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PFLUG (JULI1 1368

deux partis. Pflug assiste au colloque de Leipzig, en 1534. Le duc Georges lui marque sa faveur en lui obtenant un canonicat à Mâyence et le litre de doyen à Meissen. Il cherche à le faire nommer évêque de Mersebourg en 1 53/). Pendant ce temps, la réforme luthérienne s’installe à Meissen et l’oblige à se réfugier a Zeitz. De là. les progrès du luthéranisme au diocèse de Naumbourg le font partir pour Mavencc.

Le 6 janvier 1541, l’évêque de Naumbourg mourail à Frcising. Immédiatement, le chapitre choisit Pflug pour lui succéder. Mais l’électeur de Saxe ne l’entend pas ainsi. PIlug, du reste, hésite à accepter l’élection. Le Il septembre, l’électeur faisait occuper la cathédrale de Naumbourg par un prédicant luthérien. Medler ; puis il s’entendait avec la noblesse et les villes du diocèse, pour faire accepter un homme de son choix. Cet homme était Nicolas Amsdorf, partisan déclaré de Luther, qui le consacra évêque, lui-même, le 20 janvier 1542, « sans beurre, huile, onction, chrême, encens, charbons et autres choses saintes de cet acabit », disait-il. Dans l’intervalle, le 15 janvier 1542, Pflug, comptant sur l’appui de l’empereur, avait accepté l’élection dont il avait été l’objet. Il porta la défense de ses droits devant les diètes de Spire, 1542, Nuremberg, 1543, Spire, 1544, Worms, 1544. L’empereur soutenait sa cause. Mais l’électeur ne cédait point. Il fallut la guerre de Smalkade et la victoire de Miihlberg, en 1547, pour lui faire lâcher prise. Pflug put prendre possession de son évêché, dès 1546, fut de nouveau chassé, mais revint en 1547. Pflug avait déjà montré, au colloque de Ratisbonne, 27 avril22 mai 1541, ses talents de diplomate et de théologien conciliateur. Après sa victoire, Charles-Quint se servit encore de lui pour établir V Intérim d’Augsbourg, du 15 mai 1548, c’est-à-dire une Constitution provisoire réglant lès questions religieuses en Allemagne, jusqu’aux décisions du concile de Trente.

De toutes ses forces, Pflug travailla à imposer cet Intérim, que Rome repoussait, aussi bien que les protestants. II s’efforçait par ailleurs de regagner son diocèse à la vraie foi et d’y instituer un séminaire. Il fit une apparition au concile de Trente, en 1551, alors qu’on traitait des sacrements. Mais sa santé et ses tendances concessionnistes le portèrent bientôt à quitter le concile sous un prétexte honorable. Le revirement politique de Maurice de Saxe, en 1552, les revers de l’empereur le chassèrent de son diocèse, sans le faire renoncer à son rêve de paix et d’accord. Ce sera à lui que sera adressé le bref de Pie IV, en date du 16 avril 1564, accordant, passagèrement, le « calice laïque » à certains diocèses allemands. Ce fut sa dernière satisfaction. Il mourut le 3 septembre 1564. Son corps repose à Zeitz, et la bibliothèque de cette ville garde, manuscrits, la plupart de ses nombreux écrits.

II. Doctrine.

Deux choses seulement ici nous intéressent : les concessions doctrinales et disciplinaires préconisées, à l’égard des protestants, par cet humaniste bienveillant, égaré dans la théologie.

Lorsqu’il fut nommé par l’empereur commissaire catholique au colloque de Ratisbonne, avec Jean Eck et Gropper, Calvin, écrivant à Farel, donna cette appréciation assez juste à son sujet : « Jules (Pflug) est un homme éloquent et cultivé dans les sciences humaines, mais fort peu exercé à la théologie, par ailleurs ambitieux et flairant le vent (aurse captator), de vie pure du reste. Comme il ne possède ni la rectitude de l’intelligence, ni la fermeté du caractère, empêché qu’il est par son ambition, songe à ce que l’on doit en attendre. » Herminjart, Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, t. vii, Paris-Genève, 1866 sq., p. 89.

De fait, voici le texte adopté par le colloque, où

Mélanchthon, Bucer et Pistorius représentaient les

doctrines nouvelles : « C’est une doctrine sûre et saine que le pécheur est justifié par la foi vive et efficace. (/est par elle que nous sommes agréables à Dieu, a cause du Christ. Et nous appelons foi vive une motion de l’Esprit-Saint, par laquelle ceux qui se repentent vraiment de leur vie passée sont élevés vers Dieu et appréhendent véritablement la miséricorde promise dans le Christ, en sorte qu’ils sentent vraiment qu’ils ont reçu de la bonté gratuite de Dieu, par le mérite du Christ, la rémission des péchés et la réconciliation. et crient a Dieu : Abba. Père ! ce qui, toutefois, n’arrive a personne sans que soit infusée, en même temps, la charité guérissant la volonté de telle sorte que cette volonté guérie, comme le dit saint Augustin, commence à accomplir la Loi. La foi vive est donc celle qui appréhende la miséricorde dans le Christ et croit que la justice qui est dans le Christ lui est imputée gratis et qui reçoit en même temps la promesse de l’Esprit-Saint et la charité. De telle sorte que la foi justifiante est cette foi qui est efficace par la charité. Mais il reste vrai que nous sommes justifiés par cette foi, c’est-à-dire reçus par Dieu et réconciliés avec lui, en ce sens qu’elle appréhende la miséricorde et la justice qui nous est imputée à cause du Christ et de son mérite, mais non à cause de la dignité ou de la perfection de la justice qui nous est communiquée dans le Christ. Mais si le justifié reçoit la justice et la possède même en lui-même inhérente par le Christ, …cependant l’âme fidèle ne s’appuie par sur elle, mais seulement sur la justice du Christ qui nous est accordée et sans laquelle il ne peut y avoir et il n’y a aucune justice. En sorte que nous sommes justifiés par la foi dans le Christ, c’est-à-dire nous sommes réputés justes, en d’autres termes, reçus par Dieu pour ses mérites à lui et non pour notre dignité ou nos œuvres… »

Ce texte torturé est le type des formules imprécises où se sont, de tous temps, complu les hommes qui sont moins attentifs à la rigueur et à la clarté de la doctrine qu’à la paix religieuse extérieure. Pflug est évidemment un semi-luthérien, comme Eusèbe de Nicomédie était semi-arien. La formule laborieusement élaborée, que l’on vient de lire, ne fut approuvée ni par Rome, ni par "Wittemberg. Adoptée le 2 mai 1541 (voir le texte dans Corpus reformatorum, t. îv. p. 200), elle fut déjà repoussée par Luther le 10 ou Il mai (Luthers Briefivechsel, éd. Enders, t. xiii. p. 341), parce qu’elle impliquait une grâce inhérente, la guérison de la volonté, l’efficacité de la foi qui agit par la charité. Luther s’en tenait à sa formule catégorique : l’homme est justifié par la foi sans les œuvres.

La formule de Ratisbonne fut d’autre part condamnée, en consistoire, à Rome, dès le 27 mai, sur la proposition de Cervini et de Carafa, parce qu’elle omettait toute mention du mérite.

Les deux autres concessions importantes de Pflug ne portent que sur des points de discipline : mariage des prêtres et « calice laïque », c’est-à-dire communion sous les deux espèces, pour les fidèles comme pour le prêtre. Il les fit introduire dans V Intérim d’Augsbourg. L’article 18, du c. xxvi de cette constitution autorise les prêtres mariés à conserver leurs épouses, jusqu’à la décision du concile de Trente, tout en proclamant le célibat supérieur en soi au mariage et désirable poulies clercs. De même, les articles 20 et 21 du même chapitre autorisaient l’usage de la communion sous les deux espèces, sauf ratification par le concile, tout en maintenant la légitimité de la communion sous une seule espèce (art. 21 et 22).

Pflug mourut dans ses illusions. Le rapprochement des esprits ne tenait pas à si peu de chose. Il valait