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PÈRES DE L'ÉGLISE. NOTION


ses ouvrages des prétextes à attaquer l'Église romaine, comme si elle le couvrait : Neque itlum recipi, neque. quemquam quos in auctorilale Palrum non recipit examen catholicæ fulei, nul ccclesiaslicæ disciplina ambiqiiilatem passe gignere, aut religiosis prwjudicium eomparare. Epist., lxx (al. oxxiv), P. L., t. i.xiii, col. 492 13.

Vers le même moment, le décret dit du pape Gélase De libris recipiendis et non recipiendis donne un premier essai de catalogue des auteurs approuvés ou désapprouvés. Après avoir établi le canon des deux Testaments, la liste des sièges apostoliques et celle des conciles, le texte entreprend l'énumération des « œuvres des saints Pères qui sont reçues dans l'Église catholique » : œuvres de Gyprien, de Grégoire de Nazianze, de Basile, d’Athanase, de Jean de Constantinople (Chrysostome), de Théophile et de Cyrille d’Alexandrie, d’Hilaire de Poitiers, d’Ambroisc, d’Augustin, de Jérôme, de Prosper « homme très religieux » (remarquer la présence de ce laïque) ; le tome de Léon à Flavien obtient une mention spéciale. Mais cette énumération n’a rien d’exhaustif, car le texte continue : « de même les œuvres et traités de tous les Pères orthodoxes qui n’ont jamais dévié de l’accord avec la sainte Église romaine, ne se sont point séparés de sa foi et de son enseignement, mais, par la grâce de Dieu, sont restés dans sa communion jusqu’au dernier jour de leur vie, ces écrits, nous déclarons qu’on peut les lire. » Les développements qui suivent sont consacrés aux documents hagiographiques, sur lesquels le texte s’exprime avec quelque précaution. Puis viennent des auteurs sur lesquels sont faites de formelles réserves : Rufin, Origène, Eusèbe de Césarée, dont la Chronique et l’Histoire ecclésiastique ne sont pas entièrement rejetées (usquequaque non dicimus renuendos). Les œuvres d’Orose, de Sédulius, de Juvencus obtiennent un témoignage d’estime, mais ne sont pas mises néanmoins sur le même pied que les Opuscula Patrum. Après quoi vient le premier Index des livres à rejeter : d’abord en bloc tous ceux qui ont été écrits par des hérétiques ou des schismatiques, puis un certain nombre dont il est fait une mention spéciale. Voir le texte dans P. L., t. lix, col. 159 sq., et mieux dans l'édition de E. von Dobschùtz des Texte und Untersuch., t. xxxviii, fasc. 4, 1912. Sur le problème que pose la présence, dans la liste de ces apocrypha, d’auteurs vénérés, comme Cyprien ou Cassien, ou d’auteurs dont les œuvres avaient reçu antérieurement un transeat, voir E. von Dobschùtz, loc. cit., p. 318.

Définition.

Cet emploi du nom, dont on peut

dire que son sens est fixé ne varietur dès le v° siècle, nous permet de poser la définition que nous avons inscrite ci-dessus. Les Pères de l'Église sont bien des écrivains ecclésiastiques de l’antiquité chrétienne qui doivent être considérés comme des témoins particulièrement autorisés de la foi. Chacun des mots de cette définition est justifié par les considérations qui précèdent.

Nous avons affaire avec des « écrivains ». Sans doute l’usage s’est gardé de donner aux évêques réunis en conciles, soit particuliers, soit généraux, le nom de « Pères ». On dit encore les Pères de Trente, les Pères du Vatican. Les « Pères » s’opposent alors aux autres personnages, qui jouent dans l’assemblée un rôle secondaire et n’ont pas voix délibérative : théologiens et autres. Mais, quand l’on parle de « Pères de l'Église », l’usage actuel, conforme d’ailleurs à celui de Vincent de Lérins, entend des personnages dont l'écriture nous a gardé le témoignage.

Ces écrivains sont ceux de l’antiquité chrétienne. Nous aurons à déterminer tout à l’heure quand finit cette antiquité. Remarquons ici qu’en faisant inter venir dans l’idée de « Pères » le concept d’antiquité, nous nous montrons plus exigeants que les ancien'.. Cyrille d’Alexandrie n’hésitait pas à citer à Éphèse des Pères dont la mort remontait à quelques années : Augustin invoquait le témoignage de Jérôme, qui venait à peine de fermer les yeux. Vincent de Lérins ne semble pas attacher d’importance spéciale à l’antiquité. C’est un peu plus tard, semble-t-il, que ce facteur a pris quelque relief. Majore longinquo reverentia. II est certain que, sur un point du dogme qui est contesté par des adversaires et traité par eux de nouveauté, telle déposition d’un écrivain très ancien est d’une particulière gravité ; elle montre que la vérité mise en doute était admise dès le berceau de l'Église.

Ces écrivains anciens sont considérés comme des témoins de la croyance de l'Église. Si leurs affirmations sont ex professo, elles sont tout spécialement à retenir ; si ce sont des obiter dicta, elles ne laissent pas de devoir être prises en considération.

Ces témoins sont particulièrement autorisés. Cette autorité spéciale leur vient de ce que, dans l’ensemble de leurs œuvres, et quoi qu’il en puisse être de certains points de détail, ils sont d’accord avec l'Église. Celleci non seulement ne trouve rien à redire à l’ensemble de leurs écrits, mais elle y perçoit comme dans un miroir, le reflet de sa propre doctrine.

C’est par quoi les Pères se distinguent des simples « écrivains ecclésiastiques », à qui manque proprement cette autorité particulière. La distinction, nous l’avons vu, était déjà dans Vincent de Lérins ; elle est à la base des catégories faites par le Décret de Gélase. Que, dans la pratique, il ne soit pas toujours facile de dire si tel auteur doit être rangé parmi les Pères ou parmi les simples écrivains, c’est une autre question. En tout essai de classement, il y a des difficultés.

3° Notes auxquelles se reconnaît un Père de l'Église. — Les théologiens ont précisé les notes qui caractérisent un Père de l'Église, et il les ont ramenées à quatre : l’orthodoxie de la doctrine, la sainteté de la vie. l’approbation de l'Église, enfin l’ancienneté. L*n bref commentaire complétera l’explication de la définition ci-dessus.

1. Orthodoxie de la doctrine. — Cela ressort de ce qui a été dit : un écrivain ne peut être sans cela un témoin autorisé de la foi de l'Église. Mais il n’est pas absolument indispensable que cette orthodoxie se marque dans tous les détails. Il est, dans la doctrine chrétienne, plusieurs points qui n’ont été définitivement réglés qu’après un certain temps, souvent après des discussions assez vives. On ne fera pas grief à un Père de n’avoir pas observé toute l’exactitude voulue dans l'énoncé de doctrines qui n’ont été précisées qu’après lui, d’avoir adopté, dans une controverse, telle position qui s’est ultérieurement classée comme fausse. Saint Irénée était millénariste ; saint Augustin n’est pas arrivé à se faire une opinion sur l’origine de l'âme ; saint Jérôme a rejeté les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Rien de tout cela n’empêche de considérer ces personnages comme des Pères de l'Église, et les deux derniers comme des docteurs, c’est-à-dire comme des Pères d’une autorité exceptionnelle. Voir l’art. Docteurs de l'Église.

2. Sainteté de la vie.

Ce que les Pères enseignent, ce n’est pas une doctrine quelconque, c’est la « science du salut ». Cette science ne s’acquiert pas seulement par la pure spéculation. Pour la pénétrer, il faut que l'âme, se dépouillant de ses préjugés, s’ouvre largement aux inspirations de la grâce. L’union à Dieu, la vie intérieure, la sainteté apparaissent ainsi comme la garantie d’une compréhension plus exacte des choses célestes. Mais il ne faut pas exagérer. Les exigences de l’antiquité chrétienne en cette matière étaient d’un autre ordre que celles qui se font jour dans nos