la plus grave, lorsqu’il prétend, Act., xviii, 10, que personne ne pourra lui faire du mal ? Apocril., iv, 4. Mais ces nombreux défauts de l’apôtre des gentils : orgueil, jalousie, cupidité, faiblesse d’esprit, viennent se fondre dans une dernière accusation qui, aux yeux de Porphyre, résume en quelque sorte toutes les autres : Paul est un charlatan. Il a varié sans cesse dans sa doctrine et dans sa conduite. C’est un attrape-nigauds qui soutient tour à tour les contradictoires pour plaire à tous les partis. Il déclare maudits ceux qui opèrent la circoncision, Gal., iii, 10, et il circoncit lui-même Timothée à Lystra, Act., xvi, 2 sq. Bien mieux, il se vante de sa mauvaise foi en proclamant, I Cor., ix, 19, qu’il s’est fait l’esclave de tous pour en séduire le plus grand nombre. Apocril., iii, 30. Effectivement, il se dit tantôt juif, Act., xxii, 3, et tantôt Romain, Act., xxii, 27, tantôt Grec et tantôt barbare. Apocril., iii, 31. Ses déclarations ressemblent à celles des jongleurs de foire. Il aflirme que la Loi est spirituelle et sainte, Rom., vu, 12, 14, néanmoins il en fait la source du péché, Rom., v, 20 ; I Cor., xv, 56. A plusieurs reprises, il pratique l’obéissance à la Loi, Act., xxi, 20-26, et cependant, Gal., iii, 1, il reproche aux Galates de ne pas obéir à l’Évangile. Apocril., ni, 33, 34. Il regarde la manducation des viandes comme une chose indifférente, I Cor., viii, 4, 8, et, l’instant d’après, I Cor., x, 20, il défend de les manger. Apocrit., iii, 35. Il loue parfois la virginité, I Cor., vii, 1. 7, 8, quitte plus tard, I Tim., iv, 1-3, à changer d’opinion. Apocrit., iii, 36. Toutes ces contradictions ne sont pas seulement l’indice d’un manque de culture : àTratSsjTOç, Apocrit., m. 34 ; il y a chez Paul de la perversité morale. C’est un brouillon, mais aussi un menteur. Il a beau protester parfois de sa loyauté, Rom., ix, 1, on a vite fait de le reconnaître à son masque hypocrite. Apocrit., ni, 31.
Les autres ouvriers apostoliques de la primitive Église ne sont guère moins répréhensibles. Ils n’avaient pas la foi, puisque jamais on ne les a vu transporter des montagnes. Jérôme, In Malth., xxi, 21 ; cf. Macaire, Apocrit., iii, 17. Ils maniaient à l’ordinaire le sophisme, Eusèbe, Dem. evang., III, v ; Macaire, Apocrit. , iii, 6 ; iv, 2, et ils abusaient de l’ignorance crédule de leurs auditeurs. Jérôme, In Joël., ii, 28 sq. ; cf. Macaire, Apocrit., iii, 31. C’étaient, en somme, de petits esprits ridicules, de pauvres gens dominés par l’appât du gain. Augustin, Epist., en, 22 ; Macaire, Apocrit., m, 4, 6. S’ils ont accompli quelques merveilles, c’est à l’aide de la magie. Ainsi s’explique leur succès auprès des femmes riches qu’ils ont fini par ensorceler. Jérôme, Tract, de psalmo LXXXI, Anecd. Mareds., p. 80 ; cf. Apocrit., iii, 5.
4. L’Ancien Testament.
Eusèbe rapporte que Porphyre, « non content de déchirer les chrétiens, poursuivit des mêmes outrages et les Hébreux, et Moïse, et les prophètes qui lui succédèrent ». Prsep. evang., X, ix. En fait, hors ses attaques contre le livre de Daniel, on ne possède qu’un petit nombre de fragments sur ce sujet. Il reste néanmoins qu’il critiquait violemment les absurdités des Écritures judaïques » et qu’il s’élevait avec force contre la méthode d’interprétation allégorique d’Origène, empruntée aux Grecs à seule fin de supprimer les incohérences du texte biblique. Eusèbe, Hist. eccl., Yl, xix, 4-8. Il semble même avoir étudié de très près l’histoire des juifs en la comparant à celle des peuples voisins. Eusèbe, Chronique, ii, præf. Ainsi, quand il vante l’ancienneté des sources et la sûreté du témoignage de Sanchoniathon, l’historien de la Phénicie, Eusèbe, Præp. evang., Y, i ; X, ix, c’est sans doute pour ruiner l’autorité de Moïse et discréditer les livres mosaïques, reconstitués seulement par Esdras 1180 ans après la mort de leur auteur. Apocrit., iii, 3.
Toutefois, Porphyre ne se bornait pas à des observations d’ordre général, il entrait dans le détail des
textes. II demandait pourquoi, dans Gen., ii, 17, Dieu défend la connaissance du bien en même te nps que celle du mal. Sévérien de Gabala, De mundi créai., vi, P. G., t. lvi, col. 487. Il s’appuyait sur certaines paroles des prophètes pour critiquer l’organisation des sacrifices chez les juifs. Théodoret, De cur. a/]ect. grsec, vu, 36, P. G., t. lxxxiii, col. 1001. Il se pourrait aussi qu’il eût épluché les passages suivants : Osée, i, 2 sq., entendu au sens littéral : le prophète, sur l’ordre de Dieu, a épousé une femme de mauvaise vie, Jérôme, In Os., i, 2, 8 sq. ; Jonas, ri, 1 sq., histoire absurde et incroyable, Augustin, Epist., en, 30 ; cf. Jérôme, In Jon., ii, 1 sq. ; Isaïe, vii, 14, qu’il n’a pas dû vouloir interpréter de la naissance virginale du Sauveur, cf. Pacatus, éd. Pitra, op. cit., p. 281 sq. ; Zacharie, xiv, 1 sq., prophétie posl eventum qui décrit les événements du règne d’Antiochus Épiphane. Eusèbe, Demonst. evang., VI, xviii.
En tout cas, il est certain que cette dernière difficulté était encore soulevée par Porphyre au sujet des prophéties de Daniel. On peut même dire que son attaque contre ce livre repose tout entière là-dessus : Daniel a vécu en Judée au temps d’Antiochus Épiphane ; son récit des faits antérieurs à ce prince est conforme à l’histoire, mais, dès qu’il s’aventure à prophétiser, il tombe dans les plus grossières erreurs ; en somme, il raconte beaucoup plus le passé qu’il n’annonce l’avenir et l’endroit où s’arrêtent les données exactes, soi-disant prédites, sert précisément à fixer l’époque où il écrivait. Jérôme, In Dan., prol. Saint Jérôme, au cours de son commentaire, attribue, en outre, à Porphyre de nombreuses objections de détail, d’où il ressort que l’adversaire des chrétiens devait passer en revue le texte sacré chapitre par chapitre, peut-être même verset par verset. A propos du songe de Nabuchodonosor, Dan., ii, Porphyre voyait le peuple d’Israël dans la pierre qui se change en grande montagne, il traitait de pure fiction les honneurs divins rendus à Daniel et il blâmait le prophète d’avoir accepté une situation aussi brillante à la cour. Jérôme, op. cit., ii, 40, 45, 46, 48 sq. Plus loin, il se moquait de la reine qui, au festin de Balthasar, en remontrait à son mari touchant l’histoire du royaume. Jérôme, op. cit., v, 10. Dans la vision des quatre bêtes, il semble avoir appliqué à Judas Macchabée ce qui est dit du « fils de l’homme », vii, 13-14 ; en tout cas, il regardait la quatrième bête aux dix cornes comme le symbole des nombreux rois qui se partagèrent l’empire d’Alexandre et la petite corne comme la figure d’Antiochus Épiphane qui aurait détrôné trois des premières cornes : Ptolémée Philométor, Ptolémée Évergète et Artarxias, roi d’Arménie. Jérôme, op. cit., vii, 7, 8, 14. Dans la prophétie des semaines, il interprétait xi, 21-45, du règne d’Antiochus Épiphane en montrant la concordance exacte entre le texte biblique et les expéditions de ce prince. Il tenait non moins fermement la finale, xi, 4-45, pour la description de sa dernière campagne et de sa mort à Tabès. Jérôme, op. cit., xi, Il sq., 25, 27, 29, 31-43, 44-45. Il allait même jusqu’à voir dans xii, 1-3, une résurrection, entendue au sens spirituel, du peuple d’Israël après la persécution d’Antiochus et dansxii, 7-13, la durée de cette calamité. Jérôme, op. cil., xii, 1 sq., 5, 7, 11-13. Enfin, son réquisitoire contre Daniel était complété par une remarque sur l’histoire de Suzanne, xiii, 54-55, 58-59. Il y a là, observait Porphyre, un jeu de mots qui ne peut être fait que sur le grec. La langue originale du livre n’est donc pas l’hébreu et l’auteur n’est pas un juif contemporain de la captivité. Jérôme, op. cit., prol. Il est permis de penser que notre philosophe discutait de même les autres prophéties de l’Ancien Testament pour ruiner une des raisons de croire le plus souvent invoquées par l’apologétique chrétienne de son temps.