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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/156

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    1. PECHE ORIGINEL##


PECHE ORIGINEL. LE JUDAÏSME POSTERIEUR

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Il faut noter enfin deux passages qui insistent ici sur les conséquences de la faute. Le premier implique l’idée de l’entrée de la mort dans le monde par le péché. Il se trouve dans V Apocalypse, 28. A la demande d’Adam, après son péché, de goûter encore à l’arbre de vie, Dieu répond par un refus : « Tu ne dois plus en goûter, afin que tu ne vives pas éternellement. » L’éloignement del’arbredevie signifie ici, comme dans Gen., iii, 22, la nécessité de mourir pour Adam et ses descendants.

L’autre passage, 32, nous rapporte la prière d’Eve à la mort d’Adam : « J’ai péché, et tous les péchés sont venus par moi dans la création. » (IlSo-a àjxapxîa Si è<ioû yéyovev èv 175 xtîcte’..) « Eve a donc une certaine part de responsabilité dans le fait de la perversité humaine. Comment et en quel sens ? Son exemple est-il devenu contagieux pour ses descendants qui se sont empressés de l’imiter ? Ne leur a-t-elle pas légué par transmission physique une tare héréditaire ? ou le canal par lequel Eve a influé sur les péchés des hommes a-t-il été le « cœur mauvais » ? (tj xapSîa 7) 7tov » ; pà) qui exercera ses ravages jusqu’à la fin des temps ? Le texte ne le précise pas », dit Frey, art. cité, p. 534. En tenant compte du fait que le texte est une version qui a pu être retouchée, de cette autre vérité aussi qu’il est plus conforme aux idées du temps de voir ici affirmé, comme dans Eccli., 1, 24-25, le commencement du péché dans le monde par Eve (àrcô yuvaixèç àp/rj à(i.apxîaç), enfin de cette constatation que la version arménienne favorise cette idée d’un péché commencé dans le monde par Eve, on peut ajouter que, vraisemblablement, il n’est pas ici question d’Eve comme cause active du péché dans ses descendants. Même si l’on admet que le texte implique une certaine part de responsabilité, pour Eve, dans le fait de la perversion humaine, il faudra reconnaître qu’il y a bien loin de cette vague affirmation, irâaa à^apTia Sièu.w, à la formule précise de saint Paul qui déclare tous les hommes constitués pécheurs par la désobéissance d’un seul, Sià t9)ç 7rapaxor, ç toù évôç àv0pw7toj à|i, apT « oXol ot jtoXXoi.

En résumé :
a) Les deux légendes d’Adam et d’Eve connaissent l’idée de mort héréditaire que nous avons rencontrée dans l’Ecclésiastique et la Sagesse,
b) C’est à Eve surtout qu’est rattachée l’origine de la mort et du mal dans le monde,
c) Si l’on accepte comme authentique le texte de l’Apocalypse, 32, et si on le traduit dans le sens causatif, on dira que l’auteur a reconnu un rapport de causalité entre le péché d’Eve et la perversité morale de ses descendants, mais sans atteindre aucunement la précision de pensée de saint Paul sur ce point.

L’origine du mal, du péché et de la mort dans 1rs écrits juifs contemporains de l’âge apostolique.

Ces écrits du I er siècle de notre ère et du commencement du ir méritent toute notre attention, soit par [es élé ment s plus anciens qu’ils contiennent, soit par l’orientation des problèmes et des solutions touchant la question de l’origine de la perversion humaine qu’ils révèlent à l’époque de Notre Seigneur. L’origine de la tendance mauvaise qui existe en l’homme est directement mise en relation ici ; 1 1 ion a ec la raute d’Adam dans trois livres importants de la théologie juive de l’époque : Hénoch slave (avant 70 de l’ère chrétienne) ; Apoca lypse de Baruch (après 70) ; M livi d’Esdras (vers 90). II D’en n’est pas de même avei Philon qui n’attache pas une grande importance à la faute <l Idara.

1. Hénoch slave, ou Livre des secrets d’Hénoch

((-< w R. Morfill. Oxford, 1896 ; trad allem. de Bon Wetsch, dans Abhandl. der Gesell dei w Issen. : u Gôttingen, 1896 1897). Des rapports de cet ou 1 avec VHinoch éthiopien, on ; i conclu à l’existence d’un livre qui -’< pail spécialement <l Hénoch, et qui aurait été le point de départ de deux rédactions : l’une slave et l’autre éthiopienne. Héncch slave nous est arrivé en deux recensions, A et B. Sur les rapports de ces deux recensions, cf. Frey, Apocryphes de. l’Ancien Testament, dans Suppl. au Diction, de la Bible, t. I, col. 450 ; Charles, dans The apocrypha, etc., t. 11, p. 423-469, donne la traduction de ces deux recensions sur colonnes distinctes. C’est dans le c. xxxi de A que se trouve le récit de la chute.

L’auteur attribue l’origine du mal à Satan et à ses agents, mais aussi à Eve et à Adam, vii, 3 ; xxix, 4 sq. ; xxxi, 1-3, 6 ; xviii, 3 sq. C’est par jalousie que le démon séduisit Eve, mais il ne toucha pas à Adam. A l’origine, Adam était placé sur terre comme « un second ange, comblé d’honneurs, grand et glorieux ; je (Jahweh) l’établis comme chef pour commander sur terre et pour posséder ma sagesse ; il n’y en avait point sur terre comme lui parmi mes créatures. » xxxi, 11, 13. Et je lui dis : « Ceci est bon, cela est mauvais, afin de savoir s’il avait de l’amour envers moi ou de la haine… » « Car j’ai vu sa nature, et *7 n’a pas connu sa propre nature ; c’est pourquoi, parce qu’il ne voyait pas, il devait pécher ; et je dis : après le péché, il n’y a plus que la mort. » Ibid., 16.

Ainsi Adam, tout en connaissant la distinction du bien et du mal, ne connaissait pas sa propre nature : c’est-à-dire la tendance bonne et la tendance mauvaise de son être. C’est de cette « mauvaise ignorance », de sa faiblesse exploitée par le démon qu’est venu le premier péché.

La transgression d’Adam et d’Eve a entraîné pour eux et pour leur race de graves conséquences : Dieu a maudit la mauvaise ignorance, « mais il ne maudit pas ce qu’il avait béni ; il ne maudit ni l’homme, ni la terre, ni d’autres créatures, mais le mauvais fruit de l’homme et ensuite ses travaux ». xxxi, 3-8. La suite de cette malédiction, c’est la mort et l’exclusion du paradis terrestre, v, 1-1 ti. >< Après le péché il n’y a plus que la mort. » « Dieu a créé la femme, afin que par elle vînt la mort. » Ibid.

Nulle part l’auteur ne dit explicitement que cette mort s’étende à toute la race : mais des expressions aussi générales que celles que nous venons de citer rendent le même son que celles d’Eccli., xxv. 24. La faute d’Adam est bien la cause de la mort physique de tous les hommes.

En dehors de la mort, la faute originelle entraîne de graves conséquences. Hénoch voit, en effet, les descendants d’Adam se lamenter sur ces conséquences dans le schéol : « Et je vis tous les ancêtres de tous les temps avec Adam et Eve, et je sanglotai et Je fondis en larmes, et je dis sur la ruine occasionnée pur leur déchéance : Malheur à moi a cause de ma faiblesse et de celle de mes pères. Et je pensai dans mon creur et je dis : Heureux l’homme qui n’est pas né, ou qui. après sa naissance, n’a pas juché, niin qu’il ne vienne pas Ici et qu’il ne polie pas le jOUg de ees lieux. xi 1. 1 sq. Tonnant, The sources of the doctrine of theFalland original Sin, Cambridge, 1903, prétend trouver dans ce texte la première attestation de la notion d’une infirmité innée, héritée i Vdam, et une doctrine juive du péché originel, plus explicite et plus ancienne que l’enseignement <ie saint Paul a ce sujet (p, 210). Son exégèse est tout a fait discutable. Ne rcconnaîl il pas lui même que le mol du texte primitif, que nous 1 1 : 1’luisons par ruine », ne dit pas du tout s’il s’agit d’une ruine physique ou d’une ruine morale. Le contraste appelle plutôt l’idée de ruine physique, il s’agit [cl de tous les descendants d’Adam qui, par suite de la mort causée par un péché, sont descendus en enfer

Il n’y a certes point Ici l’idée paulinlenne qui par Adam les hommes ont été constitues pécheurs Rom.v, . 19, loin d’être affirmée par Hénoch slave, cette