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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/108

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    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. LÉGITIMITÉ

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II. SOLUTION DES DIFFICULTÉS.

C’est le rôle du théologien de légitimer la pratique courante, de trouver es raisons pour la maintenir, alors que les raisons qui lui ont donné naissance se révèlent caduques et périmées : « Il nous faut tâcher, dit saint Thomas, de concevoir l’utilité de la prière, en nous gardant d’imposer une nécessité quelconque aux choses humaines soumises à la Providence, sans pourtant estimer que l’ordre établi par Dieu puisse changer. » Sum. theol., ibid. Il faut trouver à la prière une base théologique, il la faut accorder avec la théologie, il faut en faire une prière théologique. Pratiquement sans doute, le théologien, comme le simple Adèle, continuera à réciter des formules de prières teintées d’anthropomorphisme : même dans sa prière spontanée, il parlera à Dieu comme le simple fidèle. Mais, au moins, il sait l’imperfection inévitable du langage humain, des conceptions humaines de Dieu, de ses rapports avec nous et de nos rapports avec lui ; il sait que Dieu ne s’offusque pas de nos façons enfantines de nous le représenter et de nous comporter avec lui. Voyons donc ce que la I néologie répond aux difficultés que l’on oppose à la légitimité de la prière « naïve.

1° D’abord, il n’csl pas vrai que noire prière « il pour but de luire connaître à Dieu nos besoins, nos désirs, ou du moins d’attirer sur eux son attention. - Mais alors pourquoi les énumérer, les détailler ? pourquoi nous racontera Dieu ? C’est, répond salnl Thomas dans les Sentences, loc. cit., ad 2 u ", , ul afjectum et intelleclum nostrum dirigamus in illum, pour que nous tournions vers lui notre intelligence et notre cœur. 1 a réponse est un peu courte. « Si nous adressons des prières a Dieu, dit la Son nie ihéologique, loc. cit., ad l ". ce n’est pas par nécessité de lui faire connaître nos besoins ou nos désirs ; c’est pour nous faire entendre a nous mêmes qu’en pareil cas on doil recourir au secours de Dieu : sid ut nos ipsi consideremus in lus ml divinum auzilium

esse ret ui retidiim. » Celte fois, la réponse est bien un peu subi ile. Au vrai, a quoi I en dent ces ( nuiniial ions, ces descriptions, cet étalage de nos misères aux eu de Dieu ? Non à l’instruire sans doute, niais plutôt a l’apitoyer ; et donc la première difficulté, s’il en est ainsi, se confond avec la seconde.

Pourtant, cet étalage, s’il n’a pas d’autre but. pourrait avoir un autre résultai : « celui de nous faire mesurer à nos propres yeux retendue de nos déficiences et (le nous porter à « le fervents et pieux désirs, ce qui pré cise meni nous rend idoines à recevoir ce que nous espérons obtenir en priant ". ll use., r, loc. cit. On sait le parti que le 1’. Mennessier a tiré de ces derniers mots pour expliquer la causalité « le la prière, cf. I. « religion

(tlad française de la.Se ; me II i Im ii/ue de saint’lia nias), t. i, p. 349 et 352. Saint Thomas paraît bien avoir ( ni puni te « cite idée à saint Augustin, qui, dans

sa fameuse Lettre à Proba, n. 17. P. /… t. xxxiii,

COl. 51). disait que, si I lieu nous de mande de lui expo

sei nos besoins, ce n’est pas pour les lui l’aiie connaître, mais < pour que, dans la prière, notre désir s’accroisse. afin que nous puissions être en i tat de recevoir ee qu’il se prépare à nous donner, sed exererri (voluit) in oratienibus desiderium nostrum, quo possimus capere quod prwfarat dure ; cela, en effet, est bien grand et nous S( mines, nous, bien petits et bien étroits pour le reccvoii ; aussi l’on nous dit : « Dilate/vous ; c’est qu’en ellel nous en recevrons d’autant plus que nous le croirons plus fidèlement, que nous respirerons plus fermement, que nous le désirerons plus ardemment, tanto quippe illud quod valde magnum est… sumemus eu/ -acuis, quanta id et /idelius credimus. el s/terumus l’irniius. et desideramus ardentius, » Le Catéchisme romain, part. IV, e. ri, n. 10. s’inspire aussi de la Lettre à Proba dans l’explication qu’il donne du but et de la causalité de la prière : « Si Dieu veut que nous ayons recours a

l’exercice de la prière, c’est pour que, brûlants du désir d’obtenir ce que nous souhaitons, nous nous haussions à ce point par l’ardeur de notre désir, que nous devenions dignes d’être gratifiés de ces bienfaits que notre âme froide et rétrécie n’était pas capable de recevoir. 2° La prière a-t-elle pour but de toucher le cœur de Dieu, de l’apitoyer, de le fléchir, de l’incliner à nous exaucer’.' — Il le semble bien ; autrement, à quoi tendraient ces obsecraliones qui sont, d’après saint Thomas, une partie intégrante de la prière ? Cf. II -II r q. lxxxiii, a. 17 ; Suarez, op. cit., I. II, c. iii, n. 9. Ces obsecrationes, ce sont les raisons qu’on peut faire valoir. les titres qu’on peut invoquer auprès de Dieu pour obtenir ce qu’on demande. Ces titres, comme les appelle Suarez, se prennent tantôt du côté de Dieu, tantôt du côté du Christ, parfois du côté d’autres saints, souvent du côté de l’orant lui-même. Du côté de Dieu, on peut en premier lieu alléguer sa promi i i ondement, sa bonté et sa miséricorde… ; quatrièmement, qu’il y va de sa gloire, et autres choses semblables. I.es motifs qu’on peut alléguer ex tarte Christi sont les plus appropriés… : et c’est pourquoi l’Église conclut toute prière par cette obséCTatiou : Per Christum Dominum nostrum. Il semble bien que l’ortttto,

conformément a son sens originel, est une plaidoirie où l’on Invoque les raisons que l’on croit le plus capables

de convainc le Dieu, de l’amènera nous accorder ce que nous lui demandons. Or. déclare saint Thomas, animus

lui i si immulabilis et in fia ibilis. I lonc, la prière paraît bien inutile.

On sait comment saint Thon la s npond a cette oh t ion. La providence de Dieu, dit-Il, ne se borne pas a établir que tel ou Ici effet sera produit, c liede termine

aussi en vertu de quelles causes et selon quel ordreil le sera. Or. l’activité humaine a son efficacité propn

neius peiuveins la lue lire au rang elese alises ( In eiit par

la que, si l’homme doit agir ce n’est polnl « pi’actes puissent changer quoi que ce soll a l’ordre rtlvi ne nient établi ; ils sont simplement re epiis a la réalisation de certains effets que Dieu a eiuiu faire dépendre d’eux… Nems n’avons polnl dessein, en priant « 1 « - rien changer a l’ordre établi par Dieu : nous prions poui obtenir ce que Dieu a « i t * ieie d’accomplir par le moyen

eles pi nies des âmes saintes, ut ut ImpelremUS i/lli d

liens disposuit ter i ruti mplendum. i Ibid.,

a.’.' f.ommentani cel article, .ban « i » - Salnl ["bornai explique que la prière n’agil pas g la manière d’une cause morale) n i pousserait, exciterait et Inclinerai ! Dieu a nous accorder ce que nous lui demandons ; elle

est seulement une condition mise par Dieu a l’obten lion eh’ses elons, tiii.quiiii : fer i l hdilii’lu tu et nuilium

disi ositum a Deo, ut non aliter it<it< tur nobis qui d oolumus, tnsi explicando ei nostrum desiderium, pelendo ri subjicienda nos ipsi. Loc, ni., p 755 756 On pourrait presque dire que la prière est unecause physique qui déclenche l’activité divine ; patet igitur ex prsri quod aliquorum quæ flunt " Deo causa sunt oratioi lia desideria.. I lire qu’il ne faut pas prieT pour obtenir quelque chose de Dieu, parce que l’ordre de sa provi dence est Immuable, équivaudrai ! a dire qu’il ne faut

pas marcher pour se rendre d’un lieu à un autre, ni manger pour se nourrir, (.mit. cent., I. III.e xe i ce propos. Suarez, op. cit., t. I, c. VI, n 11. soulève une epie-sliem spéculative : CCS elle-ts demi la réalisation île pend de la prière. Dieu a-t-il décide leur existence ex prsroisa oratione. ou bien au contraire la prière doit-elle son existence ex pnvfiniliotie efJectUS et sntum sit ratio cxecutionis ejus II se prononce, du moins pour ce qui concerne les principaux effets de la grâce’, pour la seconde hypothèse : rïcal per oraliones obtineantur, efllcaciter prsrordinati sunt unie prsevisam orationem. Jean de Saint Thomas discute cette opinion de Suarez. loc. cit., p. 758.