son absolution, ou plutôt Pelage ne fut point absous, mais la doctrine qu’il professait de bouche. Augustin va même jusqu’à dire que « lui-même, s’il eût siégé au concile, n’eût pas agi autrement ». De gestis Pelagii. xvii, 41, P. L., t. xliv, col. 345. Le pape Innocent, lui, déclara qu’il ne pouvait ni condamner, ni approuver le jugement de ce concile. Saint Prosper en parle comme saint Augustin : il reconnaît cependant que l’indulgence témoignée à Pelage lui paraît avoir quelque peu dépassé les justes limites.
Si l’on veut analyser les résultats de l’assemblée de Diospolis il faut distinguer la question de droit et la question de personne. Pour ce qui concerne la première, un certain nombre de points de doctrine avaient été condamnés, et Pelage lui-même, avec plus d’habileté que de sincérité, avait souscrit à leur condamnation. Saint Augustin les a rassemblés dans sa lettre à Paulin, Epist., clxxxvi, n. 35, P. L., t. xxxiii, col. 827. Ils touchent 1. A la doctrine du péché originel : Adam a été créé mortel, et serait mort, qu’il eût péché ou non ; — sa faute n’a nui qu’à lui-même et non au genre humain ; — les enfants naissent dans l’état d’innocence, où se trouvait Adam avant sa faute ; — ils n’ont donc pas besoin du baptême pour avoir la vie éternelle. — 2. A la nécessite de la grâce : La grâce n’est pas nécessaire ad singulos actus ; — la grâce c’est le libre arbitre, la loi, l’enseignement ; — la grâce nous est donnée selon nos mérites. — 3. A la puissance du libre arbitre : Le bien que nous faisons est le fruit du libre arbitre ; — ce libre arbitre est le maître absolu de nos décisions ; — il ne serait pas, s’il avait besoin du secours divin. — 4. A la perfection : La perfection absolue est possible ;
— il n’y a pas à tenir compte des péchés d’ignorance et d’oubli ; — le renoncement absolu à toutes les richesses est une condition indispensable de salut.
Il est donc facile de voir que le concile avait été, somme toute, beaucoup plus complet dans sa condamnation des doctrines pélagiennes que ne l’avait été le solitaire de Bethléem. La question de droit était résolue conformément à ce que l’on peut déjà appeler l’enseignement classique.
C’est surtout pour ses décisions relatives aux questions de personnes que le concile a été critiqué et qu’il a excité un émoi plus ou moins justifié. Que faut-il penser de cette émotion ? Le concile a condamné Célestius, déclaré seul responsable de toutes les erreurs ci-dessus énoncées. Il a innocenté Pelage sur ses protestations et ses déclarations. Cette issue tient, de toute évidence, à ce que les auteurs de l’accusation n’ont pas pris la peine de faire, sur les travaux déjà parus de Pelage, le travail qu’ils avaient fait sur les écrits de Célestius. Les critiques adressées aux titres des Eclogæ sont dans l’ensemble assez futiles : nul n’a songé à étudier le Commentaire sur saint Paul qui contenait très exactement les doctrines condamnées dans Célestius. Chose plus extraordinaire encore, nul n’a fait état du De natura, qui, pourtant, avait été signalé par Orose à la réunion de Jérusalem. Si on avait pris la peine de s’en occuper on y aurait trouvé une définition très explicite de la grâce au sens pélagien : Dixi quidem proprlo labore et Dei gratta pusse hominem esse sinr preentn, srd quam dlcam r/ruli-iiii optime nostis (il s’adresse à ses deux disciples Timasc et Jacques) et légende recolere fiotestis quod ea sil in qna erreti siimtis a f)rr, rum libero arbilrio. Sailli Augustin, hr gestis Pelagii, n. 22, P. /… t. ii. col. 333. La charité de saint Augustin lui fait ajouta <iu il ne voudrait pas affirmer que Pelage a menti en reniant ces doctrines, C’esl pourtant la conclusion qui s’impose. Pelage n’a pu être absous pu le concile
de I tiOSpollS que e-ràce : i des réticences qui ressemblent
étrangement a des mensonges.
Mais, un peu par la faute de saint Jérôme et de ses amis, qui ont vu dans l’affaire pélagienne un nouveau grief contre Jean de Jérusalem, la décision de Diospolis, relative à l’innocence de Pelage, devait avoir pour effet d’ameuter l’opinion africaine, surtout dans les premiers moments.
Quant à la « vengeance des pélagiens » contre saint Jérôme, l’on a dit, à l’art. Innocent I er, col. 19491950, ce qu’il fallait en penser. Toute précision chronologique nous manque pour cette affaire.
Saint Jérôme continuera d’ailleurs à suivre l’affaire pélagienne. Voir ses lettres à saint Augustin sur la question. Epist., cxli-cxliii, P. L., t. xxii, col. 1179 sq. ; sa lettre au pape Boniface, Epist., cliii : cf. de Bruyne, Quelques lettres inédites de Jérôme, dans Bévue bénédictine, 1910, p. 1-11. Mêmes préoccupations dans sa lettre cliv, adressée à Donatus, où il se montre particulièrement animé. Mais l’avenir semblera vouloir venger Pelage en plaçant plusieurs de ses écrits parmi les œuvres de son implacable adversaire. Ci-dessus, col. 679-680.
4° Pelage tente de gagner l’Occident.
Non content
de continuer son enseignement avec plus de liberté que par le passé, Pelage osa transmettre son Apologie à saint Augustin. L’évêque d’Hippone joignit cette Apologie à des lettres qu’il envoyait au pape Innocent cette même année 416 ; il y ajouta une épître qu’il adressait lui-même à Pelage, Epist., clxxvii, n. 15, P. L., t. xxxiii, col. 771.
De son côté, Pelage composait un traité sur Le libre arbitre. Dans une lettre adressée au pape au début de l’an 417, il exalte ce livre comme l’expression fidèle de sa foi. On le voit professer les doctrines qu’il avait condamnées oralement sur le rôle de la grâce et la nécessité de la prière. « La grâce était donnée aux hommes pour qu’ils puissent accomplir plus facilement, par son secours, ce qu’il leur est ordonné de faire par le libre arbitre. » Il essaya de répondre aux Dialogues de saint Jérôme et à son épître à Ctésiphon. Le solitaire de Bethléem, écrivant à saint Augustin, déclare : « Nous avons beaucoup gagné, puisque, en essayant de répondre à ma lettre, il se fait mieux connaître et découvre à tous les yeux ses blasphèmes. » Inter Augustini epist., ccii, P. L., t. xxxiii, col. 928.
Pour indiquer la diffusion des erreurs nouvelles, saint Augustin raconte dans un sermon que l’évêque de Sicca, Urbain, disputant un jour avec un pélagien. s’appuyait sur la demande de l’oraison dominicale : « ne nous induisez pas en tentation » ; le pélagien répondit : « Nous prions Dieu de ne point nous induire en tentation, c’est-à-dire de nous préserver des maux qui sont hors de notre pouvoir : de ne pas tomber de cheval, de ne pas nous briser un pied, de ne pas être tué par les voleurs, et autres choses du même genre. Tout ceci est hors de ma puissance : mais vaincre la tentation qui me porte au péché, si je le veux, je le puis, et je n’ai pas besoin du secours de Dieu. »
A cette époque, Théodore de Mopsueste vint au Si cours de Pelage contre saint Jérôme en écrivant Cinq livres. Centre reux qui affirment le péché originel.
Nous en trouvons des Fragments dans M. Mercator. Voir Plein. oniGiNEL, col. 356.
/II. RÉACTION DE L’AFRIQVl COti il.I. I’OR1BBT. — Orose revint en Afrique apportant les écrits de saint Jérôme, le mémoire de Héros et Lazare contre l’hérésie
pélagienne et l’annonce de l’absolution de Pelage par
tques’ic Palestine. Ces nouvelles amenèrent la tenue de deux conciles Importants qui vont précisa
la doctrine de l’Église d’Afrique, doctrine dont on demandera l’approbation au pape Innocent.
i" Nouveau concile de Cartilage. Soixante-huit
évéqæs étalent alors réunis à Carthage nie in.i. Ils