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PÈCHE. PÉCHÉS DE LA SENSUALITÉ


mot de « sensualité », tombent sous l’appréciation que nous venons de dire.

La doctrine que nous venons d'évoquer n’est point passée sans vicissitudes dans la théologie postérieure. Il n’y a lieu de relever ici que les principales d’entre celles-ci. On est d’abord favorable à cette notion d’un péché de la sensualité, telle que saint Thomas l’avait entendue : ainsi Durand de Saint-Pourçain, In IIum Sent., dist. XXIV, q. v, éd. de Lyon, 1556, p. 149c, Capréolus, In II<" m Sent., dist. XL, a. 3, ad arg. Durandi contra l hm eoncl., éd. de Tours, t. iv, 1903, p. 459. Cajétan se rallie nettement à la même opinion et il passe chez des théologiens postérieurs, comme B. Médina et Vasquez (loc. infra cit.), pour l’auteur de la doctrine sur la participation de la liberté dans l’appétit sensible. In / am -/7 îe, q. lxxiv, a. 3-4 ; cf. In l& m -II £, q. i.xxx, a. 3, où il promet de poursuivre plus loin le débat ; mais à l’endroit annoncé, III a, q. xli, il oublie de revenir sur cette question.

Un texte du concile de Trente, comme les théories abusives de la concupiscence qu’il condamnait, obtient, semble-t-il, une influence marquante sur cette tradition théologique, soit que plusieurs l’abandonnèrent, soit qu’elle ne se perpétua qu’avec des affaiblissements chez ceux qui la soutinrent. Le concile enseigne (sess. v, Decretum super peccato originali, can. 5) que la concupiscence demeurant chez le baptisé n’est pas un péché, et que cette concupiscence, qui nous est laissée pour le combat, ne saurait nuire à qui n’y consent pas, mais y résiste par la grâce de Jésus-Christ. En vérité, cet enseignement n’atteignait en rien la doctrine que nous avons rapportée, laquelle, on a pu le voir, fait abstraction de la qualité morale de la concupiscence habituelle, comme elle ne dénonce un péché de la sensualité que pour avoir observé une défaillance, quoique antérieure à toute délibération. de la raison en cet empire qu’elle délient sur l’appétit sensible ; il est par ailleurs certain qu’au moment où la raison se reprenant combat ce mouvement déréglé, le péché cesse, et quand même l’appétit inférieur résisterait à cette opposition.

Contre H. Médina, I a -ll a ', q. lxxiv, a. 3. éd. de Venise, 158(1. p. 388-390. contre Vasquez, IMI », disp. CIV, c. i, éd. cit. p. 599-600, contre Suarez, Tract, de vitiis et peccatis, disp. V, sect. v, éd. Vives, t. iv. 1856, p. 562-563, et plusieurs autres, les carmes de Salamanque, assurés du sens authentique du texte conciliaire, ont vigoureusement défendu et savamment expliqué cette doctrine de saint Thomas. Disp. X. dub. h. Ils ont mis tout leur soin a éclairer cette participation du volontaire dans l’appétit sensible, qui es| le fondement véritable de la thèse ; pur quoi il est facile fl écarter les conséquences, eu ellct inacceptables, que les adversaires liraient de ce principe, celle-ci notamment que, dans le cas ou la Sensualité infligerait une opposition à la laison prétendant la détourner d’un objet déréglé, il y aurait a la f >is mérite et péché dans l'âme : mérite pour l’acte de la raison, péchépout la résistance de la sensualité. Mais quand ils entreprennent (ibid., dut), un. et à juste raison, de marquer les limites où doit s’entendre la doctrine de suint Thomas, ces commentateurs exceptent de la moralité non seulement les mouvements de l’appétll sensible

que l’on peut appeler nat urels. mais eeu là encore qui, évilables en eux mêmes, surfissent a l’instl de la raison et auxquels celle ci. distraite ou occupée, n’est pas attentive.

En cela, ils restreignent, croyons nous, la pensée authentique de saint Thomas, pour qui même les mouvements imprémédités, (liez un sujet en pusses siou actuelle de sa liberté, a moins qu’ils ne soient par nature inévitables, prennent valeur morale. Comme il leur advient en des occasions pareilles, les

carmes de Salamanque en sont ici réduits à solliciter en leur faveur des textes qui ne sont pas pour eux, comme le si prsesentiat de saint Thomas, Sum. theol.. I a -II ; e, q. lxxiv, a, 3, ad 2um, que la suite impose d’entendre d’une faculté que l’on avait de prévenir le mouvement déréglé et non d’une excuse à l’inattention ; comme un endroit de Capréolus (tiré du texte mentionné ci-dessus), où cet auteur, il est vrai, soustrait au genre moral les mouvements naturels de l’appétit sensible, mais n’invoque pas le moins du monde l’inattention de la raison. En introduisant cette considération, les carmes de Salamanque reviennent, en dépit de leur conclusion précédente, à cette pensée qu’une influence actuelle de la volonté, au moins selon un mode interprétatif, est nécessaire au péché de la sensualité. De Gonet, qui les imitera en ce point, comme il les avait justement imités sur la thèse principale (CJypeus, t. iii, tract. V, disp. V, a. 2-3, éd. de Lyon, 1681, p. 395-401), Contenson. qui ne tient pas pour le péché de la sensualité, pourra blâmer ironiquement l’inconséquence. Theol. mentis et cordis, De peccatis. diss. II. c. i, éd. Vives, t. m. 1875, p. 330342. Selon cette restriction que nous critiquons, il ne resterait point d’avantage à l’homme vertueux qui. s'étant soumis par l’etïort de sa raison son appétit sensible, ne subirait plus qu’un nombre relativement restreint de mouvements déréglés, sur l’homme négligent qui en subirait beaucoup mais sans y avoir pris garde, puisqu’aussi bien ils ne seraient pas chez lui des péchés. Saint Thomas tient au contraire que les péchés non délibérés de l’homme vertueux (car ils sont péchés en lui comme en quiconque) sont moins graves, toutes choses égales d’ailleurs, comme étant plus inévitables et plus rebelles aux précautions de la raison : nous l’avons dit ci-dessus. Il est une certaine responsabilité dans l’indiscipline de l’appétit sensible que fait valoir la doctrine de saint Thomas et dont il n’est plus tenu compte chez ces commentateurs. Avec leur interprétation, les carmes de Salamanque ont contribué à accréditer la distinction des motus primo-primi et des motus secundo-primi telle qu’on l’entend encore de nos jours. Saint Thomas connaissait bien cette distinction, mais, sous le premier membre, il entendait les mouvements naturels, dus à une altération organique, sous le second, les mouvements de sensualité propre-, ment dits. In II"'" Seul., dist. WIY. q. m. a. 2 : cf. Qiuest. disp. de malo, q. ri, a. 6, ad 8um. En Introduisant sous le premier membre tous les mouvements Imprévus, quelle qu’en soit l’origine, pour ne réserver le péché de sensualité qu’aux cas de semi -délibération ou de semi-attention, on déplace très notablement et l’appréciation morale et l’analyse de l’acte humain.

telles que les avait liées saint Thomas.

Plus hardi, mais aussi plus conséquent que les carmes de Salamanque, Billuart, qui peut citer pour lui Contenson (loc cit.) et Sylvius (I » -II « , q lxxiv,

a. 3. éd. d’Anvers, 1584, p. 338 344), énonce sa posi lion en ces termes : Aucun pêche, au sens formel. même Véniel, ne peut être dans et du seul appétit sensible, sans une Influence actuelle, au moins interprétative, de la Volonté. » De peccatis, diss IV, a. 2, éd. cit.. t. iv, p. 320. Avec le mol <ii<lucl. c’est échapper a la thèse de saint Thomas. Nous ne différons que par le

seul moi de consentement Interprétatif, proteste

Billuart. Non pas ; sans compter que saint 'Thomas a écarté le mot (Dr VeritOie, q. XXV, a 5, i « l "'um >, toute la doctrine est ici engagée, Billuart ne reconnaît aucun

péché là oii le mouvement sensible est excité a ant toute attention de la raison h consomme la rupture entre

saint Thomas et ses plus lidèles commentateurs, la thèse en prévaut encore, el les plus thomistes de nos

manuels l’ont adoptée : ainsi Prummer, Monnaie thee loglm matait », i i, n 26 Mais un retour se dessine <