maintint énergiquement ses droits contre ses adversaires de l’extérieur, et ses successeurs purent se prévaloir à plusieurs reprises de ses efforts. Sa vie durant, il conserva juridiction sur l’Istrie, qui avait été annexée par le patriarche Sigwald, malgré l’Église rivale de Grado. Vers le Nord, après s’être associé aux expéditions de Pépin contre les Avares et autres païens et avoir aidé de tout son pouvoir à la conversion de ces peuples, il entra en conflit avec Arn, fondateur d’une province ecclésiastique dans la région du Danube et qui était devenu métropolitain de Salzbourg. Ce conflit, de même que celui relatif à l’Istrie, ne fut tranché définitivement qu’après sa mort. Cette dernière est souvent fixée à 804, en raison de la prétendue réunion à Altino, en 803, d’un concile auquel Paulin aurait participé. Mais les travaux les plus récents conduisent à écarter cette donnée (issue de la lecture fautive d’une lettre à Charlemagne qui se rapporte en réalité au concile de Cividale) et à maintenir la date de 802, qui figure dans les Annales Laurissenses. Inhumé dans la basilique de Cividale, Paulin fut l’objet d’un culte public, sanctionné, d’après la tradition, par de nombreux miracles. Plusieurs martyrologes le comptent au nombre des saints, et les Acla sanctorum placent sa fête au. Il janvier, jour anniversaire de sa mort. Mais il ne figure pas au martyrologe romain.
Indépendamment des Actes du concile de Cividale, qu’on peut considérer comme son œuvre personnelle, il nous reste de lui : 1° Le Libellus episcoporum Italise contra Elipandum, ou Libellus Sacrosyllabus, rédigé au concile de Francfort de 794. C’est une courte réfutation de l’adoptianisme espagnol, terminée par une condamnation portée contre Elipand, sous réserve de ratification par le souverain pontife. — 2°L’Epistolaad Heistuljum, écrite également à Francfort, à la même date que l’ouvrage précédent. Paulin y admoneste le comte lombard Heistulfe, coupable d’avoir tué sa femme, accusée d’adultère, sur témoignage unique, et ordonne au meurtrier de choisir entre la pénitence perpétuelle et l’entrée dans un monastère. Cette lettre, qu’Hincmar communiqua plus tard à Wulfade de Bourges, qui l’avait consulté, semble avoir fait autorité à l’époque. — 3° Le Liber exhortationis (ou De salutaribus documentis), sortede « Miroir des princes » adressé par Paulin, probablement après 776, à son ami Héric, duc de Frioul, pour l’exhorter à la pratique de la perfection chrétienne. Une bonne partie de cet ouvrage a de sérieuses ressemblances avec un écrit anonyme intitulé Admonitio ad fûium spiritualem, que l’on crut longtemps traduit de saint Basile, et, d’autre part, ses chapitres x à xx sont tirés mot à mot de la Vita contemplativa de Julianus Pomerius. — 4° Contra Felicem Urgellitanum episcopum libri III, écrits sur l’ordre de Charlemagne vers 796-800. Félix, après avoir abjuré son erreur, s’était empressé d’y retomber. Alcuin le lui reprocha et reçut en réponse une déclaration que le souverain soumit à Paulin, en même temps qu’à Théodulfe d’Orléans et à Richbode de Trêves. Les trois livres rédigés à cette occasion par le patriarche d’Aquilée sont accompagnés d’une épître dédicatoire extrêmement verbeuse adressée au souverain et d’un court envoi au même. — 5° Un poème dédié à Alcuin par une lettre (dite Apologia), et qui s’intitule Régula fidei. C’est une sorte de Symbole en vers, très riche comme vocabulaire, mais peu correct comme prosodie, qui se termine par une liste d’hérésies anciennes. On l’a souvent imprimé à la suite du Contra Felicem, bien qu’il soit probablement antérieur à ce dernier. — 6° D’autres Pliâmes et des Hymnes composées sans doute pour être chantées au cours des offices, selon une coutume que Walafrid Strabon dit avoir été chère à Paulin. On peut attribuer aussi au patriarche d’Aquilée les pièces De Herico duce, lamentation sur la mort prématurée du
duc Héric de Frioul, et De Lazaro, où les réminiscences de saint Jean sont nombreuses. Un poème attribué jadis à Paul Diacre, De destructione Aquilegiæ nunquam restaurandse, relatif aux ravages causés à Aquilée par Attila, peut également être considéré avec une certaine vraisemblance comme étant de Paulin. Il en est de même du poème De nalivitale Domini et, peut-être, d’un « abécédaire » de 24 strophes intitulé Versus confessionis de luctu pœnilentiee, attribué parfois à saint Hilaire. D’autres hymnes insérées parmi les œuvres de Paulin, De cathedra romana sancti Pétri, In natali sanctorum apostolorum Pétri et Pauli, De resurrectione Domini, De sancto Simeone, De sancto Marco evangelista (où saint Marc est donné comme fondateur de l’Église d’Aquilée) et De dedicatione ecclesise, restent douteuses comme attribution. — 7° Des lettres ou fragments de lettres. Indépendamment des épîtres dédicatoires et de la lettre à Heistulfe citée plus haut, nous possédons de Paulin : la lettre jadis supposée écrite à Charlemagne, à propos du concile d’Altino et où sont dénoncées les violences des laïques contre l’Église ; un fragment où le patriarche rappelle au souverain que les prêtres doivent être débarrassés des soucis du monde pour se consacrer à la lutte spirituelle contre les ennemis invisibles de l’Église, tandis que le roi doit batailler par les armes contre les ennemis visibles ; un second fragment (De rectoribus) où sont rappelées les règles canoniques trop souvent violées par les ecclésiastiques ; un troisième fragment adressé à Charlemagne empereur (et donc après 800), où se trouve résumé tout un programme de gouvernement ; enfin, une lettre « au patriarche Léon », c’est-à-dire au pape Léon III, rappelant à la fois la nécessité de maintenir la pénitence et le devoir d’agir avec miséricorde envers les âmes blessées par le péché. — 8° Des Avis salutaires, exhortation à la pénitence découverte par dom Martène, qui en a seulement publié l’exorde et la préface : c’est une chaîne tirée de saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, saint Chrysostome, saint Éphrem et saint Isidore de Séville. — 9° Enfin, un ouvrage intitulé Paulinus magister in très epistolas Pauli ad Hebrœos (ms. de Constance, B. 1J, fol. 199), qui peut être attribué à notre auteur antérieurement à son élévation au patriarcat.
Paulin d’Aquilée se montre théologien averti et sûr. Dans ses textes théologiques, souvent bien frappés, on reconnaît les formules traditionnelles, qu’il s’agisse de doctrine trinitaire, de christologie, ou même d’anthropologie. Contrairement à d’autres théologiens de la même époque, il ne nomme guère les Pères de l’Église, sauf dans ses Trois livres contre Félix d’L’rgel, . où il cite et commente saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Athanase, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Léon le Grand, et saint Fulgence. Il les connaît bien, pourtant, comme il connaît parfaitement les hérétiques des premiers siècles, qu’il rappelle et énumère à plusieurs reprises. Maisilse réfère surtout à la sainte Écriture, particulièrement à saint Jean et à saint Paul, qu’il interprète correctement, en général, sans excès de fantaisie allégorique, à l’exception d’une dissertation arithmétique donnée d’ailleurs dans une lettre et non dans un traité. Il use abondamment de l’argument d’autorité, mais ne s’y limite pas. Continuant la tradition théologico-philosophique d’Augustin et de Boèce, il essaie d’apporter à la démonstration du dogme et à la réfutation de l’hérésie toutes les ressources de la science profane, de l’art de la grammaire. Il prouve la fausseté des maximes adoptianistes en faisant ressortir leurs contradictions, en montrant l’absurdité des conséquences qui découlent d’elles.. Il démasque les confusions d’idées et de mots, et se livre parfois, pour rendre aux termes employés leur véritable sens, à de véritables petites