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    1. POUVOIR TEMPOREL DU PAPE##


POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. L’AFFERMISSEMENT

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est en contradiction avec l’institution du Christ, qui n’a pas confié à César le choix de ses vicaires. Ce ne peut être là qu’un pis-aller temporaire.

En définitive, cette expérience d’une dépendance de plus en plus effective renferme une nouvelle leçon. Si le souverain pontife ne peut être le sujet d’aucun prince, il ne saurait être non plus, d’aucune manière, le rassal de personne. Toute suzeraineté l’asservit, toute ingérence séculière contrecarre ou paralyse sa primauté spirituelle et la déshonore. C’est dire que "la papauté ne sera libre que le jour où elle n’aura pas de maîtres temporels ». Duchesne, Les premiers temps de rÉtut pontifical. 2’éd.. p. 397.

III. I.’affermissement du principat civil des i’ai i s (i -xviir siècle). — Au cours de cette longue période, en même tenir s que son pouvoir spirituel se fortifie, la papauté émancipe de plus en plus son pouvoir temporel de la tutelle féodale du Saint-Empire : et, alors même que son magistère ou sa primauté dans l’ordre religieux, son contrôle plus ou moins direct dans l’ordre politique sont contestés, elle affermit définitivement l’indépendance et la constitution intérieure de l’État pontifical.

1° De Nicolas II à Eoniface Mil (1059-1303). -Le prestige de la papauté a beau s’accroître de jour on jour dans la chrétienté, cette époque est pleine de icissitudes pour son pouvoir temporel.

1. Hildebrand avait entrepris de libérer l’Église. Trois mois après l’intronisation de Nicolas II (1059). la bulle In nemine Dcmini confiait aux cardinauxévêques l’initiative pour la désignation des pontifes. Le Saint-Siège, en écartant définitivement toute influence laïque, resaisissait l’ancienne liberté électorale et se détachait délibérément de l’empire. Si Nicolas II reconnaît à Henri IV le droit de confirmer l’élection, c’est là une pure concession et une faveur peisonnelle, non pas un droit régulier attaché à une couronne. Voir, ici, l’art. Élection des papes, t. iv, col. 2313-2314. C’est, du même coup, émanciper et renforcer le pouvoir civil et politique du pape dans son domaine temporel ; c’est donner au chef de l’Église la liberté nécessaire pour entreprendre la réforme des mœurs et de la discipline dans le peuple et dans le clergé, pour mener la lutte aussi contre les investitures abusives. Cette lutte sera tragique. Hildebrand, devenu Grégoire VII (1073-1085), connaîtra des victoires, mais aussi des revers ; après maintes vicissitudes, il devra quitter Rome et mourra à Salerne. Urbain II (10881099) ne sera sauvé que grâce aux troupes de îa comtesse Mathilde qui, dès 1077, avait donné ses États au Saint-Siège. Mais Henri IV intronisera à Rome l’antipape Guibert de Ravenne (Clément III) et, en 1106, c’est Pascal II (1099-1118) qui est retenu captif par Henri V, jusqu’à ce qu’il ait consenti des concessions excessives. Gélase II (1118-1119), Calixte II (11191 121) seront de même réduits à s’exiler de la Ville éternelle, pour être hors des atteintes des empereurs, et le patrimoine de Pierre sera envahi, pillé. Ces violations du droit ne seront pourtant que les épisodes tragiques d’une lutte d’où le pouvoir temporel sortira intact, grandi, indépendant de l’empire germanique, malgré l’appui que lui prêtera l’absolutisme régalien des légistes de Bologne.

2. Il s’en faut, toutefois, que le gouvernement intérieur des États de l’Église ne subisse aucune crife. Au XIIe siècle, le mouvement communal atteint Rome. Ailleurs, en Lombardie par exemple, les communes et le pape s’entendent contre les barons. A Rome, c’est par une insurrection imposante que la bourgeoisie entre en scène. Voulant rétablir la « république romaine », elle se ligue avec les nobles contre Innocent II (1 130-1 113) et installe au Capitole un i sénat » : l’émeute liv : e b ; taille dans la ville et hors les murs.

Célestin II (1143-1144), Lucius II (1144-1145) doivent renoncer à entrer dans leur capitale. Si Eugène III (1115-1153) y est réintégré (déc. 1145), c’est par la grâce et par les armes des comtes de Campanie et des habitants de Tivoli, avec quelques autres concours ou connivences. Mais le Sénat, qui a dû accepter de n’être plus qu’une assemblée municipale, renouvelle ses prétentions. Cette fois, Arnaud de Brescia est l’âme de la révolte ; la république est de nouveau proclamée. Niant le principe même du droit de propriété de l’Église, le démagogue enseigne que clercs ou moines, évêques ou pape ne peuvent rien posséder, sous peine de damnation. A plus forte raison, le pontife romain ne saurait-il avoir aucun droit au gouvernement temporel de Rome. Eugène III, sommé d’avoir à se contenter désormais du pouvoir spirituel en vivant uniquement des dîmes et des dons volontaires, se voit obligé de quitter la ville (janvier 1146). Il y revient et en repart deux fois, mais meurt à Tivoli. Après le court pontificat d’Anastase IV (1153-1154), Adrien IV (1154-1159) réussit à étouffer la révolution ; Arnaud de Brescia est exécuté. Triomphe chèrement payé puisque c’est grâce aux soldats de Frédéric Barberousse qu’il est obtenu. Voir, ici, l’art. Arnaud de Brescia, t. i, col. 1972-1975.

Alexandre III (1159-1181), après avoir été fêté par son peuple, se voit expulser de sa capitale, que lui disputent, d’ailleurs, les antipapes de Barberousse, et son cadavre, ramené d’exil, est insulté par la populace. Lucius III (1181-1185), en quatre ans de règne, séjourne à Rome quatre mois ; Urbain III (1185-1187) et Grégoire VIII (1187) n’y pénètrent jamais. Clément III (1187-1191) peut y reparaître ; mais il passe avec le peuple l’acte fondamental de 1188. Rédigé au nom du Sénat et du peuple romain, daté de la NLIYe année de l’institution du Sénat, c’est moins une charte octroyée par le souverain qu’une constitution imposée par les sujets révoltés ou, plus précisément, par » le très magnifique ordre sénatorial ». On y reconnaît cependant la souveraineté du pape sur le Sénat et sur la ville ; de son côté, le pape reconnaît l’existence légale de la commune, de son gouvernement, de ses assemblées. Malgré tout, les troubles ne cessent pas et ! e gouvernement communal est entrecoupé de dictatures, notamment celle de Carosomo (1191-1193), que dut subir Célestin III (1191-1194).

Le grand Innocent III (1198-1216), dès son avènement, remédie à cet état de choses, en obtenant la soumission du Sénat, du préfet de la ville et des nobles. Après avoir réprimé un nouveau soulèvement, il crée d’office un sénateur unique et c’est à peine si, en 1208, on doit signaler une dernière tentative de rébellion. Du reste, ce pontife, dont l’immense autorité et le prestige éclatant dominent son époque, se concilie l’amour de ses sujets par les initiatives sociales de sa charité.

3. A suivre cette histoire, on apprécie les fameuses invectives de saint Bernard († 1153) contre les Romains grandiloquents et mesquins, contre cette « race inquiète, factieuse, intraitable, respectueuse de l’autorité alors seulement qu’elle sait ne pouvoir la mettre à bas ». De consideralione, t. IV, c. ii, n. 2-4. On s’explique même sa façon de voir au sujet du pouvoir temporel : témoin des difficultés que rencontrent les papes de son temps dans le gouvernement de leurs États, non seulement il préconise l’abandon de Rome devant la révolution, mais il semble bien aller jusqu’à la renonciation totale et définitive au pouvoir temporel. Le pape devra-t-il donc user de la force armée pour se maintenir ? Dracones, inquis, me mortes pascere, et scorpiones, non oves. Propter hoc, inquam, magis

aggredere eos, sed verbo, non jerro Si sic fecisti et non

pro/ecisti, est deniam quod facias et quod dicas : exi de