effet, que l’ignorance de Dieu empêche que