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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/580

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PORTALIÉ (LUGI’NK


traités sur la foi et sur la grâce qu’il eut l’occasion d’émettre des vues originales en prenant nettement position entre les théories diverses qui cherchent à expliquer le dogme. Ceux qui furent alors ses élèves ont toujours regretté que les circonstances ne lui aient pas permis de publier les cours qu’il avait professés et qui représentaient, dans le domaine de la spéculation théologique, un effort très intéressant de mise au point. L’éloignement où il se trouvait de la France, la claustration plus ou moins forcée qui en résultait pendant l’année scolaire, par l’absence de tout ministère apostolique, lui permit de consacrer de longues heures à des recherches personnelles sur l’histoire de la théologie et, tout en étudiant volontiers Suarez, d’accorder aux œuvres des diverses écoles du Moyen Age une part d’attention beaucoup plus grande qu’on n’avait coutume alors de le faire. Ces recherches étaient souvent complétées, au cours des vacances, par la fréquentation de la Bibliothèque nationale et il se les facilitait en constituant, comme bibliothécaire du scolasticat, une riche collection des théologiens de toutes les écoles, qui lui permettait d’apporter à l’exposé des diverses opinions une connaissance personnelle des textes qui ne ressemblait en rien aux ternes exposés de la plupart des manuels. Il restait aussi en contact étroit avec la pensée contemporaine.

Son œuvre écrite, à défaut des cours dont il envisageait la publication à l’hei re seulement où une longue pratique de l’enseignement lui eût permis de mûrir sa pensée de façon définitive, se réduisit presque exclusivement à une collaboration aux Éludes qui devait durer jusqu’à la fin de sa vie. Elle témoigne à la fois de sa curiosité inlassable, de la richesse de sa documentation historique, du choix très motivé qui fit de lui un des plus déterminés partisans du néomolinisme, de l’attention très vive qu’il accordait au mouvement des idées dans le protestantisme, auquel il consacra dès lors plusieurs chroniques. Avec ses articles de polémique au sujet de la prédétermination, et un travail fort curieux sur L’hypnotisme au Moyen Age, Avicenne et Richard de Middletown, son intervention la plus remarquée fut — et il ne tint pas à lui qu’elle ne se produisît plus tôt — celle où il dénonça la mystification de l’affaire Diana Vaughan (1896-1897). Ces articles divers parus en brochure sous ce titre La fin d’une mystification, Paris, 1897, le placèrent au premier rang des théologiens et des polémistes catholiques, en le classant dès lors parmi les esprits de juste milieu, également éloignés de l’esprit novateur à outrance et d’une paresseuse routine.

Appelé, en novembre 1899, à occuper la chaire de théologie positive à l’Institut catholique de Toulouse, chaire nouvellement créée par la transformation de celle de théologie morale, il allait y devenir l’un des plus méritants collaborateurs de Mgr Batifïol, qui, conscient de la force qu’il apportait à l’Institut par sa présence et son enseignement, lui donna d’emblée sa pleine confiance et trouva toujours en lui un ami aussi fidèle qu’éclairé. Il allait y révéler plus ouvertement encore la souplesse de son esprit et la sûreté de sa doctrine. Son enseignement direct porta sur l’Église, les sources de la foi, le progrès du dogme, la doctrine de la grâce chez saint Augustin et ses successeurs. En même temps, il donnait à ce Dictionnaire une collaboration trop brève mais très remarquée, en particulier la série d’articles : Augustin, t. i, col. 2268-2472 ; Augustinianisme, t. i, col. 1485-1501 ; Augusti-Nisme, t. i, col. 2501-2561, en tout 280 colonnes qui restent encore aujourd’hui le travail d’ensemble indispensable à consulter sur ces matières. Il faut y joindre plusieurs articles sur le Moyen Age : Abélard, 1. 1, col. 36-55 ; Adoptianisme au xiie siècle et au xme siècle, col. 413-418 et 418-421 ; Alexandre III, col. 711-714.

Il y prenait nettement position contre l’authenticité de la Summa Sententiarum attribuée à Hugues de Saint-Victor.

Mais, dès ce moment, et en conformité avec la direction donnée par Mgr BatilTol au Bulletin de littérature ecclésiastique, auquel, naturellement, collaborait aussi le P. Portalié, son attention était avant tout consacrée aux controverses que commençaient à susciter les publications d’A. Loisy, d’E. Leroy, de l’école de l’immanence, de Tyrrell, et de ce qui allait bientôt être condamné sous le nom de « modernisme ». Il en fui l’adversaire ardent et infatigable, non seulement dans son enseignement et ses articles des Études et du Bulletin, mais aussi dans les nombreuses retraites qu’il prêchait au cours des vacances, en particulier les retraites pastorales. La véhémence même avec laquelle il signalait le danger au cours de longues instructions ne fut pas étrangère à sa fin prématurée, avec le surmenage d’une vie où il menait de front un labeur intellectuel intense et des occupations apostoliques que l’on essayait vainement de lui faire modérer. Ce lui fut une souffrance de ne pouvoir toujours alors faire comprendre exactement sa position et de se heurter parfois à l’incompréhension et même à l’hostilité de certains avec qui il aurait voulu mener le bon combat. La lutte contre toutes les formes du modernisme religieux lui apparaissait non seulement comme un devoir de loyauté à l’égard de l’Église hypocritement et d’autant plus indignement trahie, mais aussi comme une nécessité impérieuse de la défense de la science ecclésiastique et du progrès scientifique. Bedoutant la réaction dont les vrais savants catholiques ne manqueraient pas de devenir victimes de la part de polémistes bien intentionnés (du moins certains), mais mal préparés à leur tâche et brouillons, il aurait voulu l’écarter, en faisant le front commun de tous ceux qu’animaient à la fois l’amour sincère de l’Église et de l’orthodoxie et le souci de faire progresser la science ecclésiastique. Il s’en est expliqué très nettement en public et en privé. A le suivre avec plus de clairvoyance, on eût sans doute assuré non moins efficacement la défense contre le modernisme, sans avoir à regretter des attaques injustifiées, qui ont eu comme conséquence un recul incontestable du niveau intellectuel et de la qualité des travaux scientifiques, au moins en France, pendant les années qui ont suivi immédiatement la condamnation très opportune du modernisme. Déjà miné par le mal qui allait l’emporter, le 20 avril 1909, le P. Portalié intervint avec vigueur aux côtés de M. Saltet pour le soutenir dans sa courageuse campagne, à l’occasion des faux signés des noms d’A. Dupin et de E. Herzog (articles des Études, publiés en brochure sous le titre La question Herzog-Dupin et la critique catholique, Paris, 1908). Mais M. Turmel, mis par eux en très fâcheuse posture, dut à la faiblesse ou à l’inertie de ceux qui auraient dû le démasquer, de continuer plus de vingt ans sa triste besogne, avant d’être obligé, par une nouvelle intervention de M. Saltet, appuyé maintenant par M. Bivière, de reconnaître ses faux. Le P. Portalié se montra une fois encore un des plus clairvoyants et des plus méritants défenseurs de l’Église.

Ces multiples tâches l’empêchèrent de préparer, comme il en avait l’intention, la publication de ses travaux personnels, en particulier de certains de ses cours où il exposait son système théologique. On ne peut suppléer à ce qu’il n’a pu faire lui-même, car, à Toulouse, il se contentait de jeter quelques indications sur le papier se fiant à son immense acquis pour donner oralement les développements nécessaires. Ses cours antérieurs, malgré des parties fort remarquables, ne pourraient être ] ubliés intégralement, n’étant plus en correspondance suffisante avec l’état actuel des ques-