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PEINES ECCLÉSIASTIOl ES. NOTION
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comme le défaut d’usage de la raison (chez les enfants, les adultes en état de démence, de sommeil, d’anesthésie, de délire, d’ivresse profonde et involontaire, etc.) et, d’une façon générale, tous les états pathologiques perpétuels ou transitoires, dans lesquels l’intelligence est incapable d’exercer les actes qui lui sont propres. Il faut y ajouter la passion spontanée, lorsque sa violence éteint la connaissance et supprime la liberté, et l’ignorance involontaire, donc non coupable, de la loi. Du côté de la volonté, outre la passion dont nous venons de parler, la violence physique absolue exclut toute imputabilité et. par conséquent, tout délit. Quant à la crainte, même grave, aussi bien que la nécessité ou une lourde gêne, elles ne suppriment l’imputabilité que lorsqu’il s’agit de la violation d’une loi purement ecclésiastique ; encore faut-il que cette transgression ne tourne pas au mépris de l’autorité ou au détriment des âmes. Can. 2205.

p. — Ces mêmes causes ne feront que diminuer l’imputabilité, si elles laissent subsister une certaine advertance du côté de l’intelligence, ou une liberté plus ou moins grande du côté de la volonté.

y. — Enfin, le délit sera aggravé, s’il est établi que ces causes ont été posées à dessein, recherchées, voulues afin de transgresser plus facilement la loi ; dans ce cas, l’intention perverse, le dol sont particulièrement manifestes et l’imputabilité accrue d’autant.

Au nombre des causes aggravantes, il faut ranger encore trois circonstances qui touchent autant à l’objet du délit qu’à son sujet ; ce sont : la dignité personnelle du délinquant ou de la personne offensée ; l’abus de l’autorité ou de l’office pour perpétrer le délit, can. 2207 ; enfin, la récidive, qu’il faut entendre au sens canonique, différent de celui de la théologie morale : est récidiviste devant le droit, celui qui, ayant subi une condamnation pour un délit, en commet un nouveau de même genre dans des circonstances telles, surtout si c’est peu de temps après, qu’on peut conjecturer prudemment la persévérance chez l’individu de la mauvaise volonté. Can. 2208.

3. L’élément juridique vient s’ajouter aux éléments objectif et subjectif pour constituer le délit dans son entité canonique. Il consiste essentiellement dans la loi sanctionnée par une pénalité : lex cui adnexa sit sanctio canonica saltem indeterminata, can. 2195, autrement dit : (7 -+- s), ainsi que nous l’avons expliqué, / pouvant représenter une loi générale ou une loi particulière (précepte). Avant le Code, les auteurs n’étaient pas d’accord sur la nécessité de cet élément légal. Quelques-uns la niaient, comme le cardinal Lega, De delictis et pœnis, t. iii, p. 6 : d’autres penchaient pour l’affirmative, comme Wernz, Jus décret., t. vi, n. 13 ; Ojetti, Synopsis, au mot Delictum, et spécialement d’Annibale, Theol. mor., t. i, n. 196, qui définissait le délit une violation extérieure d’une loi pénale accomplie avec une intention perverse.

La Commission de codification adopta la thèse favorable à la nécessité de l’élément légal ; d’où le canon 2195, qui consacre officiellement l’adage nullum crimen sine lege. Et comme, d’autre part, nous avons dit qu’il n’y avait pas de peine sans crime ou délit, nulla pœna sine delicto, on peut, semble-t-il. conclure légitimement : nulla pœna sine lege, il n’y a pas de peine sans loi pénale. La seule difficulté vient du canon 2222, où il est affirmé que, même si la loi n’est munie d’aucune sanction canonique, le supérieur légitime peut, néanmoins, sans avertissement préalable, punir d’une juste peine la violation de cette loi. à cause du scandale qui en est résulté, ou de la gravité spéciale de la transgression. Ainsi semblerait battu

en brèche le principe consacré parle canon 2195. Cette contradiction n’est qu’apparente et a été expliquée diversement par les maîtres du droit.

Quelques-uns, comme Sole, De delictis et pœnis,

n. 6, 83, et Chelodi, Jus pœnale, a. 2, soutiennent que l’élément légal n’est pas toujours et nécessairement requis ; par exception, le délit peut exister sans une loi pénale ; c’est le cas tout à fait spécial prévu au canon 2222. — Vermersch-Creusen préfèrent dire que la violation grave et scandaleuse de la loi, même non pénale, est assimilée au délit quant aux effets, plutôt qu’elle ne constitue un délit proprement dit. Epitome, t. iii, n. 383. — Le P. Vidal, Jus pontif., t. iii, 1922, p. 99, voit dans le texte même du canon 2222 l’élément pénal requis, lequel, étant joint à la loi violée, suffit à constituer le délit tel qu’il est défini par le Code. D’autres, par exemple S. d’Angelo, font appel à la théorie de la rétroactivité, non de la loi. mais de la peine ; la pénalité venant, au moment précis où elle est infligée, se joindre à la loi, opère, par une fiction de droit, les mêmes effets pénaux que si la sanction avait été prévue dans la loi elle-même. Quelle que soit l’explication que l’on adopte, il reste que les cas extraordinaires, donc exceptionnels, prévus au canon 2222, ne constituent pas une contradiction, ni même proprement une dérogation au principe admis dans la législation actuelle de l’Église : nullum crimen sine lege, nulla pœna sine lege.

4. Division et espèces.

Le nouveau droit a également précisé ce qu’il faut entendre par « délit public », notoire ou occulte.

Le délit est public d’abord lorsqu’il est déjà divulgué, connu en fait dans la foule, dans ce que nous appelons vulgairement le « public ». bien que l’extension du mot soit relative : c’est la publicité ou divulgation effective ; le délit est public encore, au sens du droit, lorsqu’il s’est produit dans des circonstances telles que l’on puisse et que l’on doive prudemment juger qu’il sera bientôt connu de la foule : c’est la divulgation virtuelle, qui doit être estimée bien plus d’après le caractère et la qualité des personnes qui sont au courant du fait, que d’après leur nombre.

La notoriété ajoute à la publicité un degré nouveau, en marquant une évidence qualifiée qu’on ne saurait cacher par aucun subterfuge. Cette évidence résultera : soit d’une sentence judiciaire ou d’un aveu du coupable fait selon les règles juridiques, et c’est la notoriété de droit, soit des circonstances qui ont accompagné l’acte délictueux, lesquelles sont telles qu’il ne peut être caché en aucune façon, ni bénéficier d’aucune excuse valable.

Le délit est occulte, non seulement s’il manque de notoriété, mais même s’il manque de publicité, c’est-à-dire s’il n’est pas divulgué ni effectivement, ni virtuellement ; là encore, la qualité des témoins sera une base d’appréciation plus sûre que leur computation matérielle. Le délit est dit occulte matériellement si l’acte délictueux lui-même est inconnu, formellement, si on ne sait à qui l’imputer. Can. 2197.

La peine.

Étymologiquement. le mot peine

(du grec towtj) signifie le prix d’un dommage, la somme que l’on versait pour une injustice commise. Il était tout naturel qu’il servît à désigner la satisfaction exigée par la société, à la suite du dommage social que lui a causé un délit ou un crime. A côté de cette appellation, on relève, dans l’ancien droit de l’Église, les noms de vengeance (vindicta, ultio), de satisfaction (satisfactio) pour désigner la même réalité.

Le Code a consacré le titre de peine (De pœnis), et il a défini celle-ci de façon précise, en même temps qu’officielle : « La privation d’un bien, infligée par l’autorité