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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/469

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PLATONISME DES PÈRES. LA CONNAISSANCE DE DIKU — '2 : 57'

, t. xxv, col. 693 A ; cf. saint Grégoire de Nazianzc OraL, xxviii, 5, t. xxxvi, col. 32 B ; saint Augustin, Enarr. in psalm., t. v. r. 12. P.L., l. xxxvii, col. 1090 ; pseudo-Denys, Pecæl.hier., ii, 3, P. C, .. I. iii, col. 1401).

lui conséquence, Plotin disait de Dieu qu’il n’est ni âme, ni intelligence, ni être ; il n’est aucune des choses qui viennent de lui et, connue tout vient de lui, il n’est rien de ce qui est. Donc tout ce qu’on se hasarde à en dire, doit revêtir une forme négative ; on n’arrive à le connaître en quelque manière que par voie de retranchement. Enn., V, iii, 14 ; VI, viii, 11.

Est-ce un souvenir de Plotin ou de Proclus, de Clément d’Alexandrie ou de Grégoire de Nysse, le pseudo-Denys dit à son tour : « Dieu n’est ni âme ni intelligence. » De mystica theologia, v, /'. C., t. iii, col. 1015 D ; cf. 'De div. nom., i, 5, col. 593 C. Que pouvons-nous en connaître ? qu’il est incompréhensible, immense, infini ; c’est -en disant ce qu’il n’est pas que l’on suggère ce qu’il est. De div. nom., xiii, 3, col. 981 H. La théologie doit se constituer uniquement de prédicats négatifs et de propositions négatives : car, quand on parle des choses divines, ce sont les négations qui sont vraies ; les affirmations, au contraire, sont inconsistantes. De cœl. hier., ii, 3, col. 141 A. Le plus haut degré de connaissance est o ténèbre ». De myst. Iheol., i. 3, col. 1001 A. Aussi Denys donne-t-il à son bienaimé Timothée ce conseil bien néoplatonicien : o Efforce-toi de te dégager des sens, des opérations de l’esprit et de tout ce qui est sensible ou intelligible, de tout ce qui est ou n’est pas, afin de t’unir. par l’inconnaissance, autant que possible, à celui qui est au-dessus de tout être et de toute connaissance. » De myst. theol., i, 1, col. 997 B.

Les scolastiques, les mystiques surtout, développèrent ce thème : Dieu est l’abîme, l’obscurité ; on ne l’atteint que dans un nuage, dans cette nuée du Sinaï où pénétra Moïse. Les victorins, saint Honaventure répètent : Xegationes in divinis verse, affirmai iones vero incongru.se. Alain de Lille plaçait ce principe parmi les règles de la théologie. Saint Thomas dira : Hoc ipsum quod Deus est remanct occultum et ignotam. Il écrit cela dans le prologue du Commentaire des noms divins, c’est assez dire sous quelle influence.

Entraînés par l’autorité de Denys, nos docteurs font écho à l’antique tradition alexandrine, par delà Origène et Clément, à Philon : celui-là connaît mieux Dieu, qui sait qu’il est incompréhensible.

2° Quelle est la portée de ces négations ? — B’gg croyait découvrir, dans la théologie négative, une conception essentiellement païenne, destructrice de l’idée de Dieu, car elle aboutit à « une chimère, à une force abstraite, dont on ne peut dire ni qu’elle existe, ni qu’elle n’existe pas ». The Christian platonists of Alexandrie !, p. 61-65. C’est se méprendre.

Quand saint Thomas, par exemple, est amené par le texte qu’il commente à écrire, cette phrase : Ipse (Deus) nihil est exsistentium, cela ne veut pas dire, explique-t-il aussitôt, que l'être lui manque, non quasi deficiens ab essendo. mais qu’il le possède, cet être, à un degré qui le. sépare de tous les autres, snpereminentrr, segregatus ab omnibus. Comm. de divinis nominibus, c. i, lect. 3. Le plus haut degré de la connaissance que l’homme puisse avoir de Dieu, dit-il encore, consiste à savoir qu’il l’ignore ; oui, dans la mesure où il connaît quelaréalité divine dépasse tout ce que nous en comprenons. De pot., q. vii, a. 5, ad 14° m. Et ce n’est pas seulement saint Thomas qui parle ainsi. On lit à peu près le même développement chez Jean Scot Érigène : In nullo intelligitur(Deus) exsistentium, quia superat omnia… dum ergo incomprehensibilis intelligitur, per excellentiam nihilum non immerito vocitatur. De divisione nalune, t. III, 19, P. L., t. cxxii, col. 680 D : cf. ibid., I. I, 14, col. 462. Chez

le pseudo-Denys. les négations au sujet de Dieu se font ûîrepo^ixciç, àXÂà xt, xarà a-iyr^vi. Epist., i, /'. (i., t. iii, col. 1065 A : comme on ne retranche que ce qui mettrait en péril son excellence, ce n’est pas le priver, mais assurer cette excellence même. Aussi appelle-t-il ce procédé une : >-zyy/yLr i i<patp6<Jlç. De div. nom., ii, 3, col. 640 B. Avant Denys, Marins Victorinus avait aflirmé que Dieu est sans existence, sans substance, sans intelligence, sans vie, non point per arzprfîiv, mais per supralationem. Il faut donc dire plutôt qu’il est non pas ov, mais TCpoév. -dv. Arium, iv, 23, P. L., t. viii, col. 1129 D.

C’est la ligne de la tradition néoplatonicienne. Parmi des exagérations agnostiques, les mêmes formules se trouvaient chez Plotin : Dieu, dit-il en propres ternies, n’est aucune des choses qui existent, parce qu’il est au-dessus de toutes, Enn., V, v, 8 ; il n’a pas d’idée, parce qu’il est au-dessus de l’intelligence et de tout intelligible, Vita Ploiini, c. xxiii ; il n’est point l'être, parce que tout ce qui est vient de lui ; il est hnbiziva. ttjç o’jcrîaç, comme disait Platon (Rép., vii, 509 b). comme disent Justin, Théophile, Clément, Origène. Grégoire de Nazianze.

La théologie négative, loin d'être une conception païenne, se propose d'éviter, autant que possible, l’anthropomorphisme, le grand écueil, quand on parle de Dieu, étant de le représenter sur le modèle des choses sensibles, ou du moins de lui attribuer tels quels les concepts que nous tirons de ces choses ; car instinctivement, selon le mot de Pascal, les choses pures « nous les teignons de nos qualités, et empreignons de notre être composé toutes les choses simples que nous contemplons ».

En quête d’une doctrine de l’analogie.

Un platonicien est convaincu qu’il y a deux mondes, et que

le plus vrai est celui qui ne se voit pas ; aussi, quand il parle du monde supérieur, il commence par nier qu’il soit comme celui qui se voit (Enn.. V, viii, 4). De fait. sans cette négation, on n’en aurait jamais qu’une idée fausse et si, malgré tout, on voulait raisonner à son sujet, on découvrirait un » nid de contradictions ». Il ne faut pas s'étonner que des écrivains chrétiens, pour éviter les mêmes écueils, aient eu recours au même procédé. Ce procédé ne les fixait pas dans une attitude purement négative, puisqu’ils affirmaient hautement l'éminence des perfections divines.

C’est ce qu’ils exprimaient aussi en disant que de Dieu on peut également affirmer et nier toutes les perfections des créatures. Selon Denys, « il est tout ce qui est et. il n’est rien de ce qui est ». De div. nom., i. 6 et 7, col. 596. Selon Grégoire de Nazianze, « il est un, il est tout et il n’est rien ». Il est une monade, disait de même Plotin, V, v, 4, et il n’est pas une monade, VI, ix, 5 ; il est partout et il n’est nulle part ; il est infini et il n’est pas infini ; il est bon et il n’est pas bon. V, v, 10 et 11 ; VI, viii, 9. La contemplation participe à cette extraordinaire condition des choses divines auxquelles elle unit l'âme dans l’extase : elle est une vision et elle n’est pas une vision, elle est une pensée qui n’est pas une pensée, un contact sans être un contact.

Procédé bien étonnant, remarque Suarez, De oratione, c. xiii, n. 30, à propos du pseudo-Denys : Est enim mirabilis hiec Dionysii theologia, videtur enim simul contraria et conlradictoria proferre. En réalité, il n’y a contradiction qu’en apparence, parce que les termes n’ont pas exactement le même sens dans l’affirmation et dans la négation. Dieu n’est pas un être vivant comme ceux que nous connaissons par expérience et, pourtant, il est vivant, autrement. Transcendant aux catégories où nous classons les êtres, il ne leur est pourtant pas tout à fait étranger, car leur perfection vient de lui. Il leur ressemble et il ne leur ressemble pas. Il est olov, comme répète sou-