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de Benoît XIII. C’est la même attitude que maintient l’élit dans la grande assemblée du clergé convoquée en novembre. Membre de l’ambassade envoyée à Marseille auprès de Benoît XIII et a Rome auprès de Grégoire XII, à l’été de 1 107, Jean Petit prononce, à Home, une harangue pour l’extinction du schisme.

Mais Jean Petit est surtout connu par l’apologie qu’il lit de l’assassinat perpétré par Jean sans Peur, duc de Bourgogne, sur son cousin Louis, due d’Orléans, frère de Charles VI. Comme cette apologie a donné lieu à de très vifs débats théologiques, il convient d’en parler avec quelque détail ; c’est, en effet, la première fois que fut soulevée la question de la légitimité du tyrannicide ou, si l’on veut, de l’assassinat politique.

On connaît les faits. Le 23 novembre 1407, dans la soirée, le duc d’Orléans est assassiné en plein Paris. Le 25 novembre, l’enquête, menée rapidement par le prévôt, aboutit à l’inculpation de Jean sans Peur. Le duc s’enfuit aussitôt, tandis que la veuve de Louis venait, en décembre, demander justice au roi, qui, pour lors, se rétablissait. On lui promit pleine et prompte justice ; mais, dès janvier 1408, il devint évident que le duc de Bourgogne ne serait pas inquiété. Le 28 février, payant d’audace, il se présente à Paris avec une forte escorte, entendant bien défendre son « honneur ». Il s’en était remis aux bons soins de Jean Petit, appelé à Amiens à la fin de janvier. Le 8 mars, en une audience solennelle, en présence du roi, du dauphin, des oncles du roi et d’un auditoire soigneusement trié, Jean Petit, pendant quatre heures d’horloge, lut une longue apologie de l’assassinat de Louis d’Orléans. Le discours fut répandu ultérieurement : La justification du duc de Bourgogne sur la mort du duc d’Orléans ; il est dans Gerson, Opéra, t. v, éd. E. du Pin, Amsterdam, 1706, col. 15-42. Prenant comme texte les mots Radix omnium malorum cupiditas, il montrait que la convoitise mène au crime ceux qui en sont possédés, elle fait du prince un tyran qu’il est licite de détruire. Or, le duc d’Orléans fut « vrai tyran ». Jean avait donc le droit et le devoir de le détruire. De ce discours, il reste des copies d’un caractère on peut dire officiel dans le ins. franc. 5733 de la Bibl. nat. de Paris, le ms. 2657 de la Staatsbibl. de Vienne, le ms. S 78 du musée de Chantilly. Le texte donné par Monstrelet, Chroniques, éd. Douët d’Arcq, 1. 1, p. 177 sq., le seul cité jusqu’ici, est très défectueux. C’est sur lui qu’a été faite par E. du Pin la traduction latine insérée dans l’édition des Œuvres de Gerson, ci-dessus.

Déclaré innocent, le duc de Bourgogne ne jouit pas longtemps de son triomphe ; à l’été, la duchesse d’Orléans obtenait la réhabilitation de son mari, en une séance solennelle (Il septembre), où Thomas du Bourg, abbé de Cerisy, répondit à la Justification du duc de Bourgogne. Sur le thème : justifia et judicium prœparatio sedis lux, il développait l’idée que la justice doit se maintenir, non par la violence, mais selon les règles, les lois et les institutions du pays. — Le duc de Bourgogne n’entendit pas en rester là et il chargea Jean Petit de préparer une réponse péremptoire. Une première réplique fut rédigée à Lille, où le docteur avait été convoqué par le duc. La minute même en serait conservée aux archives de la Côte d’Or. B, 11614. Pour cette première réponse, Petit n’avait à sa disposition qu’un cahier, ne lui donnant pas le texte complet de l’abbé de Cerisy. Mais le 18 janvier 1409, il a toutes les pièces en main : « proposition » de l’abbé de Cerisy, « introduction » de Guillaume Cousinat, requêtes présentées au nom de la duchesse. C’est ce qui ressort d’un court mémoire, conservé aux archives de la Côte d’Or, B, 11 892, constituant une réponse à G. Cousinat.

Mais notre docteur travaillait à une réfutation plus complète de l’abbé de Cerisy ; elle fut prête au milieu <le 1 109 : Seconde justification du dur. de Bourgogne. Conservée dans le ms. 10 419 de la bibl. royale de Bruxelles, et le ms. frànç. 5 060 de la Bibl. nat. de Paris ; des extraits sont donnés par O. Cortellieri, Fragmente aus der 2. « Justification du duc de Bourgogne, dans Sitzungsber. der Jleidelberger Akud. der Wissensch., philos. -hist. Klasse, 1914, Abhandl. VI. Cette Seconde justification, qui devait être prononcée publiquement elle aussi, n’a pas vu le jour et ne fut pas répandue comme la première ; elle était devenue sans objet après la paix de Chartres, 9 mars 1409, entre Jean sans Peur d’un côté, le roi et les enfants du duc d’Orléans de l’autre.

Mais Jean Petit, peu satisfait, semble-t-il, de son deuxième factum, voulut reprendre son œuvre pour lui donner une plus grande diffusion. Il l’appela lui-même du titre bizarre : Traitiet encontre les edifieurs de sépulcres, pièce conservée aux archives de la Côted’Or, B, 11614. Ce résumé des deux Justifications précédentes, composé durant la première partie de 1410, expose avant tout la détermination de droit. Il constitue la dernière œuvre connue de Jean Petit, qui mourut soit à Hesdin (Vieil-Hesdin), soit à Arnayle-Duc, le 15 juillet 1411.

Cependant, la paix de Chartres était bien fragile. Dès l’automne 1409, des hostilités nouvelles se préparent. Peu après, la guerre éclate entre Armagnacs et Bourguignons.

Dans la guerre civile, les Armagnacs eurent d’abord l’avantage, c’est alors (en 1413) qu’on commença à attaquer la doctrine de Jean Petit. La famille d’Orléans sollicita de l’université de Paris la condamnation de la Justification du duc de Bourgogne de Petit, mort repentant, à ce qu’on disait, quelque temps auparavant. A la suite de ces démarches, Gerson se prononça très catégoriquement dans un discours solennel, prononcé après la répression de la révolte de Paris, et conjura le roi d’étouffer les erreurs contenues dans la Justification (4 sept. 1413), dans Opéra omnia, éd. Ellies du Pin, t. iv, col. 657-680. Gerson tint un autre discours devant l’université de Paris le 6 septembre 1413. Opéra omnia, t. v, col. 55 sq. En l’un et l’autre, il dénonça sept propositions de Jean Petit comme fausses. La majorité de l’université donna raison à Gerson. Cependant, la faculté des décrets et la nation de Picardie lui suscitèrent la plus vive opposition ; le duc de Bourgogne en conçut une haine mortelle contre le chancelier Gerson, d’autant plus que celui-ci avait été comblé de bienfaits par la maison de Bourgogne. Cependant, le roi, approuvant la proposition de Gerson, demanda, dès le 7 octobre 1413, à l’évêque de Paris, Gérard de Montagu, d’examiner, avec l’aide de l’inquisiteur de l’hérésie et des plus illustres maîtres de la faculté de théologie, certaines erreurs répandues dans le royaume. L’évêque de Paris convoqua un concile qui, du 30 novembre 1413 au 23 février 1414, tint six sessions, dont quelques-unes occupèrent souvent plusieurs jours. Les actes de ce concile se lisent dans Gerson. Opéra omnia, t. v, col. 1-342. Voir aussi des compléments et des annotations dans le Chartul. univ. Paris., t. iv, p. 269-284. On adopta comme point de départ de l’enquête les sept propositions déjà signalées par Gerson comme étant les principales erreurs de Jean Petit et l’on y ajouta cinquante-six propositions erronées. La vi « et dernière séance (23 févr. 1414), qui se tint au palais épiscopal de Paris, fut très nombreuse et solennelle. Après un discours préliminaire, l’évêque de Paris et l’inquisiteur. Jean Polet, O. P., juges compétents et désignés par le roi, prononcèrent solennellement la sentence. La thèse de Jean Petit, intitulée : Justification du duc de Boui-