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    1. PÉCHÉ ORIGINEL##


PÉCHÉ ORIGINEL. LE JUDAÏSME POSTÉRIEUR

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commis à l’instigation du démon. Cependant, il faut aussi tenir compte du contexte spécial et général de ces passages pour en donner une exégèse convenable. Il y a, d’abord, la phrase (n, 2 1 6) : « Ils en feront l’expérience ceux qui lui appartiennent. » Celle-ci ne restreint-elle point l’expérience de la mort aux seuls impies ? Dans ce cas, il serait surtout question ici de la mort de l’âme, de la mort véritable ; cf. Philon, Lcguni allegoriarum, t. I, n. 105-108, et non de la mort corporelle que connaissent les justes aussi bien que les impies.

N’est-ce pas aussi de la mort spirituelle qu’il est question au f. i, 11-12 ?

La bouche qui ment donne la mort à l’âme [vie… Ne courez pas après la mort par les égarements de votre C’est elle que les impies appellent du geste et de la voix, i, 16 ; c’est elle qui les met parmi les morts dans l’opprobre pour toujours, iv, 19 ; c’est elle qui, par la puissance divine, les dispersera comme un tourbillon, v, 23, et les retranchera de la véritable vie. v, 3-14.

Il s’agit bien dans ces passages, en première ligne, de ce que l’Apocalypse appelle « la seconde mort ». ii, 11 ; xxi, 8. D’autre part, l’incorruptibilité pour laquelle l’homme a été créé ne doit-elle pas, elle aussi, être entendue d’une façon surtout spirituelle ? N’est-elle pas la récompense des âmes pures, ii, 22, le fruit de la justice qui est immortelle, i, 15 ? Cette àçOapaîa pour laquelle l’homme était fait n’est-elle point assurée encore aujourd’hui par l’obéissance aux lois, ne donne-t-elle pas une place auprès de Dieu, vi, 19 ? Sans doute les justes doivent mourir dans leurs corps comme les impies, mais leur mort physique n’est qu’une apparence de mort par rapport à la mort véritable, un épisode, un passage à la vie. « Aux yeux des insensés ils paraissent être morts, et leur sortie de ce inonde semble un malheur, et leur départ du milieu de nous un anéantissement ; mais ils sont dans la paix. » iv, 16 sq.

L’àcp3apo-îa évoque donc certainement pour l’auteur l’idée de vie spirituelle auprès de Dieu au moment de la mort.

Cependant, telle qu’elle nous est présentée, i, 14 ; ii, 23-24, elle enveloppe dans l’homme primitif, non seulement l’immortalité de l’âme, mais l’incorruptibilité ou la persévérance dans l’être de l’homme tout entier. Dieu n’a mis en lui aucun principe de destruction. C’est par l’envie du démon que la mort est entrée dans le monde. Mais il y a mort et mort : l’expérience de la mort véritable (mort physique suivie de la perdition éternelle) est réservée à ceux qui smt du parti du diable. Les justes, eux, ne connaîtront qu’une apparence de mort, conséquence, elle aussi, du premier péché.

En effet, il paraît bien impossible que l’idée de mort corporelle ait été totalement absente de la pensée de l’auteur lorsqu’il a rédigé les passages ii, 23, et i, 13-14, alors qu’il avait dans la pensée le récit de la Genèse. Voir Frey, art. cité, p. 519.

Cependant, de ces textes aussi bien que de l’ensemble du livre, il résulte que les descendants d’Adam sont devenus sujets à la mort physique par le fait de leur ancêtre, rien n’indique clairement que la faute d’Adam elle-même ait passé à sa progéniture et que celle-ci soit également privée de rà<p9apcûa de ce fait. L’expérience de la seconde mort est ici réservée par l’auteur à ceux qui appartiennent au démon par îles fautes personnelles, ii, 24 b. On en conclurait cependant à tort qu’il nie la transmission du péché. Si, dans une énumération des bienfaits de la Sagesse à traversThistoire, il est dit que cette Sagesse tira le premier homme de sa propre chute, èx 71apaTtTcô ; j.XTOç iSiou, l’auteur ne pense nullement par là à limiter à Adam les conséquences de son péché : i comme si par t&ou l’auteur entendait un péché propre à Adam et non transmis. J. Drummond, Philos. Judwus, t. i, 20 1. Il faut sans doute entendre ISIom dans le sens propre : Adam fut tiré de sa propre chute, de sa faute personnelle, par la faveur de Dieu, mais les conséquences générales demeurèrent, comme on le voit aussitôt par le meurtre d’Abel. 4°outefois, si l’auteur ne nie pas la transmission du péché, il n’en parle pas non plus. > Lagrange, Éptïre aux Romains, p. 1 15.

En résumé, l’auteur de la Sagesse connaît et utilise la doctrine des premiers chapitres de la Genèse pour en dégager une leçon d’espérance pour les justes, de confusion pour les pécheurs. — 1. L’àçÔxpai’I. a laquelle l’homme était destiné, est surtout la vie bienheureuse auprès de Dieu, mais aussi l’exemption de la mort corporelle. — 2. Par l’envie du diable, Adam lit une chute : decette faute personnelle la sagesse le lit sortir ; mais il en resta des conséquences générales pour la race. — 3. Un principe de destruction, la mort, fut introduit dans le monde comme suite du péché. — 4. Ce principe trouve son plein effet dans les impies ; ils en feront l’expérience ceux qui sont du parti du diable. — 5. Il trouve aussi un certain effet dans les justes qui connaissent la mort corporelle, mais comme un passage à la véritable vie. Toutefois, 1’ « intention première de Dieu continue à subsister en faveur des justes », et c’est parce que « Dieu a créé l’homme pour l’immortalité » qu’il y a encore maintenant une « rémunération de justice » et « une récompense pour les âmes sans tache ». H, 22. La doctrine du péché originel n’est pas exclue, mais elle n’est pas non plus enseignée. Frey, ibid., p. 520.

Ainsi, de l’ensemble des témoignages inspirés de l’Ancien Testament il résulte que Dieu n’a pas créé l’homme dans l’état misérable où il se trouve actuellement. L’origine de cet état de déchéance est dans une faute de désobéissance d’Adam et d’Eve. Si Adam fut tiré de sa faute personnelle par la faveur de Dieu, Us conséquences générales demeurent. Le dommage sur lequel insiste le plus la révélation dans ce premier stade, c’est la mort. Mais cette mort corporelle est-elle en chacun la peine d’un péché transmis par le premier homme et qui s’attache à chacun de ses descendants ? Ceci n’apparaît pas encore. L’Ancien Testament connaît par rapport à Adam une mort héréditaire, mais non encore clairement un péché transmis.

II. LES TÉMOIGNAGES NON CANONIQUES.

Les apocryphes n’ont point pour nous la valeur doctrinale des sources inspirées étudiées jusqu’ici ; cependant, parus à une époque où le peuple d’Israël réfléchissait beaucoup sur le problème de la soulïrance, sur l’origine du mal et de la mort, ils gardent une valeur considérable en tant qu’ils nous apportent l’expression fidèle de certains aspects de la pensée juive nourrie de l’Ancien Testament, dans les temps qui ont immédiatement précédé ou suivi l’apparition du Sauveur. Leur étude ne contribue pas peu à mettre en relief ce qu’a de nouveau la doctrine chrétienne du péché originel dans saint Paul. Cf. Frey, art. cité ; Lagrange, toc. cit.. p. 113-118. La plupart des textes sont rassemblés dans E. Kautzsch, Dit Apokryphen und Pscudepigraphen des A. T., t. n. Tubingue. 1900 ; dans R.-H. Charles, The apocryphe and pseudepigrapha of the O. T., 2 vol.. Londres, 1913 ; éditions particulières de textes : R.-H. Charles, The Apocalypse of Baruch. Londres. 1896 ; C.-H. Box, The book oj iubilees or the Utile Genesis, Londres, 1917 : W.-O. Œsterley, The Testaments of the twelve patriarchs, Londres, 1917 : F. Martin, Le livre d’Hénoch. Paris. 1906.

L’origine du mal. du péché et de la mort dans les écrits juifs avant l’âge apostolique.

1. Le livre éthiopien d’Hénoch (voir édition F. Martin). —

Ce livre est