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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.1.djvu/598

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PENTATEUQUE


vées dans les articles précédents et des solutions, provisoires ou définitives, qui en ont été données. Ces questions peuvent se grouper sous deux chefs : critique littéraire, critique historique.

I. Critique littéraire.

S’agissant de livres très

anciens, qui ne portent en tête aucun nom d’auteur et sur l’origine desquels nous ne sommes renseignés que par des indications récentes, et d’ailleurs assez imprécises, la critique de composition doit précéder ici la critique d’attribution.

Critique de composition.

De quelle nature est

cet écrit que nous appelons le Pentateuque ? Sa lecture, de bout en bout, révèle deux choses : une unité très réelle, en même temps qu’une diversité non moins frappante. L’unité ressort d’un plan méthodique qui se poursuit tout le long de l’œuvre. La diversité éclate dans la juxtaposition de morceaux si différents par le style et l’inspiration qu’ils ne peuvent être sortis, dans leur état originel, de la plume du même auteur. Peu sensible dans la Vulgate hiéronymienne ou dans le texte des Septante, cette différence de rédaction est déjà très apparente dans une bonne traduction faite sur l’hébreu ; elle éclate aux yeux des professionnels de la langue originale.

De quelque manière que l’on doive expliquer par la suite la présence de ces pièces d’origine différente, la première tâche qui s’impose, c’est de grouper les morceaux présentant le même caractère. A ce travail, la critique, surtout indépendante, s’est appliquée pendant tout le siècle qui vient de s’écouler. Il serait vain de prétendre que cet immense effort collectif a été sans résultat. Sans doute, on peut penser qu’on a mis parfois trop d’assurance à répartir, entre les divers documents que l’on a été amené à restituer, tel chapitre, tel paragraphe, tel verset, tel fragment de verset. Mais la méthode, appliquée avec persévérance, n’a pas laissé d’aboutir à des conclusions plausibles. En faisant abstraction des hypothèses aujourd’hui périmées, on peut dire que la critique littéraire du Pentateuque établit, avec une probabilité suffisante, l’utilisation, dans cet ensemble de livres, de quatre documents principaux, deux surtout historiques, deux surtout législatifs. Sans rien vouloir préjuger de leurs origines respectives, on peut continuer à les désigner par les quatre sigles acceptés par la presque unanimité des critiques : J (document jahviste), E (document élohiste), P (initiale du mot allemand Prieslercodex = code sacerdotal), D (document deutéronomiste).

Le document D peut être mis d’abord hors de cause ; il se confond, en effet, ou à peu près, avec le livre que nous appelons le Deutéronome. Toutefois, les critiques relèvent, au cours des autres livres, quelques additions ou retouches qui pourraient être de la même main. Tout le nécessaire a été dit sur ceci à l’art. Deutéronome, surtout col. 652-654.

Le document J, qu’il n’est pas toujours facile de dissocier d’avec le document E, forme avec celui-ci la majeure partie du récit historique contenu dans la Genèse, l’Exode et les N’ombres. Voir ce qui concerne l’un et l’autre à Genèse, col. 1189-1193, à Exode, col. 1717-1718. a Nombres, col. 092.

Le document P est essentiellement d’ordre législatif, ou plus exactement d’ordre rituel ; c’est à lui que l’on rapporte la plus grande partie des textes législatifs qui forment la seconde moitié de l’Exode, toul le Lévl tique et la grande masse des Nombres. Mais ! < document en question n’esl pas exclusivement un code ; tes dispositifs sont encadrés dans uni’histoire m 111 retrace à grands traits les destinées de l’humanité et du peuple d’Israël. On en retrouve, dis lors, les traces très reconnaissables dans la Genèse et les parties historiques de l’Exode et « lis Nombres. Voir Genèse, col. 1194 i 195 ; Exodi. col 171* 17)9 : Lévitiqi i,

col. 466-471 ; Nombres, col. 693-695. On a exposé à ces deux derniers articles que le code sacerdotal lui-même n’apparaissait pas comme une unité absolue, mais qu’il convenait d’y relever des traces de législations successives.

Critique d’attribution ou de date.

 Le problème

est double. A supposer qu’il faille reconnaître une existence réelle à chacun de ces documents, peut-on établir quels sont leurs auteurs respectifs ou, du moins, à quelle date il faut les faire remonter ? En suite de quoi il restera à dire par quels soins s’est accomplie leur fusion qui a donné le Pentateuque dans son état actuel.

1. Date de composition des divers documents.

C’est le point où le hiatus éclate entre les critiques ecclésiastiques (surtout catholiques) et les critiques indépendants.

Aux divers endroits ci-dessus marqués on a donné, de façon sommaire, les positions prises par ces derniers et tout particulièrement par les tenants de l’école wellhausienne. J et E, d’après celle-ci, remonteraient seulement au ix° ou au viiie siècle avant l’ère chrétienne ; D, en son état primitif, serait le livre découvert dans le temple de Jérusalem en 622, sous le roi Josias. P, enfin, serait le plus tardif de ces documents ; la comparaison avec Ézéchiel invite à en abaisser la date jusqu’après l’exil ; c’est au moment où, sous l’impulsion d’Esdras, se constitue le judaïsme postexilien que ses dispositions législatives et rituelles auraient pris à peu près leur caractère définitif.

La critique catholique, beaucoup plus respectueuse de la tradition, se refuse à admettre des conclusions aussi radicales concernant l’âge tardif des documents. Elle doit prendre en considération le fait que, de temps immémorial, la Thora a été considérée comme une œuvre se rattachant à Moïse. Il lui paraît donc absolument impossible d’admettre que tous les documents dissociés par la critique se rapportent à des dates notablement postérieures à celle, d’ailleurs assez imprécise (xve -xme siècle), où se situe l’activité du législateur d’Israël. Obligée néanmoins de tenir compte de l’existence des documents, elle les considérera comme étant, du moins en majorité, antérieurs à Moïse ou de son époque. Il n’est pas interdit de regarder comme antérieurs à ce moment les documents narratifs qui racontent l’histoire de l’humanité et des débuts d’Israël. Quant aux textes législatifs, tout invite à en attribuer une nota.de partie à l’activité propre de Moïse, même s’ils présentent entre eux des divergences qui peuvent provenir de circonstances nouvelles. On ne voit pas d’ailleurs pourquoi l’ensemble de la législation serait demeuré immuable après Moïse, et il n’est pas illogique, à roup sûr, d’admettre l’hypothèse que des compléments, des rectifl cations même, y ont été introduits par la suite. C’est le sort d’une législation de s’adapter indéfiniment à des besoins nouveaux et a de nouvelles situations.

Ainsi raisonnent, parmi les catholiques mêmes, les critiques les plus avertis (voir art. NOMBRES, col. 699). Si l’on ajoute, d’autre part, que, dans les milieux indépendants, une réaction se dessine contre les hypo thèses les plus radicales de l’école wellhausienne (voir ibid., col. 690-097), c’est un motif d’espérer que le hiatus, dont nous parlions tout à l’heure, finira bien par se réduire un jour.

2. Date de la fusion des ilirrrs documents. Le pro blême de la formai ion de cet te imite qui s’appelle le Pentateuque, à partir des documents susindiqués. est susceptible, théoriquement, d’un très grand nombre de solutions.

Celle rpie l’on peut appeler classique, dans les milieux indépendants, envisage l’évolution suivante,

Indiquée Ici de manière tout à fait schématique I’i