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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/399

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PÉNITENCE. LE IIIe SIÈCLE, LES THÉORIES


l’article de la mort). Nous ne voulons pas dire que cette discipline est primitive, ni qu’elle fut absolument générale, et cela permet d’écarter du débat un certain nombre de textes qui y ont été versés : citation de Denys de Corinthe, ci-dessus, col. 765, exemples tirés des Actes de Pierre, silence du De pseniienlia de Tertullien. Mais, ces textes ne peuvent supprimer ceux, fort clairs, que nous avons signalés et qui témoignent de l’existence, pour certaines fautes, d’une réserve dont la sévérité d’ailleurs est allée s’atténuant au cours du siècle (sauf l’exception des canons d’Elvire).

Un scrupule nous reste pourtant sur le point de savoir si la réserve était maintenue jusqu’à l’article de la mort. Les canons d’Elvire le disent expressément et il n’y a pas lieu d’épiloguer sur l’expression qu’ils emploient : communionem non dure, non reddere, etc. comme s’il ne s’agissait que de la privation de l’eucharistie. A l’époque de la persécution de Dèce, il nous paraît bien qu’en plusieurs communautés on accepta. dès l’abord, l’idée qu’il était loisible de réconcilier les lapsi à l’article de la mort. C’est ce qui ressort des lettres du presbytérium romain à saint Cyprien. Cypriani epist., viii (2), xxx (31), et plus encore de la consigne donnée par Denys d’Alexandrie à ses prêtres. Ci-dessus, col. 770. Cette consigne, d’ailleurs, semble indiquer, tout au moins, que les prêtres d’Alexandrie n’auraient pas eu d’eux-mêmes l’idée de réconcilier des lapsi moribonds. D’autre part, quand on étudie les attitudes successives prises par saint Cyprien dans la réconciliation des lapsi, on est bien obligé de constater qu’au début de la crise la permission donnée par l’évêque de Carthage aux prêtres de réconcilier les lapsi moribonds est une concession gracieuse, qui n’est pas accordée à tous, mais à ceux-là seulement qui ont reçu un libellus pacis d’un martyr. C’est dire que la réconciliation d’un failli en danger de mort ne paraît pas, à l’évêque de Carthage, aller nécessairement de soi. Epist., xvin (12), n. 1. Si les deux conciles de 251 et de 252 ont pris des mesures beaucoup plus miséricordieuses, cela tient à l’évolution de la pratique et des idées que nous avons décrites à l’art. Novatien.

5. Pénitence publique et pénitence privée.

En

dehors de cette pénitence canonique dont nous venons d’ébaucher une esquisse, existait-il une rémission des péchés dont toutes les parties seraient demeurées secrètes et qui nous représenterait, en somme, la forme ancienne de notre confession auriculaire ? — A une époque qui n’est pas très éloignée, des théologiens ont recouru a cette hypothèse ; ils ont cru qu’aux moments dont nous parlons, il y avait eu, comme cela se vérifiera à une date postérieure, deux formes de la pénitence : la pénitence privée qui ressemblait d’assez près à notre manière actuelle ; la pénitence canonique, dont le Pontifical d’aujourd’hui a coriservé les grandes lignes. Sur la signification de celle-ci, ils se divisaient encore. Pour les uns, la pénitence canonique produisait au for interne les mêmes effets que la pénitence privée, dont elle n’était, pour ainsi dire, qu’une doublure. Pour d’autres, au contraire, la pénitence canonique était exclusivement une discipline du for externe, correspondant, jusqu’à un certain point, à ce que serait aujourd’hui l’excommunication des pécheurs scandaleux et leur absolution. C’est d’une conception de ce genre que dépend la théorie qui a été esquissée ici à l’article Absolution, col. 155, et dont nous ne pensons pas que personne la maintienne encore aujourd’hui.

De l’avis de la plupart des critiques et historiens, ces suppositions ne correspondent pas à la réalité, elles témoignent plutôt du désir de retrouver dans l’antiquité la plus éloignée les formes extérieures de la pratique actuelle. Non seulement, on ne peut apporter, en leur faveur, aucun texte probant, mais il nous

paraît qu’elles se heurtent aux théories générales sur la signification de la pénitence ecclésiastique que nous allons esquisser.

La seule chose que l’on puisse admettre, c’est que, dans des cas particuliers dont on peut dire, si l’on veut, qu’ils n’étaient pas absolument rares, les chefs ecclésiastiques ou leurs représentants ont pu abréger, à l’endroit de certains pécheurs, les formalités de la pénitence canonique, donner à celles-ci le minimum de publicité, réconcilier les délinquants sine strepitu et forma judicii, comme diraient les juristes modernes. De leur nature même, de semblables interventions ne pouvaient laisser de trace et cela expliquerait la rareté de nos informations à ce sujet. Encore une fois, il faut tenir compte du pouvoir discrétionnaire des évêques dont nous avons entendu saint Cyprien exprimer si nettement la théorie..Mais nous ne pensons pas, pour notre compte, que ces interventions aient été fréquentes ; elles ont été des exceptions. Elles portaient, en eflet, une atteinte grave à des idées reçues et à une pratique communément admise. Quand l’on songe aux longues délibérations du concile de Carthage de 251 sur la réconciliation des simples libellatiques (qui n’avaient fait, en somme, aucun acte formel d’idolâtrie), on se rend compte de la quasi-impossibilité qu’il ait fonctionné à l’époque un moyen très facile de remettre les péchés. Dans la discussion de ce problème, il s’agit moins de soupeser les textes que de reconstituer une ambiance. C’est ce que nous allons maintenant essayer de faire.

/II. les théories. — Sous cette rubrique, nous étudierons, surtout d’après les œuvres de saint Cyprien, les idées générales sous-jacentes à la pratique, ou qui prétendaient, après coup, justifier celle-ci. Cette pratique, nous l’avons dit, comporte normalement trois actes : l’exclusion, l’accomplissement des œuvres de pénitence, la réconciliation.

L’exclusion des coupables.

 Elle est en dépendance

directe de l’idée formulée par saint Paul à propos de l’incestueux de Corinthe : « un peu de levain fait lever toute la pâte », I Cor., v, 6, de l’ordre donné par lui : « pas de relations avec les impudiques », « retranchez le méchant du milieu de vous », ibid., 9, 13 ; cf. Apoc. xxii, 15 ; enfin de la consigne que l’on trouve un peu plus loin : Probet seipsum homo. I Cor., xi, 28. La Didachè précise que « le sacrifice des chrétiens ne doit pas être souillé >, xiv, 2, qu’il faut donc prendre soin d’en écarter les pécheurs. Ci-dessus, col. 757. Nous avons remarqué que, pour la période archaïque, c’est particulièrement sur l’exclusion des pécheurs et les raisons qui la motivent que nous sommes renseignés.

Les mêmes idées se retrouvent dans le De lapsis, voir surtout c. xv et xvi. Trop empressés à se faire réconcilier, les lapsi qui ont surpris la bonne foi des prêtres se sont procuré une paix qui n’en est pas une : irrita et falsa pax, periculosa dantibus, et nihil accipientibus profutura. Suit une description très réaliste de leur comportement : A diaboli aris revertenles, ad sanctum Domini sordidis et infectis nidore manibus acecdunt. Mortifcros idolorum cibos adhuc pêne mêlantes, exhalantibus etiam nunc scelus suum faucibus et contagia funesla redolenlibus, Domini corpus invadunt, quando occurrat Scriplura divina et clamet et dicat : « Omnis mundus manducabil carncin et anima quæcunque manducaverit ex carne sacrificii salutaris, … et immundilia ipsius super ipsum est peribit anima illa de populo suo. » Lev., vii, 20. Les prêtres qui, à la requête des martyrs, ont eu trop d’indulgence pour ces pécheurs et les ont admis à l’offrande et à l’eucharistie, ce n’est pas la paix qu’ils ont donnée, mais la guerre ; qu’ils n’appellent pas bienfait, ce qui est en réalité une injustice : Quid injuriant beneficium vocanl ? Et l’injustice est commise par ces prêtres, tout autant à l’en-