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PÉCHÉ ORIGINEL. LA SCOLASTIQUE DU Xlie SIÈCLE


notamment la corruption de la chair, mais cette corruption est la source du (ornes et la cause pour laquelle ce fomes ou péché originel existe dans l’âme. » R. Martin. Les idées de Robert de Melun, dans Rev. des se. phil. et th.. t. vu. p. 720 : ms. fol. 248 r*. Aussi définit-il le péché originel comme le penchant aux mouvements déréglés, contracté par l’âme par suite de la concupiscence de la chair, dès le premier instant de son union avec la chair. Ibid., p. 723 ; fol. 249 r° : Peccatum originale est pronitas excedendi ex carnis vicio animée tnnata, ex ipsa prima conjunctione cum carne jacta. C est équivalemment, mais mieux analysée, la notion que nous trouvons dans P. Lombard et tous les augustiniens que nous venons de citer ; c’est sans doute la plus répandue au xiie siècle. Aussi, Pierre de Poitiers († 1205) pourra-t-il donner ce concept de Yhabituatis concupiscenlia comme celui qui est admis par presque tous pour désigner le péché originel : Quidam, immo /ère omnes, dicunt originale peccatum non esse nisi concupiscibilitatem… Concupiscibilitas est originale peccatum quod in anima est, non in corpore. Sent., t. II, dist. XIX, P. L., t. ccxi, col. 1015.

i Surviendront Alexandre de Halès, Albert le Grand, saint Thomas d’Aquin. l/imbituatis concupisccntia, tout en n’étant plus regardée comme exprimant le Concept plénier du péché originel, ni même l’élément formel de ce péché, sera toutefois maintenue comme élément matériel dans la notion du péché originel. » R. Martin, art. cité, p. 725.

b) La transmission du péché originel. — On se préoccupe beaucoup, au xiie siècle, d’expliquer la raison, le mode et l’agent de transmission du péché originel.

Les augustiniens ne discutent pas l’opinion d’Anselme et d’Odon de Tournai qui avaient voulu résoudre l’énigme en l’éclairant par leur distinction réaliste entre personne et nature. L’humanité étant considérée comme une réalité toujours identique à elle-même, présente tout entière en Adam et Eve, viciée par leur péché, il était facile de se la représenter comme indéfiniment souillée dans les individualités qui revêtaient s iiilement de propriétés nouvelles cette grande et universelle nal me tombée en Adam. Les augustiniens, ou bien ont senti ce qu’il y avait d’exagéré dans le réalisme qui était à la base de cette explication, ou ils ne l’ont pas connue. Le fait est qu’ils vont chercher l’explication de la propagation du péché originel en dehors d’elle.

a. I.’i raison qu’ils allèguent ordinairement en faveur de la trans lésion du péché est celle-ci : le péché se transm i à ions les hommes parce que tous ont péché en Adam, en ce sens que tous sont formés d’une matière qui était contenue en lui.

Déjà Ans -lui de Laon propose cette explication : Uerito ipse in omnibus punitur, quia ipso cum omnibus peccauit. iugustinus : Omnes in eo peccaoerunt, quia omnes uniis Immo in eo /ur ru ni, non personaliter, sed materialiler, quia omnium materia in eo fuit… Subslantia Ula, ni est semen Adie unihpropagalio facta est, tantum simplices particulas habuil ; unaquæque p articula timplex crevit, non assumpla alia substanlia, sed alia qnulilato ; … omnes e.rgo in Adam (uimus. et omnes in eo idmiis. ei iii’i merito omnes damnamur. Sent., p. 67

Hugues de >.i i m l Victor, comme Anselme de Laon, expliquera aussi la transmission du péché par l’union iiitiin. directe, matérielle avec notre premier père, ni tir i, i permanence a t ravers les différents individus d’une particule d’Adam intrinsèquement accrue, In epist. tut Rom., q. cxxxix, P. I.. ci, xxv, col. 167, si i| r.xxxvin, col. 167 : Omnes in Adam iinus hnmn fuimtts, id est ex eo qui unus homo (lierai prr propagulionrm deseendimus.

DICT. DE Tlll-.O !.. CATHOL.

On retrouve la même doctrine chez Robert Pullus. Sent., t. II, c. xxviii, P. L., t. clxxxvi, col. 756, l’auteur des Sententiæ divinitatis, éd. Geycr, p. 44*-45*, Pierre Lombard, Sent., t. II, dist. XXX, c. xiv. Roland Bandinelli la connaît, mais lui fait une objection : Quibus objicitur peccatum illud animabus minime debere imputari cum a se non sint, ex eo traductiv, sed de niliilo creatw. L T n peu plus loin, il semble se rallier à une autre explication : le péché d’Adam a été imputé à toute sa postérité à raison sans doute de sa gravité : quia nullam habuil causam peccandi. GietI, p. 129130.

Robert de Melun, au contraire, partage l’opinion commune ; selon lui on ne peut nier que toute la race humaine existait jadis matériellement dans Adam en qui nous avons tous péché. Fol. 254 r°, dans R. Martin, ibid., t. viii, p. 463. Mais elle n’y était que pour le corps.

b. Le mode de propagation. — Le péché se propage-t-il par l’âme ou par le corps ? La question est liée à celle de l’origine de l’âme. On sait qu’Augustin avait laissé cette dernière question non résolue ; déjà, Anselme et Abélard, à la suite d’autres, Jérôme, Gennade, Bède, Raban Maur, avaient rejeté nettement la thèse traducianiste. Anselme de Laon, Sent., p. 76, et Guillaume de Champeaux, frag. xxxi, éd. Lefèvre, affirment clairement que nos âmes sont directement créées par Dieu. L’argumentation d’Odon de Cambrai est en faveur de cette thèse. Hugues de Saint-Victor va montrer que cette doctrine, sans être absolument prouvée par l’Écriture et par la raison, est plus conforme à la foi catholique. De sacrum., t. I, p. vii, c. xxx.

L’auteur de la Summa sententiarum, t. III, 2 fin. donnera la thèse créatianiste comme plus vraisemblable. Pierre Lombard lui, sera plus affirmatif encore : « La foi catholique rejette le traducianisme et le condamne comme contraire à la vérité. » Sent., t. II, dist. XXXI, c. il.

Gandulfe démontre la thèse créatianiste par la simplicité de l’âme. Sent, t. II, § 229 : quod anima ex anima non propagatur, sicut caro ex carne traducitur. Op. cit., p. 275-276. A la même époque, Robert de Melun déclare, impossible le traducianisme de l’âme. Fol. 253 v". cité par R. Martin, loc. cit.. p. 163. Dès la tin du xir siècle, la doctrine créatianiste est commune.

Le péché originel se transmet donc par le corps : mais comment ? par quel moyen ?

L’agent de propagation du pèche originel c’est la concupiscence qui accompagne la génération. Telle est la doctrine que l’on peut dire commune dans l’école augustinienne. Anselme de Laon sait que certains la soutiennent. Sent., p. 73. [1 fait allusion, sans cloute, a Guillaume de Champeaux : selon ce maître, les parents baptisés, innocents, jettent d’une main pure une semence mauvaise, ul si munda manus seminarel matum semen, frag. XXIII, édit. Lefèvre ; I [urault, op. cit., p. 21 : Par suite du sacrement de mariage leur concupiscence n’est, tout au plus. qu’un péché véniel ; ils évitent donc également le

péché grave actuel, i Frag. xxxvi, éd. Lefèvre,

si la concupiscence des parents ne souille pas ceux ci gravement, il reste donc qu’elle Infecte gravement la chair des enfants, puis, par l’intermédiaire de celle-ci. leur âme.

ut la pensée de l’I'.cole de Saint Victor : Hugues le Saint Victor, In tpist ail Rom., q. CXXXIII, P. L

i clxxv, col, 180 ; q. evi, tbtd., col. 460 : quare pecca

lum originale postcris imintlatur ? Rrsponsio : quia parentum concubltu » non (il sine libidine, nrc (iliorum

conceptm sine peccato ; cf. Summa de sacrum, i. i. P. c xxxi, t i lxxvi, col. '>" ! M en ic doctrine dans

la Summa seul., I. III. c.

, Ibtd., col. |IIS. on. api.

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