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fil PÉNITENCE. SOLUTIONS DÉFINITIVES, TEXTES THÉOLOGIQUES 912

et avant le mariage. Les diverses questions que poseront les Sententiaires ultérieurs y sont déjà soulevées, et tout particulièrement celle de la nécessité de la confession. Voir Bliemetzrieder, Anselms von Laon systematische Sentenzen, dans les Beitrâge de Cl. Bæumker, t. xviii, fasc. 2-3, Munster-en-W., 1919, p. 120-125.

L’œuvre exégétique si volumineuse de Rupert, abbé de Deutz, près Cologne († 1130), ne contient que peu de chose sur la pénitence. Comme d’ordinaire, c’est dans le commentaire sur le Lévitique qu’il faut chercher, cf. P. L., t. clxvii, col. 781-786 ; dans le commentaire sur Joa., xx, 21, Rupert, qui bloque avec ce passage le texte de Matth., xviii, 18, envisage surtout la rémission des péchés dans le baptême. P. L., t. clxix, col. 810-812.

Exégétique également, l’œuvre de Brunon d’Asti († 1123), évêque de Segni, puis abbé du Mont-Cassin. L’éditeur du xviiie siècle, Bruno Bruni, a dressé la table des endroits des commentaires où se retrouvent des textes relatifs à la pénitence. Voir P. L., t. clxv, col. 1325. On verra, en s’y reportant, que c’est à propos de Lev., vii, 28 sq. (t. clxiv, col. 405 D), xiii (col. 421 sq.), xiv (col. 429 sq.), de Matth., iii, 12 (t. clxv, col. 180), xvi, 19 (col. 214 sq.), de Joa, xx, 21, (col. 596) que l’évêque de Segni exprime ses principales idées sur la matière.

C’est aussi un écolàtre qu’Alger de Liège (t vers 1 131), et qui s’apparenterait davantage aux canonistes qu’aux purs théologiens. Il se distingue toutefois des simples compilateurs par sa préoccupation de ramener à l’unité les textes plus ou moins divergents. C’est l’idée essentielle du Liber de misericordia et justitia, P. L., t. clxxx, col. 859-968. On y trouve bien des choses sur les sacrements ; cf. sur les sacrements administrés par les indignes, I, lxv sq., col. 886 sq. ; sur le caractère public ou secret de la pénitence, 1 1, xxx vi sq., col. 9Il sq. ; sur les sacrements conférés en dehors de l’Église par les hérétiques ou les schismatiques, III, i-lxix, col. 931-961 ; c’est dans cette partie qu’Alger invoque une distinction qui restera fameuse entre les sacramenta dignitatis et les sacramenta necessilatis, c. lv, col. 956 ; parmi ces derniers figure la remissio peccatorum.

On voudrait en savoir davantage sur le compte de ce maître Guillaume à qui Godefroy, abbé de Vendôme († 1132), qui avait été son élève, adresse une de ses lettres. Epist., v, 20, P. L., t. clvii, col. 199. Ce maître aurait enseigné que solummodo quatuor peccata confessione indigebanl, csetera autem a Domino sine confessione sanabantur ; ces quatre fautes étaient error gentilis, schisma fraternum, hæretica pravitas et judaica perfidia ; il en trouvait la preuve dans les explications de Bède sur la façon dont furent guéris les lépreux. Voir ci-dessus, col. 890. Godefroy répond que ces quatre fautes, en effet, doivent être expiées par une confession faite non au prêtre seul, mais à toute l’Église, que les autres péchés, par contre, doivent, eux aussi, être confessés en secret : c’est un principe général, en effet, que tous les péchés et tous les crimes ont besoin de la confession et de la pénitence : nihil hoc cerlius omnia peccata vel crimina confessione indigere et peenitentia.

Faut-il expliquer, par le désir de mettre fin à des discussions comme celles-ci, comme celles dont on trouve le vestige dans Anselme de Laon, l’apparition du fameux opuscule De vera et falsa peenitentia attribué à saint Augustin, qui pourrait bien avoir été mis en circulation vers ce moment ? L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable. Ce traité, qui n’a pas encore été suffisamment étudié pour lui-même, constitue, à n’en pas douter, la plus importante contribution à la théologie de la pénitence qui ait été fournie à la fin du xr ou au début du XIIe siècle. Son influence, étant

donné le grand nom qui le patronnait, a été immense. Amplement cité par Gratien, d’une part, par Pierre Lombard de l’autre, c’est-à-dire par les deux maîtres de l’enseignement théologique médiéval, il imposera, comme étant d’Augustin, des solutions du problème pénitentiel que seule avait rendu possibles une longue évolution. Texte dans P. L., t. xl, col. 1113-1150. Trois thèses le résument : La première est relative à la possibilité de la pénitence ; elle vise ceux qui déclarent qu’il n’y a pas de pénitence après le baptême. Cette pénitence — et l’auteur ne fait pas de distinction entre repentir et sacrement — peut se répéter indéfiniment ; cela est conforme, dit-il, aux plus anciennes habitudes de l’Église. La seconde thèse soutient, en se fondant sur des textes de bon aloi, que, sans la pénitence (il s’agit sans doute du repentir, mais tout autant de la pénitence ecclésiastique, du sacrement, comme nous dirions), le pardon des péchés ne peut être obtenu. La troisième assertion, celle qui, aux yeux de l’auteur, a, sans aucun doute, le plus d’importance, est relative à la confession. Pour la nécessité de cet aveu, qui est la manifestation extérieure du repentir, s’accumulent lespreuves, déjà classiques depuis Alcuin : commandement fait aux lépreux de se montrer aux prêtres, intervention des apôtres pour délier Lazare de ses bandelettes, texte de Matth., xviir, 18, sur le pouvoir des clefs. La confession est tellement nécessaire qu’à défaut de prêtre il faut se confesser au prochain. Dans ce cas, bien que celui auquel on s’adresse n’ait pas le pouvoir de délier, le désir qu’a le coupable de révéler ses fautes à un prêtre opère linalement le même résultat. Posée cette nécessité de la confession, l’auteur passe à l’examen des questions accessoires : publicité ou caractère privé de la pénitence, suivant que la faute est occulte ou publique ; nécessité de déclarer les circonstances du péché, lieu, temps. durée, personne, etc. ; impossibilité de s’adresser successivement à deux prêtres, à chacun desquels on révélerait seulement une partie de ses fautes, la confession constitue un tout moral que l’on ne peut diviser. — L’opuscule se termine par des remarques sur les obligations ultérieures des pénitents, qui font songer aux vieilles dispositions canoniques ; sur les diverses causes du péché ; sur l’erreur commise par ceux qui remettent la pénitence au dernier moment : sur les peines d’outre-tombe qui devront expier ce que le pécheur n’aura pas expié ici-bas. En somme, il ne s’en faut de guère que toutes les questions importantes relatives à la confession ne soient ici traitées. L’auteur n’est certainement pas le premier venu. Fut-il un faussaire au sens propre du mot, comme le furent, au ixe siècle, les fabricateurs des Fausses Décrétâtes ? est-ce lui qui a mis le nom d’Augustin en tête de ses élucubrations ? ce nom a-t-il été ajouté par un scribe anonyme’.' Autant de questions qui demanderaient une réponse avant que l’on puisse porter un jugement sur le caractère de ce travail. Mais ce qui demeure incontestable, c’est que l’auteur avait l’intention ferme de fixer, sur un point important, la doctrine de l’Église.

De ce traité pseudo-augustinien, on rapprochera une lettre à Fortunatus faussement attribuée à saint Augustin et qui, après avoir figuré sous forme d’extraits dans le Décret et la Panormie d’Yves de Chartres, a finalement trouvé place dans Gratien, Dist. IV. c. 21 et 36, de consecr. Intéressante pour l’histoire du baptême conféré par les laïques et de la confession aux laïques, elle a popularisé l’idée qu’en cas de nécessité tout chrétien peut entendre les confessions comme il peut baptiser. L’idée est, en somme, la même qu’exprimait sous une forme plus scolastique, le De vera et falsa pœnitentia.