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PÉNITENCK-HEPKNTIH. L’ÉCRIT ! R I.
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pas beaucoup le sens étymologique. Faut-il évoquer l’idée de quelque chose d’intérieur (pænitus), ou de quelque chose de plus ou moins manqué (parie) ? Quoi qu’il en soit, Une définition d’Aulu-Gelle indique bien ce que les anciens mettaient sous ce vocable : Pœnitere tune dicere solemus, cum (pur ipsi fecimus aut quæ de nostra Doluntate noslroque consilio facta sunt ea nobis post incipiunt displicere, sententiamque in iis nostram demutamus. Noct. ait., xvii, 1.

Le mot grec que la Vulgate a traduit par pœnitentia, c’est (j.£Tavo’.ot, pœnitere correspondant à Li.£TocvoEÎv. Il exprime surtout la seconde partie de la définition d’Aulu-Gelle : le changement d’avis, de sentiment, relatif à une action ou à une disposition antérieure. Lactance, non sans justesse, rapproche le mot grec du terme latin resipiscentia. Inst. div., t. VI, c. xxiv, P. L., t. vi, col. 722-723.

Le mot (i.£xavosïv, avec son synonyme, |jletocijI£Xei.v, traduit dans les Septante le verbe hébreu niham, où s’exprime davantage l’idée de regret douloureux. Voir une énumération des principaux passages dans P. Galtier, De pœnitentia, p. 2-3. Un autre verbe hébreu sûb, que la Vulgate a rendu quelquefois par psenitentiam ugere, cf. III Reg., viii, 33 ; Ezech., xviii, 21, 30, rend au contraire, avec plus de netteté, le sens de « changement pour l’avenir », de « conversion » et les Septante le traduisent fort correctement ètuaxpîçEiv, à7ro<jTpéç£t, v. Aussi bien le repentir peut-il se tourner soit vers le passé, qu’il regrette, soit vers un avenir meilleur, qu’il prépare. Le mot pœnitentia, dans la langue ecclésiastique, est chargé de ces diverses significations.

La chose.

L’étude du mot nous a préparés à

entendre la complexité de la chose qu’il représente.

Les lexicographes modernes ont fait leur une observation de Tertullien sur ce fait que, dans la langue classique, le sens moral du mot pœnitentia n’apparaît guère. Voir Forcellini, aux mots pœnitere et pœnitentia. Le sentiment exprimé est, par exemple, celui de l’agriculteur qui se repent de n’avoir pas semé à l’époque propice, du commerçant qui a manqué une bonne affaire. Il s’agit avant tout de revenir sur une disposition ou un acte du passé dont les conséquences ont été fâcheuses.

Mais, si l’on applique ceci à un acte moral, on commence à se rapprocher de l’idée qui prévaut dans le langage ecclésiastique. A la vérité, le repentir, retour en arrière sur un acte du passé envisagé sous l’angle de la valeur morale, prend une forme assez différente suivant les conceptions générales que l’on se fait de la moralité. Pour qui exclut, plus ou moins consciemment, l’idée d’un Dieu personnel, auteur et gardien de l’ordre des choses, la notion du péché, familière aux âmes religieuses, ne s’impose pas avec une parfaite clarté. Il reste, chez celui-ci, l’idée de mésestime de soi, de dégoût même au souvenir de certaines actions qu’il a pu commettre, un désir plus ou moins efficace de régler davantage sa conduite à l’avenir selon l’échelle des valeurs qu’il ne peut s’empêcher d’admettre. Nous sommes encore à une assez longue distance de la notion religieuse du repentir.

Celle-ci, en effet, suppose non seulement la notion d’un Dieu personnel et provident, mais celle de péché qui lui est corrélative. Nous entrons dans le domaine des relations de l’homme avec Dieu ; les actions de l’homme, aux yeux du Créateur, ne sont point indifférentes. Encore que, en rigueur de termes, elles ne puissent pas le blesser (c’est le sens d’o/Jendere), elles ne laissent pas d’être une atteinte à l’ordre établi par lui et qu’il se doit de faire respecter. Si le respect de cet ordre n’a pas été gardé par la liberté de la créature, le Créateur se doit de rétablir l’équilibre mis en cause : responsable devant lui, la créature cou pable est susceptible d’être punie : le péché, outre soir caractère anormal d’infraction à l’ordre, emporte donc avec soi la nécessité d’une peine à subir par celui qui l’a commis. Qu’il réfléchisse à ces divers aspects du péché, et l’homme religieux ne pourra, au souvenir d’un passé coupable, qu’éprouver un sentiment de repentir. Regret d’avoir manqué au respect dû à un Dieu juste et bon, crainte des sanctions p< sibles, décision relative à un changement pour l’avenir, et subsidiairement idée de compenser, par une expia tion volontaire, les manquements du passé, c’est bien l’ensemble de sentiments qu’une méditation sur le péché commis fait apparaître dans une âme repentante. Et c’est bien aussi ce qu’une étude sommaire de la littérature religieuse ferait apparaître aux diverses époques et dans les divers pays. Sans vouloir scruter ici les idées relatives à la pénitence dais lis diverses religions, voyons seulement ce qu’en disent les livres inspirés de la religion judéo-chrétienne.

IL PÉNITENCE DANS L’ÉCBITURE SAINTE. C’eSl

un lieu commun d’opposer l’Ancien Testament, loi de crainte, à l’Alliance nouvelle, loi d’amour. Sous l’ancien régime, l’homme est surtout invité à réfléchir aux terribles menaces proférées par l’Éternel contre le pécheur ; pourdétourner la colère de celui-ci, il devra recourir aux rites expiatoires, offrandes, sacrifices, lustrations, dont seul l’accomplissement peut ramener dans son âme l’espoir et la paix. La loi évangélique. au contraire, est toute remplie des appels miséricordieux du Sauveur, bien capables d’exciter dans les cœurs coupables une absolue confiance dans le pardon divin. — Encore qu’il contienne des vues exactes. ce schématisme ne laisse pas d’imposer aux faits des cadres trop étroits. L’Ancien Testament n’a méconnu ni la pénitence intérieure ni la vertu du repentir sincère, et le Nouveau fait appel, en maint endroit, au sentiment de la crainte.

1° Ancien Testament. — 1. Il est bien vrai qu’a étudier les textes législatifs de l’Ancienne loi (voir surtout Exode, Lévitique, Nombres), on y sent prédominer une conception du péché et de l’expiation qui semble faire assez peu de place aux sentiments intérieurs. La législation, d’ailleurs, ne semble guère faire le départ entre la raison d’être des différentes prescriptions ; qu’il s’agisse des grandes lois qui dérivent de la nature même des choses, ou des règlements d’ordre rituel qui déterminent avec la plus stricte minutie les actes divers de la vie individuelle ou sociale, tout cela paraît imposé de la même manière et par un ordre supérieur de Jahvé, ordre qui n’admet ni explication, ni dispense. L’infraction à l’une ou l’autre de ces prescriptions, quelles que soient d’ailleurs les raisons qui l’inspirent (la transgression tut-elle même involontaire), expose le délinquant à des sanctions diverses. On comprend qu’une idée assez particulière du repentir corresponde à cette idée de la loi et du péché. Nous sommes ici dans le domaine de la justice légale et des expiations rituelles, encore qu’une étude attentive des différentes sanctions permette peut-être de découvrir un élément religieux dans quelques-unes d’entre elles. Mais vouloir réduire à ces manifestations toute la vie religieuse d’Israël, ce serait se tromper sur la valeur relative des textes qui les rapportent. Ce n’est pas dans un code, ni dans un rituel, que s’expriment toutes les finesses de la moralité et l’on se ferait une idée incomplète de la piété catholique au xxe siècle, si on se la représentait exclusivement à l’aide du Code canonique ou de la rubrique De defeclibus du missel.

2. La vie morale et religieuse d’Israël nous apparaît davantage déjà dans les textes historiques. Bien qu’elles se renferment, pour l’ordinaire, dans une stricte objectivité, les narrations bibliques laissent