Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1945

pierre lomuahd. vie

L946

par l’analyse de leur contenu, que Pierre Lombard prend intimement contact avec les idées de l'école victorine et de celle d’Abélard, comme on le dira plus loin.

t’n renseignement de Gerhoch de Reichersberg sur le Commentaire de saint Paul, en 1142-1143, un autre de Jean de Salisbury sur le rôle de Pierre Lombard au concile de Reims contre Gilbert de la Porrée en 1148, une recommandation du pape Eugène III pour une prébende en 1152, avec, un voyage à Rome à la même date, sont les seuls témoignages externes que nous ayons pour cette période de vingt années. Il faut y ajouter quelques traits qui se dégagent de son œuvre et qui aident à reconstituer son act ivité professorale ou oratoire. Passons rapidement en revue ces témoignages dont il faut fixer la chronologie et préciser la portée.

La première en date de ces mentions est des plus précieuses, car elle nous affirme qu’en 1142-1143 déjà, c’est-à-dire six ou sept ans après son arrivée à Paris, la réputation de Pierre Lombard s'était répandue jusqu’en Bavière. Le combatif Gerhoch de Reichersberg. toujours aux aguets pour dépister quelque hérésie ou quelque erreur théologique dans l’enseignement des écoles de Paris, rangeait à ce moment Pierre Lombard parmi les maîtres en vue. Il dit, à propos d’une confusion entre Ambroise Autpert et Ambroise de Milan : Quidam pillant… nescientes in œquivocatione deceptos magnos quoque magistros, qui suis glosis in Aposlolum falsitatem hanc inseruerunt, quorum præcipui sunt magistri (sic) Anselmus et magister Gillibertus et novissime Petrus Longobardus. Libellus de ordine donorum sancti Spir., dans Mon. Germ. hist., Libelli de lite, t. iii, 1897, p. 275, lig. 40. Le témoignage de Gerhoch porte sa date, car l'écrit qui le contient est le discours ou la dissertation faite devant quelques cardinaux, pendant son second voyage à Rome, en 1142, et les noms de deux des destinataires auxquels s’adresse la préface disparaissent des documents à partir de la fin du mois de mai 1143 ; en outre, Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers en 1143 et nommé ailleurs episcopus par Gerhoch, ibid., p. 275, lig. 41, et Liber de novitatibus, c. xxetxxv, ibid., p. 301, lig. 25 ; p. 303, lig. 34, et p. 288, est encore introduit cette fois avec le titre de Magister. II n’y a pas lieu d’examiner de plus près l’attribution erronée à Ambroise Autpert d’un texte qui vient en réalité de Y Ambrosiaster (cf. P. L., t. xvii, 1845, col. 410) ; contentons-nous de dire que Pierre Lombard cite en effet ce passage à propos de Philipp.. il, 9, In omnes D. Pauli apost. epistolas collectanea. P. L., t. cxcii, col. 237 13, en l’attribuant à saint Ambroise, ce qu’il fait encore dans Sentent., t. III, dist. XVIII, 3, édit. Quaracchi, t. ii, p. 631 ; P. L.. t. cxcii, col. 793-794, mais sans aucunement mériter de ce chef le reproche d’hétérodoxie. Des textes de Jean Damascène, De fide orthodoxa, t. III, c. m et d’autres cités dans P. L., t. cxci, col. 1307, 1337, etc. dont la traduction par Burgundion de Pise n’a pas eu lieu avant 1115 (voir plus loin), sembleraient devoir infirmer les données chronologiques fournies par la préface de Gerhoch ; mais Pierre Lombard, ou un copiste, peut les avoir ajoutés plus tard, de même que la Glose de Walafrid Strabon s’est fortement enrichie au cours des siècles (voir.1. de Ghellinck, Mouvement théologique du XIIe siècle, p. 127, n. 5, p. 272, n. 2 et p. 346), et rien ne nous dit que les Collectanea sur saint Paul fussent complets déjà dans leur libellé définitif au moment où Gerhoch en eut connaissance. Le contraire plutôt semble établi ; car d’après un souvenir personnel d’Herbert de Boseham, disciple du maître, illustris doctor qui horum fuit glosator et meus in hac doctrina institulor prsecipuus, et qui remaniait les gloses des psaumes et des épîtres pauliniennes à l'époque du martyre de saint Thomas Becket (29 décembre 1170),

Pierre Lombard n’avait pas encore fini de revoir et de corriger son œuvre au moment de sa nomination au siège épiscopal de Paris : la déclaration d’Herbert. prise à sa préface qui dédie son travail à Guillaume aux Blanches-Mains, encore archevêque de Sens, est antérieure à 1176, date de la nomination de Guillaume à Reims. Ms.de Cambridge, Trinity Collège, 750, Prima pars Psalterii Glosati sec. Ilerb. de lioseham, fol. 1 v".

D’après ces témoignages, il semble bien que Pierre Lombard occupait déjà une chaire à Paris et, très vraisemblablement, à l'école Notre-Dame, comme le dit Déni fie et, après lui. les éditeurs de Quaracchi. Die Universitaten des M. A. bis 1400, t. i, p. 679. n. 83. cl 657, n. 16 ; Sentent., éd. Quaracchi. t. i, p. xiii. Rien n’appuie les affirmations de quelques auteurs comme du Boulay, Historia universit. Paris., t. ii, p. 249, du Molinet, Bibliothèque SainteGeneviève, ms. II. Fr. -'/, p. 580 (cf. P. Féret, qui en cite plusieurs extraits dans La faculté de théologie de Paris. Moyen Age, t. i, Paris, 1891, p. xii et vi), Cave, Script, eccles., t. ii, p. 2^o, et Féret, ibid., p.xii, n. 4 et p. 15, qui parlent de l'école Sainte-Geneviève. On doit mentionner aussi qu'à cette date se préparaient déjà les matériaux et s'élaboraient les questions qui allaient entrer plus tard dans ses / V libri Sententiarum ; car les Collectanea sur saint Paul en contiennent un certain nombre qui reviendront plus ou moins identiquement dans le grand ouvrage de Pierre Lombard ; on peut en voir une liste sommaire dans l’introduction des éditeurs de Quaracchi, t. i. p. xxvi-xxix.

Peu d’années après, son activité professorale, que rehaussent semble-t-il de saines préoccupations pédagogiques, I. I, dist. XIX, c. 10, p. 135, eut l’occasion de s’affirmer avec éclat, car Pierre Lombard figure parmi les Magistri scolares qui doivent juger, sous la présidence du pape Eugène III et devant un certain nombre d'évêques et d’abbés, de la doctrine de Gilbert de la Porrée, au concile de Reims, en 1148, et sans doute aussi à la réunion de Paris qui en est le préambule en 1147. C’est à Jean de Salisbury, bien renseigné sur ce qui touche à Gilbert, son ami, que nous devons ce détail, Histor. pontif., éd. Reginald L. Poole, Oxford, 1927, c. viii, p. 17. En psychologue averti, qui tâche de pénétrer les mobiles des actions, il insinue en même temps une appréciation, qui attribue des vues peu désintéressées à l’animosité de ces Magistri scolares qui suas et aliorum linguas in eum acuebant… ut sic promererentur abbalem. ibid. Ce qui est sûr, c’est que le Maître des Sentences s’occupe longuement des thèses de Gilbert de la Porrée, pour les combattre, dans ses IV libri Sententiarum (voir plus loin) et que sa présence à Reims, remarquée, avec celle d’Adam du Petit-Pont et de Hugues de Reading, par Jean de Salisbury et par Othon de Freising, Gesta Frederici. t. I, c. i.i, proclame le renom dont il jouissait déjà.

Quelque temps après, se place un voyage à Rome dont la date est importante, surtout s’il n’y en a eu qu’un seul, pour la chronologie de la composition des Libri Sententiarum. Dans ceux-ci, en effet, Pierre Lombard relate comme un événement tout récent la traduction du De fuie orthodoxa de Jean Damascène, I. I dist. XIX, 9, t. i, p. 133, n. 181 : Inler Grœcorum doctores magnus, in libro quem de Trinitate scripsit, quem et papa Eugenius transferri fecit. Or, une glose ancienne des Sentences, dont il sera encore question plus loin, conservée dans un manuscrit de Bamberg et attribuée à Pierre de Poitiers, un des plus fidèles disciples du Maître, nous dit que ces textes de Jean Damascène ont été pris à Rome : A libro isto (De ftde orthodoxa) sumpsit magister hanc auctoritatem dum Romæ esset. Ms.de la bibliothèque de Bamberg, Q. VI, 53, fol. 43 v°. D’autre part, nous constatons l’absence de toute citation damascénienne dans deux livres de Pierre Lom-