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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/281

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    1. PROBABIUSME##


PROBABIUSME. L’INTERVENTION D’ALEXANDRE VIII

spécialement consulter les articles <l<-.1. Brucker, s. i., ii.m* les Éludes, de mars 1901 a nov. 1903 ; du P. Mandonnit, 0. P., dans la Beo. thomiste, de sept. 1901 ii jiinv. 1903, publié ! séparément sous le titre : Le décret d' Innocent XI contre le probabilisme, Paris, 1903 ; l'étude de Fr. Ter Haar, r. ss. H., I)(ls Dekrel des Papstes Innnccnz XI. ùberden Pr<>babilismiu, Paderborn, 1904. 1 >ans l’ouvrage d’A. Lehmkuhl, Probabilismus uindicatus, l’iibourg, 1906, les p. 78-. Il concernent ce sujet ; de même dans celui de J. Iirucker, S. J., La Compagnie de Jésus, Paris, 1919, les ». 524 sq. l’n récit très détaillé dans A. Astrain, Historia de ta Compaha de Jesûs en la asistencia de Espafta, t. VI, Madrid, 1920, p. 1 19372, avec des chapitres d’introduction sur le probabilisme avant le P. Gonzalez : en tête de ce tome, une précieuse bibliographie d’inédits sur le probabilisme, spécialement autour de rafïaire Gonzalez, p. x-xii. Dans le même sens que ce dernier ouvrage voir l’art. Probabilisme, dans le Dicl. apologétique…, t. iv, Paris, 1922, col. 331-332 ; Pastor, Gcschichte der Pàpsle, t. i b, p. 979-983, 1110-1123. Nous avons déjà renvoyé aux articles précédents publiés ici : Gonzalez, Innocent XI, Oliva.

II. LA CONDAMNATION PORTÉE PAR ALEXANDRE VIII

(1690). — Entre la condamnation d’Innocent XI en 107'. » et celle d’Alexandre VIII en 1690, un certain nombre d'écrits ne laissent pas d'être mis à l’index, émanant d’auteurs d’ailleurs obscurs et fauteurs d’une morale trop complaisante. Voir Reusch, Index, p. 510511.

En août 1690, Alexandre VIII intervenait en condamnant, nous l’avons indiqué déjà, deux propositions venues du camp de la morale large. Mais il proscrivit, en décembre de la même année, une série de propositions venues du camp adverse. Au nombre de trente et une, elles intéressent toutes sortes de matières théologiques où la morale, au sens d’alors, n’est que faiblement représentée. De ce chef, il faut aussitôt le remarquer, ce nouveau catalogue ne fait point pendant à ceux d’Innocent XI et d’Alexandre VII, lesquels sont uniquement composés de propositions de morale. Il n’y a jamais eu une casuistique rigoriste comparable à la casuistique laxiste. Sur les dénonciations, examens et tractations qui sont à l’origine de ce décret, sur sa nature aussi, voir l’art. Alexandre V III, t. i, col. 751, où l’on trouvera en outre l’analyse détaillée du document. On remarquera que les notes de la condamnation s’entendent du « tout respectivement », c’est-à-dire que chacune des propositions mérite quelqu’une ou plusieurs des qualifications dites, sans devoir vérifier la totalité de celles-ci. Seules relèvent de notre étude les 2e et 3e propositions. La 2e, relative à l’ignorance du droit naturel, est ainsi libellée :

Tametsi detur ignorantia Supposé qu’il y ait une invincibilis juris naturæ ignorance invincible du droit liæc in statu naturae laps : c naturel, elle n’excuse pas operantem ex ipsa non excud’un péché formel dans l'état sat a peccato iorninli. de nature déchue celui qui

agit d’après elle.

La proposition condamnée ne nie donc pas qu’il y ait une ignorance invincible du droit naturel, selon la thèse favorite de Sinnigh, de Nicole, de Contenson et, moins nettement, de Baron. Mais beaucoup plus crûment, supposé qu’il y ait cette ignorance invincible, elle refuse d’y voir une excuse au péché. Sous cette forme, la proposition avait été naguère dénoncée dans un petit livre intitulé Status, orign, scopus reformalionis hoc tempore attentatæ in Belgio circa adminislrationem et usum sacramenti pœnitentiæ, juncta piorum supplicatione ad Clementem X, P. M., que publiait à Mayence en 1(575, sous le pseudonyme de François Simonis, le jésuite Gilles Estrix, très mêlé aux querelles théologiques de Louvain et qui devait devenir dans les dernières années de sa vie († 1691) le secrétaire de Gonzalez ; il appuya son supérieur au point d'écrire dans le sens du Fundamentum… une Logislica probabilitaturn, publiée dans le recueil des Synopsis dont nous avons

parlé. Sur Ivstiix, voir Hurter, Nomenclator, t. iv,

col. 328, 271, 283, 954. L’une des doctrines prises u partie en son ouvrage, c. ii, sect. i, dogma '>. est en effet la suivante : Xulla ignorantia legis naturae inuincibilis sil, excusât agentem contra legem. Et l’auteur en attribue la paternité à Macaire Havermans, un prémontré d’Anvers, avec lequel Estrix, après son confrère Philippe de Homes, échangea quelques pièces de controverse. Doctrinalemenl, cette proposition ne se soutient que moyennant une conception exorbitante du péché originel, que dénonce précisément le même ouvrage et qui deviendra la l re proposition de la série condamnée par Alexandre VIII : lien doctrinal qui nous éloigne davantage de la thèse refusant purement et simplement l’ignorance invincible du droit naturel, telle du moins que l’entendaient certains de ses défenseurs. Les accusations d’Estrix ont donc été retenues dans la liste de propositions condamnables envoyée à Rome en 1680 par l’archevêque de Malines et les évêques des Pays-Bas (cf. l’art. Alexandre VIII), compensation des déboires éprouvés en sa carrière de polémiste : plusieurs de ses écrits sont en effet à l’index et la 21e proposition de la série d’Innocent XI était loin de lui être étrangère. Reusch, Index, p. 518. Le livre même que nous avons désigné avait été prohibé par l’archevêque de Malines, Alphonse de Berghes († 1689), cf. Reusch, op. cit., p. 519, contre quoi d’ailleurs l’auteur avait protesté. Sur les difficultés d’Estrix avec l’Index voir aussi les lettres de dom Durban citées col. 531 ; y ajouter la lettre du même, 22 mai 1674, dans Revue Mabillon, t. xxiv, 1934, p. 167-168. La 3e proposition s'énonce :

Non licet sequi opinionem II n’est pas permis de suivel inter probabiles probabivre l’opinion même la plus lissimam. probable d’entre les proba bles.

Elle vient, comme la précédente, de Louvain et précisément de Jean Sinnigh, comme nous l’avons remarqué et expliqué, col. 521. Son intérêt systématique est manifeste, l’une des questions centrales de la controverse étant ici touchée, et pour déclarer qu’un certain usage de la probabilité est permis, au moins celui de l’opinion la plus probable entre toutes les probables présentes. Nous avons vu que la négation de cette thèse ne peut être attribuée indistinctement même au jansénisme, puisqu’un Nicole en personne corrige et affine à ce propos les outrances massives du théologien de Louvain. Encore moins oserait-on l’attribuer aux adversaires du probabilisme en général, la plupart d’entre eux, nous le savons, se gardant soigneusement d’excéder en leur réaction même et professant observer un juste milieu. Mais il serait encore inexact de considérer cette condamnation comme une victoire du probabilisme, la consécration d’un résultat dû aux moralistes de cette tendance, grâce à quoi serait désormais introduit en morale, au moins sous cette forme restreinte, l’usage de la probabilité. On usait de la probabilité longtemps avant le probabilisme, et point ne fut besoin de ses revendications pour qu’on eût aperçu et expliqué cette condition de la vie morale. La théologie classique accueille la probabilité beaucoup plus largement même que ne l’impose la condamnation d’Alexandre VIII, ainsi que nous l’avons montré en la I re partie de cet article. Bien plutôt est ici condamnée une réaction excessive, qu’avaient appelée les excès mêmes du probabilisme, historiquement les premiers, réaction dont nous savons qu’elle demeura incomparablement plus limitée, soit pour l’importance qu’elle prend chez ses auteurs, soit pour la quantité des auteurs mêmes, que n’avaient été les égarements laxistes du probabilisme. L’intervention pontificale sanctionne donc, moins au bénéfice du probabilisme qu'à l’occa-