principe néoplatonicien de hiérarchie descendante',
qui exige une subordination entre les trois personnes. lbid., t. I, col. 377 AC ; cf. col. 207.
Une autre erreur eunomicnne, que combattent les Pères cappadociens, voulait que le croyant pût, dès cette vie, arriver à la connaissance parfaite de Dieu. Eunomius en apportait cette raison que l’essence divine est d’une simplicité telle qu’elle exclut toute distinction, et donc qu’on ne peut connaître un des attributs de Dieu (l'àysvvyjaîa, qui correspond à peu près à Vaseitas des scolastiques) sans le comprendre tel qu’il est. Et puis, disait-il aussi, un chrétien ne peut admettre qu’il soit impossible de connaître l’essence divine. Comment le Fils serait-il encore « la porte », comme le dit l'Écriture, s’il ne conduisait pas à la contemplation du Père. Grégoire de Nysse, Cont. Eunom., t. X, P. G., t. xlv, col. 828 D.
Quelle est la nature de cette « contemplation effrénée », comme l’appelait Grégoire de Nazianze, Orat., xxxix, 8, P. G., t. xxxvi, col. 344 A ? Les critiques, de nos jours, éprouvent quelque peine à l’expliquer. Voir art. Eunomius, t. v, col. 1508 sq. Sans doute Eunomius confondait l’essence divine prise objectivement en elle-même et cette même essence, envisagée abstraitement, et il est permis de voir là, déjà, une conséquence du réalisme platonicien ; de plus, il pensait que les noms, imposés aux choses par Dieu lui-même, traduisent leur nature propre (n’est-ce pas un souvenir du Cratyle ?) et il leur accordait une valeur telle qu’on ne peut, selon lui, connaître le vrai nom de Dieu, sans connaître parfaitement aussi son essence. Mais il est une influence encore dont il faut tenir compte. Suivant un extrait cité par Grégoire de Nysse, Cont. Eunom., t. X, P. G., t. xlv, col. 832 D, l’hérésiarque prétendait que « l’intelligence, voûç, de ceux qui croient au Seigneur peut s'élever au-dessus de tout ce qui est sensible et intelligible, sans s’arrêter même à la génération du Verbe : elle la dépasse, parce que son désir de la vie éternelle la pousse à atteindre le Premier ». Presque tous les traits ici sont plotiniens : Dieu ou le Premier, supérieur même à tout ce qui est intelligible ; le Fils et la génération du Fils (Plotin l’appelle le voûç) ne venant qu’au second rang ; l’intelligence purifiée capable de s'élever au-dessus de l’intelligible, et donc de se dépasser elle-même : la contemplation, à la manière d 'Eunomius, se souvient, à n’en pas douter, des descriptions néoplatoniciennes. Théodoret, Hæret. fab. comp., iv, 3, P. G., t. lxxxiii, col. 421 A ; art. Eunomius, col. 1509 ; Lebreton, Histoire du dogme de la Trinité, t. ii, p. 635, note C.
4° L’apollinarisme, lui aussi, a son principe dans la psychologie platonicienne. « Il y en a, dit Némésius, et Plotin est un de ceux-là, qui, croyant que l’esprit, voGç, est différent de l'âme, <>uyy], prétendent que l’homme est composé de trois éléments, le corps, l'âme et l’esprit. Apollinaire, évêque de Laodicée, s’est mis à leur suite, et sur ce fondement il a construit le reste de sa doctrine. » Némésius, De natura liominis, c. i, P. G., t. xl, col. 504 A, et t. xlviii, col. 1119 B, où le même texte est cité, mais Plotinus y est devenu Photinus. Apollinaire, en effet, devenu trichotomite dans ses derniers écrits (cf. Voisin, Apollinaire de Laodicée, p. 276, 285) enseigne que le Verbe dans le Christ a pris la place qu’occupe l’esprit dans le composé humain et se trouve par conséquent uni aux autres parties par la relation qui les unissait à l’esprit.
Il est vrai qu’il y eut diverses sectes apollinaristes, et Apollinaire lui-même, dit-on, n’aurait pas toujours été du même avis. Socrates, Hist. eccl., II, xlvi, P. G., t. lxvii, col. 364 BC. Il est vrai aussi qu’il a pu subir d’autres influences, en particulier celle de l’aristotélisme. J. Drœseke, Zum Platonismus der Kirchenvaler, dans Zeilschrifl fur Kirchengeschichte,
t. vii, 1885, p. 132-141. Du moins, l’erreur qui porte son nom a pour origine la trichotomie platonicienne ; et c’est ce fondement que ruinent saint Athanase, et saint Grégoire de Nysse, quand ils écrivent « contre Apollinaire ». Cf. Schwane, Dogmengeschichle, t. ii, 2e édit., 1895, p. 293.
5° On peut conclure que les erreurs trinitaires et christologiques proviennent, pour une part importante, de l’intrusion dans le dogme de quelques idées platoniciennes. En ce sens, Platon peut être appelé le père des hérésies. D’ailleurs, il partage cette paternité avec Aristote, les stoïciens et tous les philosophes profanes. La philosophie grecque, surtout celle de Platon, pouvait préparer les esprits ou même leur offrir l’occasion de pénétrer plus avant dans la compréhension des vérités révélées, et de les coordonner : mais elle supposait la révélation et venait ensuite. Certains ont renversé les rôles et fait prépondérante la part de la philosophie. Ils sont hérétiques dans la mesure où, pour expliquer le dogme, ils ont préféré la tradition de Platon à celle des apôtres.
Nous allons le voir mieux encore, à propos de quelques questions particulières.
II. EXAMEN PLUS DÉTAILLÉ DE QUELQUES DOCTRINES PLATONICIENNES ET DE LEUR INFLUENCE. — 1° La trinité. 2° Le monde intelligible (col. 2338). 3° La création (col. 2348). 4° La vie intérieure (col. 2362). 5° La connaissance de Dieu (col. 2372).
I. La trinité platonicienne.
1. La question.
2. La « trinité » platonicienne (col. 2325). 3. La rencontre du dogme avec la triade néoplatonicienne (col. 2327).
Quelques textes : Saint Justin, ApoL, i, 60, P. G., t.vi, col. 420 A ; — Clément d’Alexandrie, Strom., IV, xxv, t. viii, col. 1365 AB ; Stàhlin, t. ii, p. 317-318 ; Strom.. V, xiv, t. ix, col. 156 AB ; Stàhlin, t. ii, p. 395 ; — Origène, Contra Celsum, V, xxxix, t. xi, col. 1244 B ; Koetschau, 1. 1, p. 43, 1. 22 sq., et VI, lxiv, col. 1396 D ; Koetschau, t. i, p. 135, 1. 9 ; In Joannem, ii, 2, t. xiv, col. 109 B ; Preuschen, t. iv, p. 55, 1. 18 sq. ; et v, 5, Preusciien, t. iv, p. 102, 1. 28 sq. ; — Constantin, Oratio ad sanctorum cœtum, n. 9, P. G., t. xx, col. 1256 A ; éd. Heikel, p. 163 ; — Eusèbe de Césarée, Præparatio evangeliea, t. XI, c. xv-xvin, xx, P. G., t. xxi, col. 885 sq. ; 901 C ; — Saint Grégoire de Nazianze. Oratio, xxix (theol. iii), n. 2, t. xxxvi, col. 76 B, et Poemala theologica. sectio i, carmen 3, t. xxxvii. col. 413 A ; — Saint Augustin, Confessions, VII, ix, 14, P. L., t. xxxii, col. 741 ; De Genesi ad litteram, I. iv, 9 ; v, 10, t. xxxiv, col. 249, 250 ; De Trinitate. t. XV, c.xv et xvi, t. xlii, col. 1077 sq. : — -Sa nt Cyrille d’Alexandrie, Cont. Julianum, I. VIII, P. G., t. lxxvi, col. 920 CD ; — Théodoret, Grœcarum afjectionum curatio, il. De prineipio, P. G., t. lxxxiii, col. 848 C853 B ; — Claudien Mamert, De statu animæ, II, vii,
3, P. L., t. lui, col. 716 D-717 A.
I. position de la question.
1° Pour donner à la « triade » néoplatonicienne son véritahle sens, il faut la replacer dans l’ensemble de « la hiérarchie qui descend de Dieu jusqu'à terre ». Maxime de Tyr, Disc., xvii, 11. De cet étagement, elle constitue les degrés supérieurs à partir du premier Principe, dont « dépendent tous les êtres, subordonnés les uns aux autres, rà^pù-ra xaî -rà Se’j-repx xxl ~à rpiTa ». Clément d’Alexandrie, Strom., VII, ii, P. G., t. ix, col. 412413 ; Stàhlin, t. iii, p. 7 et 8. Saint Augustin s’enchanta de cette grandiose conception d’un ordo rerum universel, de ces degrés de perfection qui descendent par les créatures spirituelles jusqu'à la matière, et par lesquels l'âme doit repasser dans son ascension vers Dieu. Sans eux, disait-il, il n’y aurait pas d’univers. Quia non essent omnia, si essent sequalia ; non enim