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PAUL DE SAMOSATE

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Peut-être, après cette première assemblée, quelques-uns des évêques qui y avaient pris part, Hyménée, Théophile, Théotecne, Maxime, Proclus et Rolanus, adressèrent-ils une lettre à Paul pour lui exposer la foi orthodoxe et lui demander de souscrire à leur formulaire. Du moins, sous le nom de ces six évêques, possédons-nous une lettre, que de très sérieuses raisons nous invitent, semble-t-il, à regarder comme authentique, malgré les objections soulevées encore récemment par R. Devreesse, Les premières années du monophysisme : une collection anlichalcédonienne, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques, t. xix, 1930, p. 251 sq. Texte de cette lettre dans Loofs, Paulus von Samosata, p. 324-330, et dans Bardy, Paul de Samosate, p. 13-19.

En tout cas, comme Paul continuait à scandaliser ses fidèles par sa vie séculière et par ses innovations liturgiques : il interdisait en effet les chants en l’honneur du Christ et les faisait remplacer, dit-on, par des hymnes qui célébraient sa propre louange ; comme surtout il ne cessait pas d’enseigner l’hérésie, les évêques s’inquiétèrent à nouveau. Pour la seconde fois, au nombre de soixante-dix ou quatre-vingts, ils reprirent en 268 le chemin d’Antioche. Le concile examina soigneusement les griefs articulés contre Paul. Afin de le convaincre, il fit appel à la science d’un prêtre nommé Malchion : entre celui-ci et le Samosatéen s’engagea une longue discussion qui fut sténographiée. Finalement, Paul fut convaincu d’erreur : le concile le déposa et le remplaça par Domnus, qui était le fils du précédent évêque Démétrianus. Avant de se séparer, il rédigea une longue lettre encyclique adressée à Denys de Rome, à Maxime d’Alexandrie et à tous les évêques de 1’oîxoujj.évT), avec leurs prêtres et leurs diacres. A la lettre furent annexés les procès-verbaux de la discussion conciliaire, de telle sorte qu’on pût voir partout le sérieux avec lequel avait été menée toute l’affaire.

Canoniquement, après sa déposition, Paul n’était plus évêque d’Antioche. En fait, il parvint cependant à se maintenir dans la maison de l’Église, grâce sans doute à la bienveillante protection de Zénobie. Ce fut seulement après la chute de l’empire palmyrénien et l’entrée d’Aurélien à Antioche que l’affaire trouva son dénouement : « Comme Paul, écrit Eusèbe, ne voulait absolument pas sortir de la maison de l’Église, l’empereur Aurélien auquel on eut recours, rendit une sentence très heureuse sur ce qui devait être fait : il ordonna que la maison fût attribuée à ceux à qui les évêques d’Italie et de la ville de Rome l’auraient adjugée. Ce fut ainsi que l’homme sus-mentionné fut chassé de l’Église avec la dernière honte par le pouvoir séculier. » Eusèbe, H. E., VII, xxx, 19, P. G., t. xx, col. 717-720.

II. Doctrine.

Pendant longtemps, le souvenir du Samosatéen fut conservé dans l’Église : la plupart des écrivains ecclésiastiques du ive siècle eurent l’occasion de parler de lui, et ils ne se privèrent pas de citer son nom en compagnie de celui des plus fameux hérétiques. Cette célébrité même ne fut pas sans danger pour la précision des formules employées. A force d’être cité, Paul devint en quelque sorte le type de l’hérésiarque ; il avait enseigné, disait-on, que le Christ était un pur homme, <jnXoç &v6pa>Ttoç ; en cette formule, très simple, se résumait son erreur.

1° Sources. — Quelques-uns, cependant, en savent davantage sur son compte. En 358, une lettre adressée aux évêques, à Ursace et à Valens par Basile d’Ancyre et ses partisans, puis l’année suivante la lettre circulaire rédigée par le même Basile d’Ancyre fournissent des renseignements très importants sur certains aspects de la doctrine de Paul et des discussions conciliaires. L’Oratio IV contra arianos et les deux livres Contre Apollinaire, qui figurent parmi les œuvres de saint

Athanase donnent à leur tour quelques précisions nouvelles. Enfin saint Épiphane consacre dans le Panarion un chapitre entier à l’hérésie de Paul, Hseres., lxv, P. G., t. xlii, col. 12-29.

Mais il est à remarquer que nul, au ive siècle, ne cite textuellement les documents écrits de la controverse. Il faut attendre jusqu’au ve siècle et au début de l’hérésie nestorienne pour retrouver les textes de la lettre du concile d’Antioche et des actes synodaux. On ne saurait manquer d’être surpris par une si longue interruption, et plus encore peut-être par les circonstances dans lesquelles reparaissent les documents. La première mention qui en est faite est la Conlestatio, dans laquelle Eusèbe de Dorylée dénonce l’erreur de Nestorius : pour mieux montrer cette erreur, l’avocat fait suivre chaque citation de Nestorius par une citation correspondante de Paul. Voir t. xi, col. 93. Le parallélisme n’est-il pas trop exact pour n’avoir pas été créé intentionnellement, et les documents utilisés par Eusèbe sont-ils authentiques ? On a d’autant plus le droit de poser cette question que les apocryphes abondent alors et que les faux apollinaristes sont utilisés par saint Cyrille lui-même, en toute bonne foi, il est vrai, contre Nestorius et ses partisans.

Peut-être serait-il difficile de répondre si nous n’avions à notre disposition que la Contestalio. Mais, dès le lendemain du concile de Chalcédoine, nous retrouvons les documents conciliaires cités par Timothée yElure dans son ouvrage Contre ceux qui disent deux natures. Un peu plus tard, d’autres citations sont faites par Sévère d’Antioche dans le florilège patristique qui figure au livre III du Contra Grammaticum. Plusieurs florilèges monophysites du vie siècle, rédigés en syriaque, font encore appel à nos documents.

Les catholiques, de leur côté, utilisent les textes de la synodale et des actes : Pierre Diacre, De incarnatione et gratia, 3, P. 1.., t. lxii, col. 85, Jean Maxence, Dialog. contra Nestor., ii, 19 et 23, P. G., t. lxxxvi, col. 151 et 155, Léonce de Byzance, Advers. Nestor, et Eutych., iii, P. G., t. lxxxvi, col. 1389-1393, Justinien, Tractât, contra monophys., P. G., t. lxxxvi, col. 11171120, en apportent des fragments assez importants. Il est remarquable que de nombreux recoupements permettent d’affirmer l’identité des documents signalés par tous ces auteurs.

Ce dernier fait, à lui seul, ne permettrait d’ailleurs pas d’en affirmer l’authenticité ; et il est quelque peu inquiétant de voir Paul de Samosate présenté constamment sous la forme de précurseur de Nestorius, comme aussi de constater que les fragments de la lettre et des actes sont toujours employés pour faire pièce au nestorianisme. Pourtant l’examen intrinsèque des textes semble ici décisif. Il est déjà peu vraisemblable que l’on ait eu l’idée de forger des documents aussi caractéristiques qu’une lettre synodale et des actes conciliaires ; il l’est moins encore que des apocryphes aient su garder assez de réserve pour en imposer à tous pendant plus d’un siècle et que les nestoriens ne se soient pas avisés de contester la valeur des arguments apportés contre eux, si réellement ces arguments étaient sans autorité. L’étude des fragments est encore plus convaincante, et nous n’y trouvons rien qui nous oblige à en contester l’authenticité. Ce sont bien, suivant nous, les actes et la lettre du conciie d’Antioche qu’ont cités, les uns après les autres, les écrivains dont nous venons de parler.

Ce n’est pas à dire que la littérature samosatéenne ne se soit pas enrichie au cours des siècles, de pièces apocryphes. Parmi celles-ci, il faut citer en premier lieu une soi-disant lettre de Denys d’Alexandrie à Paul de Samosate, suivie de dix questions qu’accompagnent autant de réponses, un symbole d’Antioche (ou de Nicée) contre Paul et une lettre de Félix à Maxime