croyant s’appuyer sur Cajetan, que le décret et le concours divins ne sont pas prédéterminants et qu’il n’y a pas de motion créée reçue dans la puissance opérativc de la créature pour la faire passer à l’acte. Il n’y a pour eux qu’une assistance extrinsèque de Dieu. Cf. Satolli, De opérât. dii<., disp. II, lect. 3, et Paquet, De Dru uno, disp. VI, q. i, a. 5.
Le P. del Prado, op. cit., t. iii, p. 496 sq. et 501-507, montre qu’il n’y a pas de milieu entre la doctrine des décrets prédéterminants et la théorie de la science moyenne : la connaissance divine <les Futurs libres conditionnels suppose en effet un décret divin ou elle ne le suppose pas. Si l’on dit, en rejetant la science moyenne, qu’elle le suppose, ce décret est prédéterminant, sans il ne feiait pas connaître infailliblement le futur libre conditionnel, ou futurible. Sans doute, ce n’est pas selon une priorité de temps que ce décret précède nos actes libres, mais selon une priorité de nat are et de causalité, et il est mesuré lui-même par l’unique instant de l’immobile éternité. S’ensuit ii, comme le dit le cardinal Satolli, ibid., que le mystère est supprimé par la détermination de ce décret divin ? Nullement, disent les t homistes, le mystère reste, en ce sens que ce décret divin prédéterminant s’étend jusqu’à ce qu’il
a de plus obscur pour nous, jusqu’au mode libre de nos actes, et Jusqu’à l’acte physique du péché sans
I tre aucunement cause cependant du désordre qui est
dans cet acte.
il faut en dire autant de la motion divine, qui a elle
I gur nos actes, une priorité, non de temps, mais de causalité, el cette priorité de causalité a été admise pu
Cajetan, In P", q. XIX, a. 8, comme par les autres thomistes (Cajetan exclut Ici la priorité « le temps et non pas (elle de nature ; cf.. del l’rado, /or. cit.)
N’y a t il aucune motion <ri’rr reçue dans la cause seconde ? Ouclques uns ont pensé que, par ces mots
prémotion physique*, les thomistes voulaient qualifie ] l’action Incréée de Dieu conçue comme en relation a ec la nôtre. Il n’y aurait pas alors de mot ton I 1 1 l.a doctrine de saint Thomas et de ses disciples est
très nette sur ce point. Ils enseignent communément que l’action même de Dieu ad extra est formellement
immanente et virtuellement transitive (cf. I’, q, , a. l, ad 3°™ ; Conl. gent., I. II. c. xxiu. § l ; c, xxi, § 3)
et qu’il n’y a pas de relation réelle <le Dieu à nous ; II V
a seulement de la créature a Dieu une relation de dépendance, qui n’est nullement réciproque. I’, q. xiti,
a. IL’. Ainsi, l’action créatrice est formellement immanente et éternelle, bien qu’elle produise, au moment voulu d’avance par Dieu, un effet dans le temps ; cl. (’.ont. gent., I. II, c. XXXV. Tandis que l’action loi
mollement transitive, comme la caléfaction de l’eau par
le charbon incandescent, est un accident qui procède de l’agent et se termine dans le patient, Tact ion divine <"/ extra ne saurait être un accident : elle s’identifie réelle ment avec l’essence même de Dieu ; elle est donc foriiiellemenl immanent e, et, sans avoir les Imperfections de l’action formellement transitive, elle lui ressemble pourtant, en tant qu’elle produit un effet réellement
distinct d’elle, soit spirituel, soit corporel. C’est en ce
sens qu’elle est dite virtuellement transitive, car elle a éminemment toute la perfection d’une action Formelle
ment transitive, sans avoir les Imperfections essen I telles de celle ci.
Ou voit par là que la motion incréée de Dieu ne res
semble qu’analogiquement à la motion d’un agent créé, laquelle est incapable de mouvoir Intérieurement et infailliblement notre volonté à choisir ceci ou cela : cf. i’. q xix, a. 8 ; q. cv, a. t, el l II », q. ix, a. I ; q. x, l.a plupart « les objections contre la preniotion divine viennent de ce qu’on conçoit l’action divine comme ressemblant univoquement à une action créée, laquelle ne peut s’étendre à produire en nous et avci
nous jusqu’au mode libre de nos actes. Cf. card. Zigliara, O. P., Summa philosophica : Theol. nat., t. III, c. iv, a. 4, §.5.
Mais de ce que la cause seconde ne saurait être indépendante d’une action divine, s’ensuit-il qu’il n’y a aucune motion créée reçue dans la cause seconde, et antérieure à l’opération de celle-ci selon une priorité non de temps, mais de causalité ? S’ensuit-il que la grâce actuelle, opérante ou coopérante, s’identifie soit avec l’action incréée de Dieu, soit avec l’acte salutaire dont on dit qu’elle est cause ?
Saint Thomas répond dans un article où il a traité ex professa et le plus longuement cette question, // potentia, q. nr, a. 7 :
lit çpiod a Deo lit in re natiirali, quo aetu.ilitei agat, est
ut intentio sola, babeoa esse quoddam Incompletura, pes modum quo colores sunt in aère et irtns artii In instrumente artifleis… Ret naturaU potuit enferri vfrtus p ro pria, ut forma m lp « i permanens, non autem » is.pi.. H ad i m ut Instrumentum prtnue causas, aist daretui et quod unlversale essendt prinetpium ; nec iterum virtuO aatunll content potuit ut moverel letpaam, nec ut conservarel se m esse ; mule lieu) patet quod Instrumenta artlficis conXerri non oportull quod operaretur absque motu ariis, |ta ret naturall confeni non potuit quod op< raretur absque operai lonc divlna.
lie même, saint Thomas, en parlant de la l actuelle, distingue la motion divine reçue en nous et
de Dieu et de nos actes de connaissance et d’amour ; cf. I’-Il », cp ex, a. 2, ou il est dit de la L’r.’iee actuelle :
est effectué gratultm Dei voluntatt*…, in quantum anima hominit mooetur a Deo ad aliquid ndum, rel
volendum, velagendum. On lit plus clairement encore, (’.ont. gent., 1. [II, c. < i. | i ; Mollo mooentls pr » molum mobills, ratlone et cauaalitate, et I, III. c i wi, s> i : Complementum vlrtultt agentlt teeundi e^t n agente primo.
On a objecté, c r. Satolli, De oper. dir., disp. ii, lect..’! ; celle motion divine ainsi reçue diminuerait l’amplitude de la causalité divine, cpii aurait besoin de
cette disposition déterminée pour produire l’opération
de la cause seconde. Et, en outre, il a contradiction
à soutenir que la cause sec onde est elctenni
par une dernière formalité et que pourtant elle se
détermine elle même-.
Le P. ciel Prado, op. ii. t. iii, p. tT’.i, répond a
cela : ce n’est pas la e.msc première qui a beseim de
cette détermination reçue dans la cause seconde ; c’est
celle et cpii a besoin d’être mue ou appliquée I agir par la cause’première. L’amplitude de là causalité’divine
n’est nullement diminuée par là. car Dieu n’a dk que de vouloir efficacement pour réaliser ce qu’il veut.
A la seconde difficulté, les thomistes répondent : il v aurait certes contradiction a soutenir que la cause seconde libre est déterminée a agir par une dernière
formalité qui est son acte même ei qu’elle se détermine
a tel acte. Mais il ne faut pas confondre la motion qui porte la cause’seconde a agir, avec l’opération de celle ci. La motion, par exemple la grflee elbe.ne, est donnée en vue de l’action ; elle ne S’identifie pas avec elle. I le même, la caléfact ion passi e’de’l’eau par le feu ne S’identifie pas avec Tac-lion epfecrcc l’eau chaude sur les corps environnants. De plus, nous le verrons mieux dans la suite, l’expression i preniotion pie de
terminante signifie une prédétermination, non pas formelle, mais ( ausale.
Nous venons de voir ce que, selon le thomisme clas sique, la motion divine n’est pas. On voit par la les deux positions extrêmes, dont s’éloigne, selon les thomistes, la vraie doctrine de saint Thomas, eu s’elcvant au milieu et au-dessus d’elles.
D’une part, la motion divine ne rend pas l’activité de la cause seconde superflue, comme le dit l’occasion-