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PÉNITENCE. ORIGINES DE LA PÉNITENCE PRIVÉE


ban, ou encore avec les vieux pénitentiels irlandais. Somme toute, l’Eglise anglo-saxonne s’est ralliée tout entière à la pénitence tarifée, et il ne semble pas <|u’il y ait eu, sur ce point, comme il y en avait malheureuse ment sur d’autres, de conflits aigus entre l’usage anglosaxon (ou romain) et l’usage breton. C’est le cas de répéter le mot du pénitentiel de Théodore : Reconciliatio ideo in hac provincia publiée statuta non est, quia publiai psenitenlia non est.

Persistance de la pénitence publique.

On aurait

tort, d’ailleurs, d’étendre à l’ensemble de l’Occident l’affirmation du pénitentiel en question. Sans parler de l’Espagne, où il est certain que l’ancien régime demeure en vigueur (voir les décisions synodales mentionnées col. 847), il est infiniment vraisemblable que les Gaules et, peut-être, les parties les plus anciennement christianisées de la Germanie, conservaient encore, sinon un fonctionnement très régulier, du moins un souvenir de la pénitence canonique. La preuve en est dans les ell’orts des réformateurs de la période carolingienne pour faire revivre, au moins partiellement, la discipline en question, ci-dessous, col. 877 sq. Nul n’aurait eu l’idée de la ressusciter, si elle eût complètement disparu. Le fait aussi que les livres liturgiques conservent les cérémonies du début du carême et du jeudi saint doit être pris en quelque considération. Ci-dessus, col. 848 et 81(5.

A défaut de décisions conciliaires, c’est encore aux pénitentiels qu’il faut s’adresser pour trouver d’autres preuves de cette persistance. Or, celui de Colomban contient la détermination suivante :

Si quis laicus per ignorantiam cura Bonosiacis aut ceteris hscreticis communicaverit, stet inter catechumenos, id est ab aliis separatus christianis xl diebus et duabus aliis quadragesimis in extremo christianorum ordine, id est inter pænitentes, insanas communionis culpam diluât. Si veto per contemptum hoc fecerit, id est, postquam denunciatum il ti f uerat a sacerdote ac prohibitum ne se communione sinistrae partis macularet, anno integro pæniteat et tribus quadragesimis et duobus aliis annis abstineat se a vino et carnibus et ita post manus impositionem catholici episcopi altario jungatur. Can. 25 (37), Wasserschleben, p. 359.

Ce texte a préoccupé bien des exégètes, en dernier lieu B. Poschmann, op. cit., p. 67 sq. L’existence d’un ordo pœnitentium y paraît bien supposée, quoi qu’il en soit de la manière assez singulière dont est rédigée la seconde partie du canon, qui semble ne plus songer, pour les fauteurs d’hérésie les plus gravement coupables, à cette institution. Mais, l’authenticité colombanienne de ce canon est-elle au-dessus de tout soupçon ? Malnory, op. cit., p. 71, a pensé à une addition postérieure destinée à harmoniser jusqu’à un certain point la nouvelle pratique et l’ancienne discipline. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, la mention de Yordo psenitenlium et de la réconciliation per impositionem manus episcopi ne permet pas de douter de la persistance, si atténuée qu’on le voudra, des formes de l’ancienne discipline à l’époque et dans le pays où ce canon a été rédigé. Que s’il l’a été par Colomban lui-même, cela prouverait simplement, chez lui, une certaine facilité à s’adapter (au moins sur ce point) aux usages de la province où il s’était établi.

Il est bien digne de remarque, en tout état de cause, que des prescriptions analogues se rencontrent dans ce même pénitentiel de Théodore, qui déclarait inexistante en Angleterre la pénitence publique, et ceci à propos d’hérétiques, tout comme dans le texte colombanien. Voir le c. v du 1. I de Théodore : De his qui per hæresim decipiuntur, et tout spécialement les canons 10 et 14 :

(’.. 10 : Si (quis) recesserit ab Ecclesia catholica in congregationem hacreticorum et alios persuaserit et postea pænitentiam egerit, XII annos pæniteat, IV horum extra ecclesiam et VI inter auditorcs et II adliuc extra commimionem.

De his in synodo dicitur, decimo anno communionem sive oblationem recipiant.

Cil : Si qule a Qde discesserit sine ulla necessitate et postea ex loto animo pa-nitentiam accipit, inter audientes juxta N’iccnaconcilium, III annos extra ecclesiam et VII annos pa-nitcat in ecclesia inter pænitentes et II annos adhuc extra communionem. Wasserschleben, op. cit., p. 189, 190.

Mais il saute aux yeux que les dispositions ci-dessus, si tant est qu’elles aient été jamais appliquées, nous transportent dans un monde tout différent de celui de la discipline canonique occidentale avec son ordo pienilentium. Nous voici revenus aux stations pénitentielles de l’Église d’Orient du ive siècle, telles que les font apparaître les prescriptions synodales et les lettres canoniques. Ci-dessus, col. 804. Théodore, Grec d’origine, a-t-il cherché à introduire en Angleterre une discipline qui était peut-être encore en usage dans sa patrie ? S’est-il contenté de rappeler, par ces textes, des souvenirs archaïques, auquel cas la mention des stations pénitentielles n’aurait pas d’autre sens en son livre que la mention des i jours, quarantaines, et années » de pénitence en nos actuelles formules d’indulgence ? L’une et l’autre hypothèses peuvent se défendre.

Concluons du moins, de ces quelques constatations, qu’il serait exagéré de prétendre que la vieille discipline canonique a complètement disparu dans l’Europe occidentale du viie siècle. Maintenue tellement quellement en Espagne, peut-être en Italie (nous n’avons guère de renseignements sur cette région), elle devait encore jouer, au moins en certains cas, dans les autres pays. Mais l’on voit combien il est difficile de rien affirmer.

/II. la théorie. — 1° D’après les textes contemporains. — Dans les sections précédentes, il nous avait été relativement facile de faire ressortir, à l’aide de textes contemporains, l’idée que l’on se faisait des pratiques pénitentielles de l’époque, de leur nécessité, de leur efficacité. Ici, au contraire, nous sommes à peu près à court de documents. Les pénitentiels, souvent bien mutilés, sont très brefs. Relevons au moins, dans celui de Colomban, l’indication liminaire :

Pænitentia vera est pænitenda non admittere, sed admissa deflere. Sed quia hanc multorum fragilitas, ut non dicam omnium rumpit, mensura ? noscendæ sunt pænitentia ? , quarum sic ordo a sanctis traditur patribus ut juxta magnitudinem culparum etiam longitudo statuatur pænitentiarum. Wasserschleben, op. cit., p. 353.

Deux éléments essentiels de la pénitence y sont énoncés : le regret (accompagné de bon propos) et la satisfaction dont on énonce avec beaucoup de précision qu’elle doit être très exactement proportionnée à la grandeur des fautes. Cette idée est reprise avec plus de vigueur en tête de la section suivante, p. 355 : Diversitas culparum diversitatem facit pœnilentiarum. Il faut mentionner aussi le développement final, can. 30 (42) sur la nécessité de la confession, mais sans oublier que la dernière partie du pénitentiel se rapporte exclusivement aux habitants des monastères. Toutefois, posilis ponendis, une partie des idées qui y sont contenues ont une application plus générale.

Confessiones autem dari diligentius præcipitur, maxime de commotionibus animi, antequam ad missam eatur, ne forte quis accédât indignus ad altare, id est si cor niundum non habuerit. Melius est enim exspectare, donec cor sanum fuerit et alicnum a scandalo ac invidia fuerit, quam accederc audacter ad judicium tribunalis ; tribunal enim Christi altare et corpus suum inibi cum sanguine judicat indignos accedentes. Sicuti ergo a peccatis capitalibus cavendum est, antequam communicandum sit, ita etiam ab incertioribus vitiis et morbis languentis anima ? abstinendum est ac abstergendum ante vene pacis conjunctionem et aeternae salutis compaginem. P. 360.