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    1. PRÉDESTINATION##


PRÉDESTINATION. LE MOLINISME

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Dieu, dans cette conception, ne détermine plus ce que

serait le choix de la créature en telles circonstances ; sa science dite moyenne est dépendante à l’égard dece choix, elle est déterminée par lui.

Molina déclare d’ailleurs non seulement que sa théorie est nouvelle, mais qu’elle lui paraît contraire à l’enseignement de saint Thomas. Après l’avoir exposée en s’inspirant d’Origène, il ajoute, p. 325 : Quamvis, ut sérum falear, contrarium innuere oideatur J). Thomas (I a, q. xiv, a. S. ad lum) thim e.ri>onit atque in contrarium sensum reducere conatur testimonium Origenis mox référendum, quo idem aperte docet.

Origène, il faut l’avouer, avait écrit : Non propterea erit aliquid, quia id scit Deus futurum, sed quia futurum est, scitur a Deo antequam fiât. Si l’on prenait à la lettre ces mots d’Origène, la science divine, loin d’être, comme celle de l’artiste, cause des choses, serait causée, mesurée par les choses, dépendante d’elles, passive à leur égard. Il suivrait de là que les créatures ne dépendraient pas de la science et de la volonté divines, mais que la prescience de Dieu dépendrait d’elles (I q. xiv, a. <S, ad. l ura). Et c’est pourquoi saint Thomas, qui ne s’embarrassait guère des conditions historiques, s’était efîorcéde donnera ces paroles d’Origène un sens plus acceptable.

4. Le quatrième principe auquel recourt Molina nous fait bien voir comment la prédestination, selon lui. dépend de la prévision des mérites, et comment le principe de prédilection « nul n’est meilleur qu’un autre s’il n’est plus aimé par Dieu » se trouve, en cette théorie, frappé de relativité. Nous lisons en effet dans la Concordia, toc. cit., p. 549 :

Quartum(principium) estquod Deus hune potins ordinem rerum. quam alium voluerit creare, et in eo hsec potius auxilia. quam alia. conferre, cum quibus prævidebat hos, et non illos, pro libertate sui arbitrii perventuros in vitam tetemam, nullam fuisse causam aut rationem ex parte adultorum pnedestinatorum et reproborum. Atque ex hoc capite hactenus diximus pnedestinationem non habere causam aut rationem ex parte usus Iiberi arbitrii prsedestinatorum et reproborum, sed in solam liberam Dei voluntatem esse reducendam.

C’est-à-dire que seul le bon plaisir divin est cause que tel homme soit placé en tel ordre de circonstances, où Dieu prévoit qu’il fera son salut : Dieu aurait pu le placer en tel autre ordre de circonstances, où, selon les prévisions de la science moyenne, il se serait perdu. En d’autres termes, il est tout à fait gratuit que tel soit prédestiné à vivre en telles circonstances et avec tels secours où Dieu a prévu qu’il se sauverait.

Aussi Molina remarque-t-il, ibid., p. 549 : « La volonté divine de placer tel homme en tel ordre de choses et de circonstances, avec tels secours, ne peut être appelée prédestination qu’en dépendance des mérites prévus par la science moyenne. Et en ce sens il y a une raison de la prédestination des adultes, dans la prévision divine de leurs mérites. Atque ex hoc capite diximus dari rationem prsedeslinationis adultbrum ex parte usus Iiberi arbitrii prievisi.

Comme le dit le P. F. Cayré, A. A : « Sans aller jusqu’à identifier à peu près le cas des élus et des réprouvés, comme le fera Vasquez (In / ara, q. xxiii, disp. LXXX1X), Molina accuse tellement le rôle de l’intelligence que Suarez devra, par une sage réaction, atténuer sa doctrine et insister beaucoup plus sur la volonté, se rapprochant ainsi, en cette question délicate, des positions tenues par Bannez. > Précis de patrologie, Histoire et doctrine des Pires et docteurs de l’Église, t. n. 1930, p. 768.

Le P. Billot, S. J., (De Deo uno, 1926, p. 290-292). tient que Molina, comme Suarez et Bellarmin, a admis la prédestination à la gloire non ex prsevisi » meritis. Certains textes de la Concordia semblent dire qu’elle

n’est pas ex prævisis meritis fuluris, mais ceux que nous avons cités et beaucoup d’autres montrent qu’elle suppose la prévision par la science moyenne des mérites qu’acquerrait tel homme s’il était placé dans tel ordre de circonstances.

De plus, la plupart des molinistes tiennent, comme Vasquez et Lessius, que pour Molina la prédestination à la gloire suppose la prévision des mérites qu’acquerra de fait tel homme placé en telles circonstances ; car la volonté divine de l’y placer ne peut être appelée prédestination, a dit Molina, qu’en dépendance de la prévision de ses futurs mérites. Ainsi Lessius écrit. De prædestinatione et reprobatione, Anvers, Kilo, sect. ii, n. 6 : Electionem absolutam et immediatam ad gloriam non esse factam aide prævisionem persévérant ise seu finis in statu gratise, sicut nec absoluta reprobatio fada est ante prævisionem finis in statu peccati. Ainsi parlent Vasquez, Valentia et beaucoup de molinistes. Cf. art. Molinisme, col. 2170.

Telle est en substance la conception que Molina s’est faite de la prédestination. Elle a subi des variations accidentelles : les uns, nous venons de le dire, y voient la prédestination post pra>visa mérita futura, les autres la prédestination post prwvisa mérita futuribilia. Ces derniers, comme le P. Billot, essaient de se rapprocher en cela de saint Augustin et de saint Thomas. Saint Bobert Bellarmin et Suarez s’en rapprochent davanttage encore, en disant que pour Dieu, comme pour tout sage, le choix des moyens ou des grâces suit logiquement la fixation de la fin, ou la prédestination à la gloire, qui est alors conçue comme antérieure à la prévision des mérites. Quelques molinistes ont aussi rejeté le concours simultané de Molina, pour admettre une prémotion divine indifférente ou non déterminante. Nous reviendrons sur ces variations, qui ne sont pas’sans importance, mais précisons d’abord le fonds commun qu’elles supposent.

4° Qu’y a-t-il d’essentiel dans le molinisme ? — On peut s’en rendre compte par ce en quoi s’accordent les molinistes dans la défense de cette doctrine. Cf. art. Molinisme, col.’2166.

Tout d’abord l’essence du molinisme setrouve dans une définition de la liberté créée qui entraîne la négation de l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce, et qui oblige à admettre la science moyenne. Sur cela tous les théologiens qui se rattachent de près ou de loin au molinisme sont d’accord. Leurs adversaires reconnaissent aussi que tel est le point de départ du système molinlste et refusent d’admettre cette définition du libre arbitre, qui, à leurs yeux, ne serait pas traditionnelle.

Elle est ainsi formulée par Molina au début de la Concordia, q. xiv, a. 13, disp. II, p. 10 : JUud agens liberum dicitur quod, positis omnibus requisilis ad agendum, potest agere et non agere. Cette définition, reproduite dans la suite par tous les molinistes, est sous-jacente à toutes les thèses de la Concordia, cf. p. 51, 190, 225, 230, 231, 304, 3Il sq., 318, 356, 459 sq., 498, 502, 565, et elle implique nécessairement la théorie de la science moyenne, p. 31 <S.

Que signifient exactement pour Molina et les molinistes les termes de cette définition du libre arbitre : jacullas qiue, positis omnibus requisitis n<i agendum, potest agere vel non agere. Os nuits positis omnibus requisitis visent non seulement ce qui est prérequis a l’acte libre selon une priorité’le temps, mais ce qui est prérequis selon une simple priorité de nature et de causalité, comme la grâce actuelle reçue a l’instant même où s’accomplit l’acte salutaire. De plus, selon son auteur, ce1 1e définition ne signifie pas quc. iii, U s. la grâce efficace, la libellé conserve le pouvoir de résister sans jamais vouloir, sous cette grâce efficace, résister de fait (idée thomiste) : (41e signifie que la grâce n’est