de se rappeler la déclaration de Pie IX (Denzinger,
n. 1077) : Nolum nabis vobisque est, eos, qui invincibili cirai sanciissimam nostram religionem ignorantia laborant, quique naturakm Icgem cjusque prxcepla in omnium cordibus a Deo insculpta sedulo servantes ac Deo obedire parati, Iwnestam reclamque vitam agunl, posse, diviiuv lucis et gratinopérante virtute, œlernam consequi vitam, cum Deus, qui omnium mentes, animos, cogitationes liabitusque plane intuetur, scrutatur et noscit, pro summa sua bonitate et clemenlia minime patiatur. quempiam tvlernis puniri suppliciis, qui volunlariæ culpæ realum non habeal. Sed nolissimum quoque est catholicum dogma, neminem scilicet extra catholicam Ecclesiam posse salvari et contumaces adversus Ecclesise auctoritatem… perlinaciter divisos œlernam non posse oblinere salulem.
Conclusion : La transcendance du mystère de la prédestination. — Il nous reste à dire quelques mots de la transcendance de ce mystère surnaturel et du mode de connaissance par lequel ici-bas on peut mieux l’atteindre dans l’obscurité de la foi. C’est un exemple des plus frappants de ce qu’on peut appeler le clair-obscur théologique.
En étudiant les mystères de Dieu, particulièrement la conciliation de celui de la prédestination avec la volonté salvifique universelle, on est frappé par l’évidence de plus en plus grande de certains principes qui pourtant ne se peuvent concilier intimement que dans l’obscurité impénétrable de la Déilé. Il y a là un clair-obscur des plus saisissants : les principes à concilier sont comme les deux parties d’un demi-cercle extrêmement lumineux qui entoure une obscurité supérieure inaccessible. Et plus les deux parties du demi-cercle deviennent lumineuses, plus augmente en un sens l’obscurité du mystère qui les domine. Mieux en effet on voit, d’une part, que Dieu ne peut nous conmiander l’impossible et qu’il veut par suite le salut de tous les hommes, et, d’autre part, que nul n’est meilleur qu’un autre s’il n’est plus aimé par Dieu, plus aussi on voit que ces deux principes, si certains pris séparément, mais en apparence contraires, ne se peuvent concilier que dans Véminence de la Déilé, souverainement obscure pour nous.
C’est là un mystère beaucoup plus obscur que celui de la conciliation de la prescience, des décrets et de la grâce de Dieu avec notre liberté. Si Dieu est Dieu, il suit de là qu’il est tout-puissant et qu’il doit pouvoir mouvoir suaviter et fortiler notre liberté, surtout aux actes salutaires et méritoires. Comment concevoir autrement les actes libres et méritoires que devait infailliblement accomplir ici-bas pour notre salut la volonté humaine de Xotre-Seigneur Jésus-Christ, ou encore le fiai que Marie devait librement et infailliblement donner le jour de l’Annonciation, pour que le Sauveur nous fût donné.
Il y a certes un mystère dans la conciliation de la liberté de nos actes méritoires avec les décrets infailliblement efficaces de Dieu ; mais beaucoup plus obscur encore est Je mystère du mal permis par Dieu. Tandis que les mystères de grâces, obscurs pour nous, sont très lumineux en eux-mêmes, les mystères d’iniquité sont obscurs en soi, le mal étant une privation de lumière et de bonté. Il suit de là que h’grand mystère qui nous occupe, celui de la conciliation de la prédestination restreinte avec la volonté salvitique universelle, se trouve surtout, aux yeux de saint Augustin et de saint Thomas, dans l’union incompréhensible et ineffable de l’infinie miséricorde, de l’infinie justice et de la souveraine liberté. C’est ce que ces deux grands docteurs ont souvent formulé en disant : Si Dieu accorde la grâce de la persévérance finale à celui-ci, c’est par miséricorde ; et s’il ne l’accorde pas à cet autre, comme au mauvais larron, c’est par un juste
châtiment de fautes antérieures et d’une dernière résistance au dernier appel.
Mystère immense, qui résulte de l’union intime de trois perfections infinies : miséricorde, justice et souveraine liberté. L’obscurité est grande, niais nous voyons qu’elle ne provient pas de l’obscurité ou de l’incohérence ; nous y sommes conduits par les deux principes absolument certains : « Dieu ne commande jamais l’impossible » et : « Nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. »
C’est ici surtout que nous saisissons la vérité de ce que dit saint Thomas au sujet de la foi : Fides est de non visis. L’objet de la foi est essentiellement obscur, il n’est ni vu ni su, neque visum, neque scitum. ID-Ib’c, q. i, a. 4 et 5. Mais la foi vive, unie à la charité, est accompagnée normalement du don d’intelligence qui, sous la lettre de l’Écriture, pénètre le sens ou l’esprit des mystères, et du don de sagesse qui les goûte. Et alors les grands croyants saisissent que, dans les mystères de la foi, ce qu’il y a de plus obscur de cette obscurité translumineuse, c’est ce qu’il y a de plus divin, c’est la Déité elle-même, qui concilie dans son éminence inaccessible Miséricorde, Justice et Liberté. Ce qu’il y a de plus obscur dans les mystères apparaît alors comme souverainement bon, et, tandis que l’intelligence ne peut y adhérer dans la lumière de l’évidence, la volonté y adhère surnaturellement et immédiatement par l’amour très pur de la charité. Ila-II" 3, q. xxvii, a. 4 ; q. xlv, a. 2.
On s’explique alors pourquoi les âmes intérieures qui ont à subir les purifications passives de l’esprit, décrites par saint Jean de la Croix dans la Nuit obscure, sont généralement très tentées contre l’espérance, en pensant au mystère de la prédestination. Ces tentations sont permises par Dieu pour mettre ces âmes dans la nécessité de s’élever par la prière, par une foi plus pure et par une confiance pleine d’amour et d’abandon, au-dessus des raisonnements humains ; et c’est alors la contemplation infuse, fruit des dons d’intelligence et de sagesse, qui commence à atteindre.d’une façon vraiment supérieure, dans l’obscurité de la foi, le point culminant du mystère dont nous parlons.
Et c’est ici qu’on entrevoit les fruits de cette doctrine si haute et qu’on parvient à une « certaine intelligence très fructueuse du mystère » pour redire les expressions du concile du Vatican.
Ces fruits spirituels du mystère qui nous occupe, nous ne saurions mieux les exprimer qu’en citant pour terminer deux lettres de Bossuet sur ce sujet. En réponse à une personne tourmentée par cette question : Comment peuvent s’accorder ces paroles : Dieu veut le salul de tous les hommes, avec le mystère de la prédestination ? il répond : « Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus », dit Jésus-Christ. Tous ceux qui sont appelés peuvent venir s’ils le veulent : le libre arbitre leur est donné pour cela et la grâce est destinée à vaincre leur résistance et à soutenir leur faiblesse ; s’ils ne viennent pas, ils n’ont à l’imputer qu’à eux-mêmes ; mais, s’ils viennent, c’est qu’ils ont reçu une touche particulière de Dieu, qui leur inspire un si bon usuge de leur liberté. Ils doivent donc leur fidélité à une bonté spéciale, qui les oblige à une reconnaissance infinie, et leur apprend à s’humilier, en disant : « Qu’as-lU que lu n’aies pas reçu ? et si tu l’as reçu, de quoi peux-tu le glorifier ? »
Tout ce que Dieu fait dans le temps, il le prévoit, il le prédestine de toute éternité : ainsi, de toute éternité, il a prévu et prédestiné tous les moyens particuliers par lesquels il devait inspirer à ses fidèles leur fidélité, leur obéissance, leur persévérance. Voilà ce que c’est que la prédestination.
Le fruit de cette doctrine est de mettre notre volonté et notre liberté entre les mains de Dieu, de le prier delà diriger de manière qu’elle ne s’égare jamais, de loi rendre grâces de tout le bien qu’elle lait et de croire que Dieu