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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/105

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PRIÈRE PUBLIQUE ET PRIÈRE PRIVÉE

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se retrouvent dans la prière publique, qui est une prière vocale et stéréotypée. R. Hoornært, Liturgie ou contemplation, dans Études carmélitaines, aril 1932, p. 177-215, s’efforce de prouver que la liturgie non seulement ne nuit pas a la contemplation, mais lui est favorable : « Pour nous résumer, écrit-il, nous voyons donc la prière liturgique, louange de l’Épouse appelant son Époux, nous pousser à la recherche de Dieu, unilier nos facultés, échauffer en nous la louange intérieure et enfin nous lancer en pleine contemplation des choses invisibles. P. 202. En un mot, la prière liturgique serait une excellente préparation à la contemplation, qui parfois même se produirait au cours de la prière liturgique : « Liturgie et contemplation, loin d’être des modes de prière qui s’excluent, sont donc tout simplement deux moments d’un même et unique mouvement d’amour. Ces deux moments sont même si peu séparés l’un de l’autre qu’en certaines phases moins accusées ils peuvent fort bien se superposer. Bref, non seulement il ne saurait y avoir entre eux aucune incompatibilité essentielle, mais nous croyons qu’il n’y a même pas toujours entre eux d’incompatibilité chronologique. » Ibid.

il y aurait beaucoup à dire à ce sujet. Mais n’oublions pas la question à résoudre : la prière publique, en tant que publique, est-elle plus favorable à la contemplation que la prière privée ? Il semble bien que tout ce qu’on nous dit de l’aptitude de la prière liturgique à produire la contemplation vaille surtout de la « méditation liturgique », dont parle dom G. Lefebvre, dans Liturgia, p. 182-208, ou d’une prière publique qui sera aussi peu « publique » que possible et qui se rapprochera beaucoup de la prière privée, c’est-à-dire de la prière solitaire et silencieuse : par exemple, la prière silencieuse du prêtre à l’autel, du Te igitur à la communion, pourvu du moins qu’aucune circonstance extérieure ne vienne le déranger dans son tête-à-tête avec Dieu.

Reconnaissons que la prière publique peut être parfois une cause « occasionnelle » de contemplation : quand, après le fracas des hosanna, tout à coup sur la foule prosternée le grand silence s’établit, qui n’est plus traversé que par les discrets tintements de la frêle clochette, l’âme apaisée peut, en effet, se recueillir en Dieu et se sentir toute proche de lui ; ou bien, quand, au retour de la communion, goûtant la présence de son Dieu, le fidèle est bercé par les voix célestes de l’orgue qui versent dans ses oreilles les sons vibrants de quelque mélodie coutumière, par exemple : Le ciel a visité la terre, la paix, la joie peuvent alors envahir l’âme soustraite un moment à toute préoccupation terrestre ; ou bien enfin, quand, au cours de sa messe quotidienne, le prêtre, qu’une longue habitude a délivré de toute préoccupation concernant les rites extérieurs qui s’accomplissent ainsi machinalement, peut se livrer à la prière du cœur, peut savourer, à mesure qu’elles passent sur ses lèvres et devant le regard de son esprit, les pensées d’une liturgie qui répondent aux aspira-I ions de son cœur : oui, dans ces circonstances, la contemplation, le recueillement en Dieu, l’union foncière de l’esprit et du cœur à Dieu peut accompagner la prière publique.

Mais il faut bien reconnaître aussi que ce sont là des « accidents » et que la prière publique comme telle n’est pas de soi favorable, est plutôt défavorable à la contemplation. Il n’est, pour s’en convaincre, que de lire Duguet, Traité de la prière, principalement de la publique, où les motifs et les moyens qui peuvent contribuer ii y conserver de l’attention et de la ferveur sont explitiués. Richard Kolle, l’ermite de llampole, proclame l’ « incompatibilité du chant spirituel avec le chant humain », Le feu de l’amour, t. II, C. m ; c’est pourquoi il s’est retiré dans la solitude, pour o fuir les auditions

que l’on a l’habitude d’entendre dans les églises et les chants harmonisés que les auditeurs viennent écouter ». C. i, p. 185, de la traduction Nœtinger, Tours, 1928.

Il s’assied dans la solitude sans se joindre aux autres pour la psalmodie, et surtout sans chanter avec eux. » C. ii, p. 194. Alors, quand il plaît à Dieu de l’en favoriser, un « chant monte jusqu’à ses lèvres et lui fait moduler ses prières dans une sorte de concert spirituel ou se trouve tant de douceur céleste que sa langue en est embarrassée… Il loue Dieu dans la jubilation, mais en silence, et, dans une inexprimable suavité, il exhale son cantique de louanges en présence de Dieu, sans que les oreilles humaines en puissent rien percevoir. » lbid., p. 191-195.

Il nous reste à parler de la valeur moralisatrice et éducative de la prière publique et de la prière privée : laquelle des deux contribue plus efficacement à notre perfectionnement, à notre sanctification ? laquelle est plus apte à nous purifier de nos défauts, à développer en nous toutes les vertus, particulièrement la charité, l’amour effectif de Dieu et du prochain, en la perfection de laquelle consiste spécialement la perfection chrétienne ? laquelle procure à notre intelligence plus de lumières sur le devoir, à notre volonté plus de forces pour l’accomplir ? ut et quæ agenda sint videant et ad implenda quæ viderint convalescant. Dom. infra octavam Epiphuniæ. Incontestablement, la prière publique, la récitation attentive et dévote de l’office divin, l’assistance et la participation active à la messe et aux offices paroissiaux, liturgiques ou semi-liturgiques, possèdent à cet égard une très grande efficacité. « Il y a dans les prières de l’Église, dit Nicole, des idées de toutes les saintes passions et de tous les saints mouvements que l’amour de Dieu doit exciter dans nos cœurs… Quelle est donc en cela l’intention de l’Église ? Elle veut que nous formions dans notre cœur ces mêmes mouvements, dont elle peint l’image dans notre esprit… et enfin que nous nous transformions dans tous les saints mouvements et toutes les passions divines que le Saint-Esprit a exprimés dans les psaumes et dans les autres prières de l’Église. » Cité par Bremond, Introduction à la philosophie de la prière, p. 210-211. Incontestablement, la liturgie, par exemple les lectures de Pavant-messe, les psaumes, les « leçons » du bréviaire, fournissent à notre intelligence ample matière à réflexion, à méditation, sur nos devoirs ; mais encore faut-il, pour que tout cela agisse efficacement sur nous, que nous prenions le temps de le ruminer, de nous l’assimiler, en un mot de transformer la prière publique en prière privée ; en d’autres termes, ce n’est pas en tant que prière publique que la liturgie possédera cette efficacité moralisatrice. Cf. dom G. Lefebvre, Liturgia. p. 181. En revanche, c’est bien dans la prière publique comme telle, en raison spécialement de l’efficacité particulière de la messe et des sacrements, que notre volonté trouvera les forces nécessaires pour bien agir : et ad implenda quæ viderint convalescant. C’est ce que démontre dom Capelle, dans Prière, liturgique et vie chrétienne, p. 113 sq. [.V. B. — Les « liturgistes » d’aujourd’hui, s’ils reconnaissent à la prière publique une valeur moralisatrice et éducative, proclament néanmoins que la sanctification de l’homme n’est pas sa fin principale, à rencontre des « ascéticistes » ; cf. Bremond, Hist. lilt., t. vu. p. 32-35 ; Guardini. L’esprit de la liturgie, trad. R. d’Harcourt, Paris, 1929, c. vu : Le primat du Logos sur l’Elhos ; et dom Capelle, op. cit.. p. 112 : « Par sa nature et par son but, l’acte liturgique n’est pas nécessairement et n’est pas immédiatement ordonné à soutenir la vie morale. » )

b) Légitimité de lu prière privée. - - Il semble étrange qu’on soit obligé de plaider la légitimité de la prière privée, quand l’Évangile est si clair à ce sujet : « Quand tu veux prier, entre dans la chambre, et. ayant ferme