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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/669

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POUVOIR OU PAPE. DOCTRINES ACTUELLES


ecclésiastique : en France et en Autriche, on s’en prend aux légendes liturgiques des papes dont les actes affirment la plénitude effective du pouvoir spirituel, et Benoît XIII, en 1729, casse les arrêts des parlements de Paris et de Bordeaux prohibant l’office de Grégoire VII. Cf. dom Guéranger, Institut, liturg., t. ii, p. 434 ; cf. P. L. t. cxlviii, col. 249 sq. Sous les régimes nouveaux, les conflits seront beaucoup plus graves.

Actes et paroles des papes.

Au cours du xixe

siècle, les papes n’ont jamais cessé de maintenir leur droit d’intervention dans le temporel par des actes juridiques ou doctrinaux.

Le 30 septembre 1833, Grégoire XVI déclare nuls et de nul effet les décrets de don Pedro II, roi de Portugal ; le 1 er février 1836, il réprouve de même les actes de la régence espagnole contraires aux droits de l’Église ; en 1835, il condamne et annule, par l’encyclique Commissum divinilus, les articles de liaden érigés en lois cantonales par Berne. Pie IX, en 1852, procède pareillement contre les lois oppressives que s’est données la Nouvelle-Grenade et déclare « entièrement invalides et nuls les décrets promulgués ». Allocution consistoriale Acerbissimum. Le Il février 1906, Pie X condamne, par l’encyclique Vehementer, la loi française de séparation : « En vertu de l’autorité suprême que Dieu Nous a conférée…, Nous réprouvons et Nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Église et de l’État comme profondément injurieuse envers Dieu, qu’elle renie officiellement en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte. Nous la réprouvons et la condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité publique due aux traités ; comme contraire à la constitution divine de l’Église, à ses droits essentiels et à sa liberté ; comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l’Église a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat. Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour Notre personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français. En conséquence, Nous protestons solennellement et de toutes Nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Église pour les infirmer. »

Il faut mentionner aussi le non expedit par lequel, en raison de la spoliation des États de l’Église, Pie IX et Léon XIII interdirent aux catholiques italiens de prendre part aux élections politiques de leur pays, mesure qui fut levée par Pie X et Benoît XV.

Enfin, il convient d’ajouter que, sur le terrain économique et social, Léon XIII a renouvelé avec éclat l’action de l’Église sur le temporel, en renouant la tradition du Moyen Age, tradition qui avait été obscurcie par les modernes théories, plus ou moins contraires au christianisme, nées au xviiie siècle et bientôt triomphantes. L’encyclique Rerum novarum constitue, de ce chef, un fait important, et d’autant plus significatif qu’il n’est pas demeuré isolé. Pie X, Benoît XV, Pie XI ont magistralement continué Léon XIII.

Mais, à ces directives maintes fois renouvelées, les souverains pontifes ajoutent le constant rappel des principes.

Léon XIII donne la formule la plus nette de la distinction des pouvoirs : « Dieu a divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiastique et la puissance civile ; celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d’elles, en son genre, est souveraine ; chacune est enfermée en des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Il y a donc comme une sphère circonscrite dans

laquelle chacune exerce son action proprio jure. » Encycl. Imnwrtale Dei (1885). « Celte délimitation des droits et des devoirs étant nettement tracée, il est de toute évidence que les chefs d’État sont libres dans l’exercice de leur pouvoir de gouvernement et, non seulement l’Église ne répugne pas à cette liberté, mais elle la seconde de toutes ses forces, puisqu’elle recommande de pratiquer la piété, qui est la justice à l’égard de Dieu et qu’ainsi elle prêche la justice à l’égard du prince… L’Église et la société politique ont chacune leur souveraineté propre ; par conséquent, dans la gestion des intérêts qui sont de leur compétence, aucune n’est tenue d’obéir à l’autre dans les limites où chacune d’elle est renfermée par sa constitution. » Encycl. Sapientiæ christianæ, 1890.

Mais Léon XIII n’omet pas de revendiquer pour l’Église une autorité même sur le temporel : « Il est nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps… Tout ce qui, dans les choses humaines, est sacré à un titre quelconque, tout ce qui touche au salut des âmes et au culte de Dieu, soit par sa nature, soit par rapport à son but, tout cela est du ressort de l’autorité de l’Église. Quant aux autres choses qu’embrasse l’ordre civil et politique, il est juste qu’elles soient soumises à l’autorité civile, puisque Jésus-Christ a commandé de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Encycl. Immorlale Dei. Le même enseignement se retrouve dans l’encyclique Libertas (1888) et dans un grand nombre d’actes doctrinaux du même pontife.

Pie X, dès le début de son pontificat, ne craint pas de rappeler la subordination de la politique au magistère et à la juridiction du chef de l’Église. « Nous ne nous dissimulons pas, disait-il dans l’allocution consistoriale du 9 novembre 1903, que Nous choquerons quelques personnes en disant que Nous devrons nécessairement Nous occuper des choses politiques. Mais quiconque juge équitablement voit bien que le souverain pontife ne peut en aucune manière arracher du magistère de la foi et des mœurs qui lui est confié la catégorie des choses politiques. » C’est ce qu’il mettait en pleine lumière en condamnant, dans l’encyclique Pascendi, les affirmations suivantes d’un libéralisme absolu et radical : « Tout catholique, parce qu’il est en même temps citoyen, a le droit et le devoir, sans se préoccuper de l’autorité de l’Église, sans tenir compte de ses désirs, de ses conseils, de ses commandements, au mépris même de ses réprimandes, de poursuivre le bien public en la manière qu’il estime la meilleure. Tracer ou prescrire au citoyen une ligne de conduite, sous un prétexte quelconque, est un abus de la puissance ecclésiastique contre lequel c’est un devoir de réagir de toutes ses forces. »

Pie XI, en rappelant l’universelle royauté du Christ, pose le principe de la subordination de toutes les puissances humaines à la puissance spirituelle de l’Église. « L’Église, écrivait-il déjà dans l’encyclique Ubi arcano Dei (1922) a été instituée par son auteur ad rang de société parfaite, maîtresse et guide des autres sociétés : dans ces conditions, elle n’entamera pas le pouvoir des autres sociétés, qui sont légitimes chacune dans son domaine, mais elle pourra les compléter heureusement comme la grâce parfait la nature ; et, par elle, ces sociétés seront plus fortes pour aider les hommes à atteindre la fin suprême, qui est la béatitude éternelle, et plus assurées pour procurer aux citoyens le bonheur même de la vie terrestre… L’Église, sans doute, ne se croit point permis de se mêler sans raison au gouvernement de ces affaires terrestres et purement politiques ; mais elle reste dans son droit quand elle tâche d’empêcher que le pouvoir civil prenne prétexte de’sa