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PENITENCE. LA DOCTRINE AVANT SAINT THOMAS


tient déjà dans te Commentaire sur les Sentences. In I Vum Sent., dist. XVIII, q. i, a. 3, sol. 1. Cf. Galticr, op. cit., n. 192.

En réalité, les théologiens antérieurs à saint Thomas, malgré leur fidélité à la conception d’un sacrement du pardon, où la contrition était le seul élément rémissif des fautes, « sentaient, aussi bien que nous, combien il était difficile d’appeler sentence de pardon une pure déclaration d’innocence, bien plus, une déclaration non garantie contre l’erreur, et combien cette déclaration était vaine aussi bien que la confession qui la provoquait, quand il s’agissait de péchés secrets. Logiquement, ils auraient dû en arriver, comme les protestants et modernistes, à nier tout simplement que Jésus ait conféré à son Église un vrai pouvoir de rémission des péchés et à enseigner que la confession et l’absolution ne pouvaient être nécessaires que pour la réparation de certains scandales publics. S’ils ne sont pas allés jusque-là, dans leurs premiers essais de théologie, c’est que le dogme de la rémission des péchés par l’exercice du pouvoir des clefs s’imposait à eux, avec la même inéluctable autorité que l’efficacité de la contrition intérieure. L’affirmation de ces deux vérités est, chez eux, aussi nette et aussi constante et, par conséquent, d’autant plus impressionnante que leurs essais de conciliation sont hésitants, variables et souvent maladroits. » E. Hugueny, La pénitence, t. ii, édit. de la Somme thc’ologique, de la Revue des jeunes, Paris, 1931, p. 456.

2. Tous les théologiens que nous avons interrogés admettent que la contrition est requise pour obtenir de Dieu, dans le sacrement de pénitence, la rémission des péchés. Sans doute, quelques-uns ont déjà distingué l’attrition de la contrition. Mais, précisément, ils admettent que l’attrition doit devenir contrition pour que se produise la rémission des fautes (Guillaume d’Auvergne, saint Bonaventure, Alexandre de Halès, Albert le Grand), la mutation de l’une en l’autre étant produite soit ex opère operanlis, soit ex opère operato (Albert le Grand), par l’absolution, dont, en cas de nécessité, le désir peut suffire. C’est la fameuse formule ex atirito fit contritus, voir ici t. i, col. 2256, à laquelle saint Thomas donnera une signification quelque peu différente. De toute façon donc, avant saint Thomas, il y a unanimité pour affirmer que la contrition — celle que nous appelons aujourd’hui la contrition parfaite — est l’élément formellement rémissif du péché dans le sacrement de pénitence, de telle sorte que cette contrition, précédant la confession et l’absolution, remet, même avant l’absolution, la coulpe et la peine éternelle du péché.

Évidemment, eu égard aux progrès subséquents de la théologie sur la suffisance de l’attrition dans le sacrement de pénitence et sur l’efficacité de l’absolution, cette théorie apparaît excessive. Néanmoins, il est nécessaire de constater que, si elle est une explication maladroite du dogme, elle en respecte les données essentielles.

La doctrine catholique, promulguée à Trente, définit tout d’abord la contrition : « une douleur de l’âme et une détestation du péché commis, avec le propos de ne plus pécher à l’avenir ». Puis, sa nécessité : « En tout temps, ce mouvement de contrition a été nécessaire pour obtenir la rémission des péchés. » Enfin, la distinction de la contrition parfaite et de la contrition imparfaite, avec l’effet de chacune d’elles pour le pardon des péchés : « Bien qu’il arrive que cette contrition soit parfaite et ainsi réconcilie l’homme avec Dieu avant la réception du sacrement de pénitence, cependant cette réconciliation ne doit pas être attribuée à la contrition sans le désir du sacrement qui y est inclus. » Et, d’autre part : « Quant à cette contrition imparfaite qu’on appelle attrition, parce qu’elle naît soit de la con sidération de la laideur du péché, soit de la crainte de l’enfer et des peines, si elle exclut la volonté de pécher et est jointe à l’espoir du pardon, le concile déclare que non seulement elle ne rend pas l’homme hypocrite et davantage pécheur, mais même qu’elle est un don de Dieu et un mouvement de l’Esprit Saint non pas encore habitant en nous, mais cependant nous mouvant ; et par ce secours le pénitent s’ouvre la voie à la justice. Et, bien que cette attrition ne puisse par elle-même, sans le sacrement de pénitence, conduire le pécheur à la justification, cependant, dans le sacrement, elle dispose à recevoir la grâce de Dieu. Sess. xiv, c. iv, Denz.-Bannw., n. 897-898. On reviendra plus loin sur cette doctrine. Il suffit présentement de montrer comment l’enseignement des anciens théologiens, malgré son insuffisance, prélude à l’enseignement du concile.

En premier lieu, en effet, il convient de constater que le concept d’une contrition justifiant ex opère operanlis a été consacré par le concile. Mais, là où l’enseignement des anciens théologiens est excessif, c’est quand il requiert, pour la justification sacramentelle, la présence et l’action de la contrition parfaite, et attribue exclusivement à cette contrition la justification de l’âme. Toutefois, ce double excès est corrigé partiellement. Tout d’abord, chez certains auteurs du moins, l’attrition est affirmée comme suffisante pour s’approcher du sacrement (Guillaume d’Auvergne, Alexandre de Halès, Bonaventure, Albert le Grand) ; mais, restant fidèles à l’exagération inhérente au système reçu, ces auteurs affirment que, dans ou même par le sacrement de pénitence, l’attrition doit devenir contrition. De plus, si la contrition est conçue comme le seul principe réalisant par lui-même la justification, même dans le sacrement de pénitence, il n’en est pas moins vrai que cette contrition n’est véritable et ne produit son effet qu’à la condition de renfermer un désir sincère de la confession sacramentelle et de l’absolution sacerdotale. D’où il suit que le rôle des divers éléments du sacrement est entrevu, quoique mal expliqué. On pourrait reprendre sur ce point les réflexions du P. Hugueny, rapportées précédemment.

3. Enfin, la nécessité de la confession, de droit divin, n’est révoquée en doute par aucun de nos auteurs ; elle est même explicitement affirmée, bien que mal présentée. Les expressions sont parfois hésitantes ; le fond de la doctrine est ferme. Voir col. 961. C’est la volonté du Christ qui est à la source de l’institution de la confession. Mais il reste encore à dire que la confession n’a pas été voulue par le Christ et instituée par les apôtres comme une simple condition sine qua non de la rémission des péchés. Il restera encore à montrer que l’aveu des fautes, fait au prêtre pour les soumettre au pouvoir des clefs, résulte de l’essence même du sacrement de pénitence. Cet aspect de la question, à peine entrevu par Guillaume d’Auvergne (col. f 56) et par Innocent IV (col. 959), sera mis en relief, avec les autres points obscurs, par le génie de saint Thomas d’Aquin.

3° Considérées par rapport aux erreurs protestantes qui s’en réclament. — Il ne reste plus qu’à tirer les conséquences des précédentes remarques en montrant combien peu fondée est la prétention des réformateurs du xvi° siècle de trouver, dans ces anciens scolastiques, des précurseurs. La doctrine de la Réforme est que l’absolution du prêtre « est un simple ministère de prédication et de déclaration, que les péchés sont remis au pénitent, pourvu que celui-ci se croie absous par Dieu ». Concile de Trente, sess. xiv, can. 9, Denz.-Bannw., n. 919. Un simple fnudum) ministère de prédication et de déclaration, en tant que la rémission des péchés a pour cause adéquate la foi. ou mieux, la confiance par laquelle chacun se per-